Qui parle?
Publié le 17/01/2014
Extrait du document
«
Benveniste nous dit que le langage humain possède au moins deux caractéristiques, qui justement le rendent
iréductible à un simple système de communication.
Tout d’abord, c’est la rupture par rapport au réel.
En effet, il n’y a message chez les abeilles qu’en cas de réalité
correspondante.
Ici, le message donne lieu à un comportement, que Benveniste oppose à un dialogue qui serait
caractéristique à un langage humain.
La spécificité du langage humain est justement la capacité à échanger indépendamment du réel.
C’est la fonction
phatique, ou le fait de différencier le fait de parole du fait d’échanger une information : on peut parlerpour ne rien
dire, on peut mentir, faire de l’humour, de la fiction...C’est la capacité à introduire une réalité strictement
linguistique, sans rapport avec la réalité extérieure.
C’est la capacité de doubler la réalité extérieure d’une réalité
inventée linguistiquement.
Les mots du langage humain sont inféodés à la réalité, on peut décrire la réalité de plusieurs manières : la version
ou le thème en sont l’exemple.
Deuxième caractéristique, c’est la capacité à inventer une infinité d’énoncés.
Je ne suis pas inféodé au réel, je peux
donc inventer une infinité de contenus.
Alors que le langage des abeilles ne porte que sur la distance et la direction
d’une source de nourriture.
Cette illimitation des contenus est liée à la complexité de la pensée.
Mais outre la
complexité de la pensée, il y a une dimension vocale au langage humain, qui lui donne une dimension articulée :
par définition, ce qui est articulé peut être désarticulé puis réarticulé.
Grâce à notre système phonatoire, à cette
dimension articulée, on peut multiplier les significations à l’infini, à l’opposé de la communication des abeilles.
Benveniste tire la conclusion suivante : le système de communication n’est pas comparable à un langage, mais avec
le Code de la route.
Chaque panneau est coréllé à une réalité sur la route, des messages symboliques et peu
complexes, qui ne sont en aucun cas un langage.Ainsi, même s’il y a des systèmes de communication chez les
animaux, ce ne sont pas des langages.
A ce moment-là, seul l’homme parle.
3) La maîtrise par certains animaux de signes linguistiques humains.
On peut prendre l’exemple de Washoe.
Cette
femelle a réussi à maîtriser une centaine de signes du langage des sourds-muets, qui lui permettent d’inventer des
énoncés nouveaux.
Ce qui caractérise l’usage de la parole par Washoe, c’est qu’elle est réduite à sa dimension
injonctive: Washoe n’utilise le langage que pour exprimer des besoins, physiques ou biologiques.
L’usage de la
parole par Washoe révèle l’incapacité à produire des énoncés spéculatifs ou abstraits, et donc sans rapport avec le
réel, des besoins.
C’est ce que Descartes appelle “la dichotomie entre les passions et la pensée.” Les performances
animales sont toujours associées à l’expression d’une passion, d’un affect.
Au contraire, dit Descartes, la pensée humaine est caractérisée par son affranchissement à l’égard des besoins et de
leur expression.
Ces énoncés abstraits sont irréductibles à des besoins idéologiques, et donc à une besoin de
conservation.
Chez l’homme, le langage est un outil d’investigation du réel.
Chez l’animal, c’est un outil
d’expression des besoins réels.
L’animal, aussi exceptionnel soit-il, est donc incapable d’accéder à un niveau purement abstrait.
Le langage
humain est irréductible aux performances des animaux.
Ainsi, seul l’homme parle au sens propre du terme, parce
que seul l’homme dispose d’un pensée abstraite et spéculative, sans rapport avec ses passions, ce dont le langage et
ses énoncés temoignent.
Conclusion: seul l’homme parle.
II-Qu’est-ce qui, en l’homme, parle ?
Quel est cet homme qui parle ? On peut s’interroger sur la nature et la subjectivité humaine.
1) Le sujet conscient et rationnel.
C’est lui qui parle, car l’expérience du langage nous apprend que lorsque nous
parlons, nous savons que nous parlons, et nous savons de quoi nous parlons : ce savoir-là, c’est la conscience.
Dans
« Principes de la philosophie », Descartes dit « par le mot de penser, j’entends tout ce qui se fait en nous, de telle
sorte que nous l’apercevions immédiatement nous-mêmes ».
Pas de pensée sans conscience.
Locke, dans « Essai
sur l’entendement humain » dit, « il est impossible à quiconque de percevoir sans percevoir qu’il perçoit».
Penser présupose l’aperception, le fait d’être aperçu.
Il n’y a pas de pensée sans conscience.
Il y a une simultanéité
entre pensée et conscience : au moment même où je pense, j’en ai conscience.
Si la parole présuppose la pensée, et
que la pensée présuppose la conscience, alors la parole présuppose la conscience.
Cependant, il peut y avoir une dissociation entre le sujet et la parole : le lapsus en est un exemple.
Certaines paroles
sont prononcées par le sujet, mais non maîtrisées par celui-ci.
D’une certaine manière, il n’y a pas que le sujet
conscient qui parle.
La théorie liant parole et conscience est donc incomplète.
Nietzche dit, dans « Par-delà bien et
mal » : « Une pensée se présente quand elle veut, et non pas quand je veux, de telle sorte que c’est falsifier la
réalité que de dire que je est le sujet du prédicat pense.
» Le fait d’associer toujours la pensée à la subjectivité :
l’association entre pensée et subjectivité serair selon lui non pas un fait mais une interprétation.
Il y a une relative.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓