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Peut-on faire un mauvais usage de la raison ?

Publié le 13/05/2018

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La croyance est une notion difficile à cerner. Elle fait partie de ce que Bertrand Russel appelait les attitudes propositionnelles, au même titre que les désirs, les souhaits, les regrets. Pour certains, elle est une force capable de déplacer les montagnes. Pour d’autres, la béquille d’une humanité incapable de se tenir debout. Deux auteurs s’attaquent cet automne à cette aventureuse question. Henri Atlan, d’une part, dans un livre éblouissant intitulé modestement Croyances (1). Alexandre Lacroix, d’autre part, dans un livre scrupuleux au titre plus énigmatique : Comment vivre lorsqu’on ne croit en rien ? (2). Nous évoquerons aujourd’hui celui-ci, et reviendrons prochainement sur le premier. Ce n’est pas un hasard si le dossier de la croyance remue les philosophes : la croyance est humaine. Les animaux n’en savent pas assez, et les dieux en savent trop pour croire. Comme le remarquait Pascal, avec son humour tragique, le désespéré qui va se pendre croit encore à l’amélioration de son état. Et comme le pointait Husserl : la thèse du monde est une croyance. Nous avons besoin de croire non pas au monde en général, mais...

« ne pas croire est devenue suspecte.

L'incroyant n'a plus droit de cité.

Il n'est plus protégé comme il devrait l'être, « sa liberté n'est plus assurée a priori ». Pourquoi le projet de juger et d'évaluer les croyances d'un point de vue rationnel est-il devenu aujourd'hui à ce point suspect ? Comment, après Spinoza, Bayle, Condorcet, Renouvier, notre époque a-t-elle accouché de tels sortilèges ? Bouveresse rappelait alors qu'il serait possible, et même nécessaire, de ne pas croire du tout : penser, savoir, critiquer peut suffire à la tâche.

La croyance est certes une donnée humaine universelle, mais elle n'est pas pour autant universellement acceptable. Cette mise au point faite, on peut passer au rien.

La réflexion morale et philosophique d'Alexandre Lacroix ne part pas du tout des mêmes présupposés.

Son livre n'est pas une attaque contre la pensée faible, le syncrétisme religieux, ni une mise en garde contre toutes les formes de crédulité.

C'est un livre contre tous « les chevaliers de l'absolu », les dogmatiques en herbe qui prétendent avoir résolu le problème de la justification de l'existence.

C'est un livre qui prend simplement le scepticisme au sérieux.

Dans son acceptation la plus classique.

Tout en distinguant attitude théorique et attitude pratique, il insiste plutôt sur la seconde.

Il rejette le dogmatisme, dans l'ordre de la connaissance ; il remet comme on dit la raison à sa place.

Il professe une sorte de vitalisme critique, rejette le souverain bien, se refuse d'assigner un but au bonheur, se laisse guider par la vie.

S'appuyant sur des exemples littéraires de choix ? Nicolas Bouvier, Jean Genet -, il considère le ballet des apparences comme la seule réalité tangible. Dans une langue souple et aérée, l'auteur cherche une voie.

Mais il n'indique pas le chemin à suivre.

Reprenant à son compte le questionnement ouvert par les stoïciens et les sceptiques, il situe son propos « en partant du constat de notre ignorance radicale », du caractère insondable des moments qui composent notre existence. Ce sont les stoïciens qui ont introduit la notion d'assentiment, elle est essentielle pour comprendre la croyance. Mais le même mot de croyance sert à désigner l'assentiment et ce sur quoi il porte.

Dans la lignée de Sextus Empiricus, Lacroix précise donc sa pensée au sujet de ce qui constitue le nerf des querelles antiques : la suspension de l'assentiment chère au stoïcisme, reprise différemment par Sextus Empiricus, dont la lecture fut déterminante dans sa trajectoire intellectuelle.

Que dit-il ? Ceci : « La suspension de l'assentiment consiste en une méfiance à l'égard des multiples discours sur le réel, envers les théories, et non envers le réel lui-même. »

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