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Qu’est ce qu’un maitre ?

Publié le 02/03/2014

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Qu’est ce qu’un maitre ? 

 

Selon la définition d’André Comte Sponville, le maitre est celui qui enseigne, guide ou commande, voire les trois à la fois. Même s’il semble y avoir une pluralité dans la définition de maitre (Ne parle t on pas de maitre d’école, de maitre chien, de maitre d’hôtel, de maitre chanteur, etc. ?), le maitre c’est par définition celui qui maitrise quelque chose. C’est ainsi que le maitre d’école maitrise un certain savoir qu’il peut enseigner par exemple. 

Alors que signifie maitriser quelque chose ? 

Nous verrons dans un premier temps ce qu’est devenir maitre. Puis nous verrons dans un second temps qu’est ce qui fait la légitimité de la domination d’un maitre. Et enfin nous verrons le cas particulier où le statut de maitre ne s’établie pas à travers l’extériorité mais se comprend comme maitrise de soi. 

 

Maitriser quelque chose c’est avoir acquis des compétences qui rendent maitre. C’est un processus qui est empirique et accidentel. On peut maitriser des choses théoriques mais pas seulement, on peut aussi maitriser des personnes, en leur donnant des ordres, des consignes. La compétence du maitre qui dirige les personnes serait la capacité de se faire obéir, d’imposer une autorité, parce qu’il a un pouvoir (que ce soit force, sagesse, charisme etc.) Il y a une relation entre les volontés dans une relation qui inclut un maitre. Les subordonnés du maitre doivent se soumettre à la volonté de ce dernier. Mais qu’est ce qui fait qu’un maitre soi un maitre ? On suppose que ce maitre n’a pas toujours été maitre, les hommes naissent égaux en droit. Et si le maitre n’a pas toujours été maitre, c’est qu’il l’est devenu. Le devenir est un passage d’un état à un autre. Devenir maitre c’est passer d’un certain statut à un autre statut qui donne un pouvoir. Mais s’il y a des maitres il faut nécessairement qu’il y ait : soit des esclaves, soit des disciples, soit des élèves. L’un ne va pas sans l’autre. Le maitre est condition de ceux qui lui sont soumis, et ceux qui lui son soumis son condition nécessaire du maitre. La relation maitre et esclave est un concept politique ayant pour fonction d’exposer les rapports de domination qui son constitutifs de l’exercice du pouvoir en général. Or, qu’il existe des maitres et des esclaves impose que l’on admette la possibilité qu’un homme soi soumis à un autre homme. Dans Les politiques d’Aristote, ce dernier soutiens à travers l’époque antique qui été la sienne, que l’esclavage est naturel, et qu’en ce sens il y a des hommes qui naissent esclaves, et d’autre qui naissent en étant maitre. Selon Aristote le couple maitre/esclave existe « pour la satisfaction des besoins indispensables « ; l’esclave libère le maitre de la contrainte, pour que le maitre (qui est dans la conception aristotélicienne un jeune homme aristocrate) puisse se consacrer à la vertu. Il y a ici clairement une différence d’égalité entre le maitre et l’esclave, le maitre est l’homme véritable, esclave est l’homme dégradé. Aristote a différentes conceptions humaines. Ceci semble être une vision réductrice du maitre, cependant Aristote raisonne dans un contexte, une époque qui est la sienne, et sa conception a le mérite de nous dévoiler le fait que le rapport qu’on entretient avec un maitre est un rapport de dépendance. Et si le rapport qu’un maitre entretient avec son sujet et un rapport de dépendance du maitre pour le sujet, alors on peut estimer que le rapport de force peut s’inverser. Puisque le maitre a besoin de l’esclave pour subvenir à ses besoins, l’esclave prend donc une position de force. Le rapport de force peut donc s’inverser. C’est ce qu’explique la dialectique du maitre et de l’esclave de Hegel dans La Phénoménologie de l'Esprit : A un moment donné une conscience va essayer de prendre conscience de soi parce qu’elle sait elle-même qu’elle est un sujet actif et libre, mais ceci n’est qu’un savoir immédiat et elle veut se le prouver à elle-même et aux autres. Et pour cela elle a besoin de médiation : elle a besoin de s’objectiver. La conscience doit objectiver sa liberté pour qu’elle soit reconnue comme telle, ce qui donne lieu à une lutte à mort pour la reconnaissance, combat qui symbolise le rapport à autrui. Chaque conscience vise la mort de l’autre conscience, elles essayent de se révéler elle-même comme sujet à travers la négation de ce qui n’est pas elle (La conscience affirme son identité en affirmant sa différence avec autrui). Seul un sujet conscient et libre peut décider de se soumettre à l’autre, et c’est ce qui se passe à l’issue du conflit où une des consciences abandonne et deviens esclave de l’autre. Notons que puisqu’il n’y avait pas de maitre avant le combat il n’y a pas de maitre dans l’absolu. Et puisse que cette relation n’est pas donnée, elle peut se retourner. Et c’est ce qui arrive lorsque l’esclave travaille pour satisfaire le maitre et que le maitre ne fait rien et devient petit à petit dépendant de l’esclave. Et c’est ainsi que le rapport s’inverse. Nous avons pu voir qu’être un maitre n’est pas quelque chose de déterminé, c’est conventionnel, on ne nait pas maitre, on le devient, et on ne le reste pas forcément. Le maitre se situe dans le conceptuel et c’est un concept qui peut se retourner. Nous ne sommes pas déterminés à être maitre. L’élève peut devenir maitre a force de travail etc. 

 

La notion de maitre soulève le problème de la légitimité, la légitimité étant ce qui repose sur une autorité qui peut être fondée sur des bases juridiques ou sur des bases éthiques, et permet de recevoir le consentement des membres d'un groupe. Le maitre représente une autorité, il se situe et est situé par ses élèves, ses disciples, ses esclaves en haut de l’échelle hiérarchique. Le maitre fait autorité, que ce soit par la maitrise d’un savoir, ou de la force. Alors que signifie maitriser quelque chose ? Maitriser quelque chose c’est gouverner cette chose, avoir une autorité dessus. Par exemple lorsque l’on obtient le grade de maitrise dans une université, c’est que l’on a les compétences pour être « maitre en la matière «, le savoir acquis est tel que l’on maitrise la matière étudiée. Cependant il est difficile de déterminer le moment précis où l’on devient maitre. Cependant on peut affirmer que l’on devient maitre lorsqu’autrui nous reconnait comme tel. Et si autrui nous reconnait comme maitre, c’est qu’il peut avoir de bonnes raisons (ou de mauvaises raisons) de le penser. Le rapport à autrui est essentiellement caractérisé par la domination. Politiquement le maitre domine. La politique au sens de Politikè est la pratique du pouvoir, la gestion du pouvoir sur la cité. Celui qui est nommé au pouvoir doit être un maitre en la matière, car il doit être le plus à même de maitriser les enjeux qui rentre en compte dans sa fonction. On notera qu’en Grèce antique, Platon notamment dénigre la démocratie car il estime que ce n’est pas le meilleur système politique, car en démocratie tout le monde peut se présenter à la candidature, même les personnes qui n’ont pas l’étoffe pour gouverner convenablement. Selon Platon, le pouvoir ne doit pas être donné à n’importe qui, on ne peut pas devenir maitre comme ça, il faut avoir les capacités du maitre, et c’est le philosophe, nous dit Platon, qui doit gouverner la cité puisqu’il en a la capacité. Mais ne peut-on pas devenir maitre par la force ? Doit-on nécessairement être reconnu par autrui comme maitre pour être comme tel ? On peut imaginer le cas d’un peuple qui serait gouverné par un dictateur contre son gré. En ce cas, le peuple ne veut pas reconnaitre ce dictateur comme maitre, et en tant qu’il n’est pas leur maitre, il ne sera pas leur exemple. Cependant, le dictateur peut maitriser le peuple, par la force notamment. Et en ce cas le dictateur sera leur maitre par contrainte. On trouve ici une différence de nature de la relation que l’on peut entretenir avec un maitre. Le premier cas est le cas d’un maitre que l’on admire et auquel on se soumet volontairement à son autorité (un maitre spirituel par exemple), et le second cas est le cas du maitre qui nous maitrise et auquel on ne se soumet que par contrainte. L’enjeu ici est un enjeu moral. Un maitre peut être maitre car il suggère sa maitrise, ou parce qu’il l’impose. Et d’autre part on peut aussi trouver l’idée d’un maitre qui est maitre par la force mais aussi par la raison notamment à travers l’idée de despotisme éclairé au siècle des Lumières. Le despotisme éclairé est une doctrine politique où le pouvoir est exercé par des monarques de droit divin (force de l’héritage) dont les décisions sont éclairées par la raison (raison universelle qui se veut serviteur de l’état). Et en ce sens plupart des despotes éclairés étaient en lien avec des philosophes des Lumières. C’est le cas de Joseph II d’Autriche, Frédéric II de Prusse ou encore de Catherine II de Russie. Cependant il est important de se rendre compte qu’au-delà d’être soi contrainte ou volontaire, le fait d’avoir un maitre est aussi une nécessité. Kant dans De l’idée d’une Histoire universelle d’un point de vue cosmopolite dit à la 6ème proposition que « L'homme est un animal qui, lorsqu'il vit parmi d'autres membres de son espèce, a besoin d'un maître. « Kant dit cela car il pense qu’un homme veut qu’on lui pose des limites pour sa liberté et celle des autres, et si il veut cela c’est parce qu’il est un être raisonnable. Mais l’homme est aussi égoïste, alors il a besoin d’un maitre pour le forcer à obéir à une volonté universelle et non à sa volonté particulière. Puis se demandant où désigner ce maitre, Kant aborde l’idée que ce maitre aura lui aussi besoin d’un maitre : « Mais où prendra-t-il ce maître ? Nulle part ailleurs que dans l'espèce humaine. Or ce sera lui aussi un animal qui a besoin d'un maître «. A partir de cette idée on peut remarquer que c’est un effet le cas. Il n’y a pas de maitre absolu, un maitre a toujours un autre maitre au dessus de lui. Pennons le cas de l’inspection générale de la police nationale, plus connue sous le terme de « police des polices « ou encore le cas de l’inspection professorale. Un maitre n’agit en maitre suprême, puisqu’on a toujours un maitre au dessus de soi, ou des maitres sur qui on veille. Le maitre est donc inscrit dans un système de reconnaissance, une reconnaissance qui se fait de la par des disciples, élèves ou esclave par volonté ou par contrainte. Quoi qu’il en soit il faut qu’autrui nous estime comme maitre pour être vraiment un maitre. Et cela vaut aussi en ce qui concerne le cas particulier de la maitrise de soi à ceci près que la reconnaissance ne sera pas donnée par autrui mais par soi même. 

 

 

 

Durant notre vie nous pouvons avoir plusieurs maitres, que ce soit des maitres d’école, des maitres spirituel, des maitres qui nous enchainent etc. Mais notre fin n’est elle pas finalement de nous libérer des maitres ? Car même si nous en avons besoin, notre fin n’est elle pas de devenir soi même un maitre, maitriser quelque chose (le désir de l’élève n’est il pas de réussi à avoir autant de connaissance que son maitre et espérer ainsi devenir maitre à son tour ?), voire même de se maitriser soi même. Etre maitre de soi renvoi à l’idée de maitriser non seulement ses actions mais aussi ses passions. La passion se rapporte à la notion de passivité. Se maitriser, c’est devenir maitre de ses passions, maitre de ce qui est passif en soi, et donc être actif. Cette maitrise peut se trouver à différents niveaux : elle peut être physique (maitriser une douleur par exemple), morale (décider de se raisonner concernant un préjuger moral) ou encore intellectuelle (comme maitriser une émotion). Et en ce sens il est important de noter que quand je suis maitre de moi-même, le maitre qui agit c’est moi-même, et sur quoi j’agis c’est moi-même aussi. C'est-à-dire que je suis à la fois sujet et objet. Cependant il y a une limite à être maitre de soi. On ne peut pas tout maitriser en soi, par exemple on ne peut pas exiger à son corps d’arrêter de respirer pendant trois quatre jours, il y a une contrainte naturelle. Il faut noter que se maitriser c’est être actif, ne pas se laisser être un jouet du destin passif. Kant explique dans Anthropologie du pont de vue pragmatique, III, § 81 que la passion est un esclavage consenti, « l'émotion porte un préjudice momentané à la liberté et à la maîtrise de soi-même" à la différence de "la passion en fait fi et trouve plaisir et satisfaction dans l'esclavage". Ici on retrouve bien l’idée que se maitriser c’est se poser en maitre de soi. La conception que Kant a est une conception dualiste : l’homme a un corps et une âme distincte l’une de l’autre, et le corps est instrument de l’âme. 

 

Devenir maitre est un processus empirique et accidentel. On devient maitre lorsque l'on a acquis certaines compétences qui nous rendent maitre, il n'y a pas de maitre dans l'absolu, on ne nait pas maitre. La notion de reconnaissance est importante pour qu'un maitre devienne tel, car être maitre cela s'établie à travers la relation avec autrui. Etre maitre implique nécessairement qu'il y ait des subordonnés au maitre, le maitre est condition nécessaire des subordonnés, les subordonnés sont condition nécessaire du maitre, l'un ne va pas sans l'autre. D'autre part dans la notion de maitre on retrouve l'idée de domination. Et cette domination peut être fondée sur une contrainte ou non. Ce qui engendre un enjeu moral concernant le maitre. Enfin nous nous sommes demandé si finalement le notre but n'est pas de devenir maitre par nous même, et en ce sens nous avons envisagé le maitre étant maitre de lui-même, et nous en avons déduit qu’être maitre de soi c’est se maitriser, et maitriser étant un processus actif, le maitre va chercher à maitriser ce qui est passif en lui c'est-à-dire les passions.

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