Peut-on penser l'absolument autre ?

« - l La pensée échoue à saisir la diff érence 1 tH•H• La pensée est intrinsèquement intolérante: par le concept comme dans la dialectique, elle censure les différences pour ne considérer que ce qui est pareil à lui-même.

Le concept est négation des différences P our Theodor Ador­ no, les concepts ne sont institués par l'homme qu'en vue de la domina­ tion de la nature.

Aussi portent-ils en eux-mêmes «&:apparence d'identité est ( ••• ) lnh6 rente eu penMr lul-mtme dans H forme pure.

Penser signifie lden­ tffler.• Theodor Adorno, Dlalectlq ue négative la contrainte de l'iden­ tité.

Il n'y a pas deux arbres semblables dans la forêt; par commodité pourtant, la pensée recourt au concept d'arbre, lequel évacue la singularité irré­ ductible de chaque arbre.

Ainsi le concept échoue à préserver le non-iden­ tique.

Le penser est par essence totalitaire M ais il y a pis encore.

L'acte même de penser est dénoncé par Adorno comme atteinte à la liberté (liberté de ce qui est pensé, mais aussi liberté du sujet pensant).

Sommée de produire un jugement, la pensée doit gommer, étouffer, dé­ truire tout ce qui s'écarte de l'unité de l'objet jugé.

Et, dans son effort pour assimiler le réel, le pen­ seur se fait en quelque sorte violence pour ne pas voir ce que sa pen­ sée ne peut atteindre.

La dialectique reste sourde au négatif B ien qu'elle s'appuie sur le «travail du négatif», la dialectique de Hegel aboutit, dans la négation de la négation, à un résultat paradoxa­ lement positif.

Or, Adorno interprète l' «essence af­ firmative» de la dialecti­ que comme l'instrument d'une nouvelle oppres­ sion, celle du sujet ab­ solu et total.

Sous pré­ texte de concilier les con­ traires, Hegel sacrifie les différences qualitatives.

Seul l'art, parce qu'il relêve non plus de la pensée mais du corporel, peut lutter efficacement contre l'illusion de l'identité.. »