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L'ABUS DE MAJORITE ET L'ABUS DE MINORITE

Publié le 29/03/2014

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L'ABUS DE MAJORITE ET L'ABUS DE MINORITE 

 

Un député socialiste André Laignel asséna le 20 octobre 1981 aux députés de l'opposition lors d'une discussion houleuse à l'Assemblée nationale ''vous avez juridiquement tort parce que vous être politiquement minoritaire".On verra qu'à l'instar des régimes politiques, le droit des sociétés est confronté au redoutable problème de la protection des minorités et parfois même à celui de la majorité. 

Face à la superbe des forts, il faut compter avec la tyrannie des faibles. 

 

C'est pourquoi, on remarque en cette matière que si le droit de vote est protégé par le principe de liberté, il se trouve également protéger et encadrer pas la notion d'abus de droit. Cette notion vise à empêcher que le droit de vote soit mis en oeuvre de façon discrétionnaire. 

C'est la jurisprudence qui est venue renforcer la protection du droit de vote en instituant cette théorie de l'abus de droit en droit des sociétés. 

Face à l'abus de la majorité se pose également le problème de l'abus des minorités. 

 

L'abus de droit est la transposition en droit des sociétés (avec tout de même des nuances) de la théorie civiliste de l'abus de droit (on peut user de son droit, mais non en abuser dans le seul dessein de nuire à autrui ou en le détroussant de sa fonction). Autant dire que son application doit rester exceptionnelle, car il n'y a pas faute a priori à user de son droit. 

L'abus n'est caractérisé qu'en cas de détournement de pouvoir, si la décision ne s'explique que par un intérêt égoïste contraire à l'intérêt social. 

En l'espèce il s'agit justement de déterminer si un abus de majorité est caractérisé par l'action du dirigeant de la SARL Merveilles lorsqu'il décide d'affecter les bénéfices aux réserves et ceci malgré l'accord de l'assemblée générale. 

Il s'agit également de se demander si un abus de minorité peut être constitué par le projet de ses associés minoritaires de contrer toutes ses décisions d'extension de la société et notamment ses projets d'augmentation du capital social ou de transformation de la société en SA. 

 

Pour répondre à ces questions, nous verrons dans une première partie si l'affectation systématique des bénéfices aux réserves suffit à elle seule à caractériser un abus de majorité (I) puis nous verrons de la même manière si la décision des associés de s'opposer systématiquement au projet d'extension de la société peut constituer un abus de minorité (II). 

 

I- L'affectation systématique des bénéfices aux réserves, un cas d'abus de majorité? 

 

On notera d'abord que la décision litigieuse a été prise valablement par l'assemblée ordinaire de la société (A) pour se demander par la suite si elle peut néanmoins caractériser un abus de majorité (B). 

 

A) Une décision litigieuse prise valablement par l'assemblée générale ordinaire de la société. 

 

Dans la SARL MERVEILLES, Monsieur Jean-louis LEFRIC est son dirigeant et il 

détient en outre la majorité des parts. 

A l'issue d'une délibération de l'Assemblée Générale dans laquelle il a été décidé d'affecter les bénéfices aux réserves, une certaine mésentente s'est installée dans la société entre Mr Jean Louis LEFRIC et ses associés minoritaires. 

En effet, ces derniers n'acceptent pas une telle affectation. 

On peut se demander alors pourquoi est ce que les associés minoritaires n'ont pas pu contré lors du vote à l'assemblée générale la décision de Monsieur LEFRIC d'affecter les bénéfices aux réserves? 

 

Pour répondre à la question, nous verrons d'une part que la décision litigieuse a été prise par l'assemblée générale ordinaire de la société puis nous verrons d'autre part que cette décision a été prise conformément aux lois organisant sa procédure, en dépit de l'opposition des associés minoritaires. 

 

1° Une décision litigieuse prise par l'assemblée générale ordinaire de la société. 

 

Les assemblée générales ordinaires sont toutes les assemblées réunies au cours de la vie sociale pour un but autre que la modification des statuts qui relève des assemblées extraordinaires ou, la vérification et l'approbation des apports en nature en cas d'augmentation du capital, qui sont du ressort des assemblées constitutives. 

Les assemblées générales ordinaires ont vocation à délibérer sur diverses questions: la réélection ou le remplacement des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance et des commissaires aux comptes et la fixation de leur rémunération; la détermination de l'emploi des bénéfices etc. 

C'est donc cette dernière fonction de l'assemblée générale ordinaire qui nous intéresse en l'espèce. 

 

En effet, en ce qui concerne l'emploi des bénéfices, l'assemblée statue sur proposition du conseil d'administration. 

Il s'agit des bénéfices distribuables, c'est à dire du bénéfice de l'exercice, diminué 

des pertes antérieurs ainsi que des sommes à porter en réserve, en application de la loi ou des statuts et augmenté du report bénéficiaire. 

Un prélèvement d'1/20e doit être fait annuellement pour former la réserve légale, jusqu'à ce qu'elle atteigne 1/10e du capital social. 

 

Un autre prélèvement peut être effectué pour constituer une réserve extraordinaire. Il convient également de prélever une réserve spéciale de participation des travailleurs. 

En dehors des réserves, le bénéfice est en principe distribué sous forme de dividende aux actionnaires, mais il peut y avoir constitution d'un report à nouveau. 

 

En l'espèce, c'est donc l'assemblée générale ordinaire de la société qui a pris la décision d'affecter les bénéfices aux réserves et de priver ainsi pour la dixième année les associés de dividendes afin de constituer une réserve extraordinaire. 

Mais comment une telle décision a pu être prise par l'assemblé générale ordinaire alors que les associés minoritaires s'y sont opposés? 

 

2°La validité de la délibération de l'assemblée générale ordinaire. 

 

Tous les actionnaires ont un droit d'entrée dans ces assemblées générales ordinaires. 

Le quorum est, sur première convocation, du cinquième des actions; sur deuxième convocation, aucun quorum n'est requis, si bien que le vote d'un seul actionnaire pourrait suffire. 

La majorité est la majorité simple, c'est à dire la moitié plus une voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés conformément à l'article L 225-98 alinéa 3 du Code de commerce. 

 

La décision d'affecter les bénéfices aux réserves a donc pu être prise sans l'accord des associés minoritaires de la société puisque la règle de délibération des assemblées générale ordinaire est la majorité simple. Or Mr LEFRIC détient la majorités des parts sociales, et détient de ce fait le monopole des décisions lors de l'assemblée générale ordinaire. 

Ce monopole reste donc valable aux yeux de la loi. 

On peut se demander alors si ce monopole dont Mr LEFRIC profite et qui lui a permis de priver pour la dixième fois les associés minoritaires de dividendes, afin d'affecter les bénéfices aux réserves, ne constitue pas dans son individualité un abus de majorité bien qu'il soit pris en conformité avec la loi. 

 

B) Un abus de majorité caractérisé? 

 

Nous l'avons vu les associés minoritaires de la SARL Merveilles refusent fermement l'affectation litigieuse qui pour la dixième année consécutive va les priver de tout dividende alors que dans le même temps, la rémunération de M. LEFRIC n'a cessé de croitre. 

Ce dernier pour se défendre avance deux arguments. D'abord le fait que cette affectation correspond à une politique de prudence, tournée ''vers un avenir en grand''. Puis il allègue qu'elle est de nature à accroitre de façon durable la valeur de leurs parts sociales. 

Les associés toujours en désaccord prétendent que la cessibilité de leurs parts à 

 

des étrangers à la société se voit de toute manière subordonnée à l'agrément de M. 

 

LEFRIC. 

Ils ont alors décidé de porter l'affaire devant les tribunaux. 

La question se pose donc de savoir si ladite affectation peut être constitutive d'un abus de majorité devant les tribunaux bien qu'elle soit prise de façon régulière. 

 

En réponse à la question nous étudierons premièrement les conditions de l'abus de majorité appliquées à la société Merveilles, puis deuxièmement la sanction de l'abus de majorité. 

 

1° Les conditions de l'abus de majorité appliquées à la société Merveilles. 

 

Même si l'assemblée a été régulièrement tenue, il peut se faire que certains associés minoritaires soient gravement lésés par une décision prise. 

Il résulte alors d'une jurisprudence constante qu'un associé peut demander la nullité d'une telle décision, en cas d'abus du droit de majorité: c'est là une application de la théorie de l'abus de droit. 

C'est à l'associé qui se prétend victime d'un abus de majorité d'en prouver l'existence. 

Ainsi, pour que son action soit admise, il doit prouver l'existence de deux conditions posées par la jurisprudence. 

Il faut d'une part que la résolution litigieuse ait été prise contrairement à l'intérêt général de la société et d'autre part qu'elle ait été prise dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité, situation que l'on qualifiera de rupture d'égalité. 

Plus précisément, l'abus de majorité relève non d'un contrôle d'opportunité: il ne s'agit pas seulement d'apprécier si la décision litigieuse est inopportune; mais d'un contrôle de légalité: il s'agit de rechercher si la décision inopportune est destinée à rompre l'égalité entre associés, c'est à dire à rompre la communauté d'intérêts qui doit exister entre eux en application de l'article 1833 du Code civil. L'article 1833 prévoit en effet que ''Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés". 

 

Il faut faire un examen minutieux de la jurisprudence pour savoir si un abus de majorité peut être relevé en l'espèce. 

 

Tout d'abord, il convient de remarquer que la constitution de réserves excessives 

sans intérêt pour la société et préjudiciable aux intérêts pécuniaires des minoritaires a toujours été sanctionnée par la jurisprudence. 

C'est le cas par exemple dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 22 avril 1976 ou les associés majoritaires percevaient des rémunérations et des avantages divers versés par la société avaient décidé chaque année, depuis 20 ans, d'affecter en réserves la totalité des importants bénéfices sociaux. L'associé minoritaire plaida alors l'abus de droit et la cour de cassation valida sa demande au motif que les sommes mises en réserve étaient demeurées inemployées et seul l'associé minoritaire qui n'exercent pas de fonctions dans la 

 

société ne retirait strictement aucun profit de sa participation. 

 

De même, ont été annulées les délibérations des associés aux termes desquelles 

 

l'affectation systématique des bénéficies aux réserves n'a répondu ni à l'objet ni aux intérêts de la société, et ces décisions ont favorisé les associés majoritaires au détriment de l'associé minoritaire ( Cour de cassation, chambre commerciale, 1 er juillet 2003). 

 

En revanche, la décision d'affectation des bénéfices aux réserves lorsqu'elle s'inscrit dans la politique économique de la société approuvée par la majorité des associés de la société suffit à écarter l'existence d'un abus de la majorité: arrêt du 1er mars 1993 de la cour d'appel de Toulouse 1ère et 2ème branche. Il s'agit d'un arrêt de renvoie de l'arrêt de la cour de cassation du 22 janvier 1991. 

Dans cet arrêt, la cour d'appel avait d'ailleurs relevé que la décision d'affectation litigieuse, donnaient une plus grande assise aux parts sociales détenues par les associés. 

 

Si l'on se penche plus précisément sur cette affaire on remarque que la première cour d'appel saisie avait reconnu l'existence de l'abus de majorité au motif que les réserves avaient déjà atteint un niveau suffisant, que les associés majoritaires contrairement à l'associé minoritaire profitaient des avantages directs et indirects de la société et que l'incorporation au capital des réserves n'auraient été décidée que pour empêcher la répartition des bénéfices. 

La cour de cassation a cassé la décision de la cour d'appel au motif que la cour d'appel ne se fondait que sur de simples affirmations impropres à préciser en quoi les résolutions litigieuses avaient été prises contrairement à l'intérêt général et dans le dessein unique de favoriser les associés majoritaires au détriment de l'associé minoritaire. 

 

Sur un autre terrain, l'abus de majorité a pu être également retenu par les juges. 

En effet, l'affectation de rémunérations excessives au profit des dirigeants de la société a été retenu comme un abus de majorité par les juges (Cour d'Appel de Grenoble le 06 mai 1964). 

 

Ainsi si l'on compare les faits en l'espèce à ces jurisprudences on constate tout d'abord que certes, les bénéfices ont été pendant dix ans affectés aux réserves ce qui peut paraitre excessif. 

Mais aux yeux de la jurisprudence, le caractère excessif ne pourra être établi que si ces affectations systématiques sont sans intérêt pour la société et profite aux majoritaires au détriment des associés minoritaires. 

Il suffirait donc que la décision réponde à l'intérêt social de la société pour que l'abus de majorité ne puisse être établi, les deux conditions étant rappelons le cumulatives. 

En l'espèce, bien que les associés arrivent à prouver leurs allégations selon lesquels seul monsieur LEFRIC profite des bénéfices de la société puisque sa rémunération ne cesse de croitre, et que la valorisation de leurs parts ne leur ai pas 

 

profitable puisque leur cessibilité à des étrangers à la société est subordonnée à l'agrément de M.Lefric, si la première condition à savoir l'atteinte à l'intérêt social n'est pas remplie, l'abus de majorité risque de ne pas être caractérisé. 

 

En effet, il suffirait que Monsieur Lefric arrive à prouver que cette décision s'inscrit dans la politique économique de la société ce qu'il avance d'ailleurs et qu'elle est approuvée par tous, pour que la première condition ne soit pas remplie et que l'abus de majorité ne soit pas retenu par les juges. 

 

En revanche, les associés allèguent que la rémunérations de M.Lefric n'a cessé d'augmenter alors même qu'il ne distribue pas de dividendes aux autres associés, la justification de cette privation étant une politique de prudence adoptée par la société. 

Les associés minoritaires pourraient éventuellement eu égard à la politique de prudence de la société établir qu'ils sont les seuls à subir la rigueur de cette politique et donc fondé l'abus de majorité sur une rémunération excessive du dirigeant au détriment de l'intérêt social de la société et de celui des autres associés. 

 

2° Les sanctions de l'abus de majorité. 

 

Puisque les associés minoritaires veulent empêcher l'affectation des bénéfices aux réserves, ils doivent donc espérer obtenir l'annulation de la décision de l'assemblée générale ordinaire. 

Il s'agit donc d'analyser la jurisprudence pour voir si les juges ont la capacité d'annuler une telle décision. 

 

La sanction de l'abus de majorité peut consister dans l'octroi de dommages et intérêts, mais les tribunaux n'hésitent pas à prononcer la nullité de la décision abusive. 

Les tribunaux ont ainsi prononcé la nullité d'une mise en réserve systématique de bénéfices; la nullité d'une délibération organisant une dévolution héréditaire de la gérance d'une société civile au profit de l'un des deux cals d'associés. 

 

D'autre part, il faut faire une différence quant aux actions que les minoritaires peuvent intenter. 

Il s'agit de l'action en responsabilité et de l'action en annulation de la délibération abusive. 

L'action en responsabilité est fondée sur l'article 1382 du Code civil (il faut donc que le demandeur apporte la preuve d'un préjudice) et est soumise à la prescription décennale. 

L'action en annulation de la délibération abusive est fondée sur l'article 1844-10 du Code civil et se prescrit en principe par trois ans, sauf application d'une prescription plus courte. 

Conformément à l'article 31 du Code de procédure civile, cette action est ouverte à tous ceux qui peuvent se prévaloir d'un intérêt légitime, les associés minoritaires mais aussi un dirigeant agissant au nom de la société. 

 

L'abus de majorité porte en effet préjudice non seulement aux minoritaires mais encore à la société. Il n'est donc pas illogique que la société puisse agir pour faire sanctionner un acte contraire à l'intérêt social. 

D'autre part, tandis que l'action en réparation doit être dirigée contre les associés 

 

majoritaires, l'action en annulation doit être intentée contre la société: il y aurait erreur d'aiguillage à réclamer des dommages et intérêts à la société. 

 

En l'espèce, puisqu'il s'agit d'une mise en réserve systématique de bénéfices, si un abus de majorité est caractérisé, les associés minoritaires pourront obtenir la nullité de la décision et obtenir ainsi des dommages et interets par l'exercice d'une action en responsabilité. 

L'action en responsabilité étant plus opportune, compte tenu du fait qu'ils n'ont pas reçu de dividendes pendant dix années consécutives. 

 

II- Le projet d'opposition systématique des associés minoritaires aux projets d'extension de la société, un abus de minorité? 

 

A) L'abus de minorité en cas de délibération de l'assemblée extraordinaire. 

 

Les associés minoritaires de la société ont menacé M. LEFRIC de contrer tous ses projets d'extension de la société particulièrement en ce qui concerne ses projets d'augmentation du capital social voir de la transformation de la SARL en SA; ces projets nécessitant une décision prise par les associés représentant au moins 3/4 du capital social. 

 

1° Une décision relevant de la compétence de l'assemblée extraordinaire. 

 

Aux termes de l'article L 225-96 alinéa 1 du Code de commerce, seule cette assemblée a compétence pour modifier les statuts dans toutes leurs dispositions. 

Toute clause contraire est réputée non écrite. 

A ce titre, elle fait l'objet de règles spécifiques destinées à éviter que la modification du pacte social soit effectuée de façon désinvolte et au mépris des droits légitimes des actionnaires. 

L'assemblée extraordinaire peut donc opérer des modifications importantes, telles que: l'extension ou la restriction de l'objet social, l'augmentation ou la réduction du capital social, la transformation de la société, sa dissolution anticipée ou la prorogation de sa durée. 

 

En l'espèce, ce n'est donc que l'assemblée extraordinaire des associés qui peut prendre la décision d'augmenter le capital social de la société ou décider de sa transformation en SA. 

 

2° Un projet de décision apriori valable. 

 

Les règles communes à toutes les assemblées s'appliquent aux assemblées générales extraordinaires. Mais compte tenu de la gravité des décisions entrant dans la compétence de ces assemblées, quelques règles particulières ont été édictées à ce sujet. 

 

L'assemblée générale ne peut valablement délibérer que si le quorum du quart des actions est atteint sur première convocation. Sur deuxième convention, le quorum est réduit au cinquième. 

Les décisions ne sont valablement prises qu'à la majorité des deux tiers des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés. 

Cette exigence d'ordre public permet à tout actionnaire ou groupe d'actionnaires possédant plus du tiers des droits de vote (minorité de blocage) de paralyser toute modification statutaire. 

 

Cependant, cette exigence de majorité des deux tiers comporte quelques exceptions. 

Certaines décisions bien que modifiant les statuts, sont prises à une majorité simple. Tel est le cas de d'une décision d'augmentation de capital par incorporation de réserves, qu'elle se réalise par l'attribution d'actions nouvelles aux actionnaires ou, par l'augmentation du montant nominal des titres. 

Inversement, d'autres décisions requièrent une majorité plus importante, voire l'unanimité. C'est le cas d'une augmentation de capital réalisée par une majoration du montant nominal des actions, à moins qu'elle soit effectuée par incorporation de réserves ou de primes de fusion ou d'émission. 

 

D'autre part, les décisions de l'assemblée générale extraordinaire doivent être publiées afin d'être rendue opposables aux tiers. 

 

Ainsi, concernant tout d'abord l'éventuelle décision de transformation de la SARL merveilles en SA, les associés peuvent effectivement paralyser la décision de modification statutaire nécessaire à la transformation effective de la société, eu égard à l'exigence d'une majorité de deux tiers des voix. 

Autrement dit, en principe toutes les décisions qui relèvent de cette assemblée peuvent tomber sous le contrôle de la minorité. 

 

Concernant maintenant, l'éventuelle décision d'augmentation du capital social. 

C'est un cas particulier dans la mesure ou l'augmentation du capital peut être prise à une majorité simple. Ainsi, Monsieur LEFRIC pourra augmenter le capital social de la société sans subir la pression d'une minorité de blocage s'il décide d'augmenter le capital par incorporation des réserves. 

En revanche, toute autre méthode d'augmentation du capital requière la majorité des 3/4 ou même une majorité plus importante. 

 

Par ailleurs, on pourrait se demander si la décision des minoritaires d'user de leur minorité de blocage uniquement en guise de chantage, dans l'unique but de voir M.LEFRIC annuler la décision de l'assemblée générale ordinaire litigieuse et leur octroyer des dividendes, ne constituerait pas un abus de minorité. 

 

B) Un abus de minorité caractérisé? 

 

Comme nous l'avons vu les associés minoritaires ont pour projet de s'opposer à toutes les décisions d'extension de la société de M.LEFRIC. 

 

Celui-ci prétend pourtant que ces projets sont indispensables à la compétitivité de la société, et donc à sa survie. 

Pour ces raisons, M.LEFRIC entend ne pas rester inactif face à cette obstruction. 

Son ami, Monsieur Jean-Charles DUCODE lui a d'ailleurs assuré qu'afin de vaincre une éventuelle résistance injustifiée de ses coassociés, le juge pourra lui-même prendre la décision souhaitée, ou bien substituer un mandataire de son choix aux associés défaillants ou opposants. 

 

La première question qui se pose alors est de savoir si les associés minoritaires peuvent constituer un abus de minorité dans le cas ou ils s'opposeraient effectivement aux projets d'extension de la société et plus particulièrement au projet d'augmentation du capital social et de transformation de la société en SA envisagé par M. LEFRIC. 

La seconde question qui se pose est de savoir si les tribunaux peuvent autoriser les majoritaires à passer outre à l'obstruction des minoritaires? Si oui par quels moyens? 

 

Pour répondre à ces questions nous évoquerons dans un premier temps les conditions de l'abus de minorité appliquées à la société Merveilles. 

Dans un second temps, nous nous attarderons sur la sanction de l'abus de minorité. 

 

1°Les conditions de l'abus de minorité appliquées à la société Merveilles.

 

Certaines décisions sociales, notamment celles qui entrainent une modification des statuts, ne peuvent entreprises qu'à une majorité qualifiée. Les associés qui disposent d'une minorité de blocage ont entre les mains une arme redoutable. 

Mais une obstruction systématique de la part de la minorité peut constituer un abus de minorité (ou d'égalité). 

Pour définir l'abus de minorité, la Cour de cassation retient en négatif des critères très voisins de ceux de l'abus de majorité. 

L'abus de minorité existe quand l'attitude du ou des associés minoritaires est contraire à l'intérêt général de la société, ce qui est le cas lorsque l'associé fait échec à la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci; puis lorsqu'elle est dictée par l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts aux dépens de l'ensemble des autres associés. 

 

Attardons-nous d'abord sur la question de l'augmentation du capital social. 

 

A l'étude de la jurisprudence on peut voir que si la société est menacée de dissolution parce que son capitales inférieur au minimum requis par la loi ou parce qu'il lui faut reconstituer ses capitaux propres, l'opposition systématique sans motif 

 

pertinent du minoritaire est a priori suspecte (cass. com 9 mars 1993). 

 

En revanche, on remarque que les juges ne relèvent pas d'abus de minorité si la société est prospère et si l'augmentation de capital ne répond qu'à des préoccupations d'ambition économique, l'opposition du minoritaire peut être justifiée par son désir de conserver son poids politique dans la société. ( cass. Com 27 mai 1997) 

Pour autant, le contrôle judiciaire ne procède pas d'un contrôle de l'opportunité du refus d'adopter la décision. Ainsi, le seul fait que les minoritaires, à qui n'avaient pas été communiqués de surcroit d'informations suffisantes sur l'utilité de l'opération, se soient opposés à une décision essentielle pour la survie ne suffit pas à établir l'abus de minorité; encore faut-il établir que le refus des minoritaires est fondé sur l'unique dessein de favoriser leurs propres intérêt au détriment des autres associés. 

 

De plus, l'absence de motivation raisonnable à un vote négatif ou le fait de ne pas participer aux décisions collectives ne constitue pas un abus, s'il n'est pas démontré que cette abstention a pour but de nuire aux intérêts de la sociétés; il faut de surcroit que le blocage de la décision contrarie l'intérêt social sur une opération essentielle et entraine une rupture intentionnelle de l'égalité entre les associés. 

 

En ce qui concerne la transformation de la société, il faut qu'elle constitue une 

opération essentielle à la société et le blocage de cette décision doit nuire à l'intérêt 

social de la société et à celui des autres associés. 

On peut relever en ce qui concerne la transformation de la société que n'a pas été retenue comme constituant un abus de minorité le cas de non participation volontaire à une décision de transformation votée à l'unanimité de tous les autres associés alors que l'associé minoritaire n'avait assisté à aucune délibération depuis plus de quatre ans. 

 

En l'espèce, la décision des associés minoritaires de bloquer tout projet d'extension de la société et particulièrement les projets d'augmentation du capital social ou de transformation de la société ne semble pas motivée d'un motif raisonnable. 

Mais on l'a vu l'absence de motif raisonnable n'est pas retenu à lui seul en jurisprudence comme un abus de minorité. 

Cependant, Monsieur LEFRIC allègue que ces projets sont indispensables à la compétitivité de la société et donc à sa survie. 

Or comme on l'a relevé, lorsque les enjeux sont aussi importants pour la société, les juges retiennent l'abus de minorité. 

Il appartiendra par conséquent à Monsieur LEFRIC de démontrer en quoi ces projets sont réellement indispensables à la survie de la société et ne pas se contenter de simples allégations. 

 

2° La sanction de l'abus de minorité. 

 

Cette sanction soulève une réelle difficulté. Dans le cas de l'abus de majorité, l'annulation de la délibération s'avère efficace et suffisante, puisqu'elle assure un retour à la situation antérieure. 

En revanche, en cas d'abus de minorité, les tribunaux se trouvent confrontés à l'absence de décision. Ils ne peuvent pas annuler une décision qui n'a pas été prise. 

En outre, la seule sanction à des dommages et intérêts des minoritaires 

récalcitrants semble souvent être une sanction inadéquate. En effet, elle ne résout pas la difficulté à savoir obtenir l'adoption de la résolution proposée et il faudra en 

outre prouver sur la base de l'article 1382 du Code civil la réalité du préjudice découlant de l'opposition du minoritaire. 

 

La Cour de cassation avait laissé entrevoir une solution radicale, celle de la ''décision valant vote'': le juge adopterait les résolution en lieu et place des associés. Mais cette jurisprudence, qui fait fi des intérêts des associés minoritaires, semble aujourd'hui totalement abandonnée. Tout au plus, le juge peut-il désigner un mandataire aux fins de représenter les associés minoritaires défaillants à une nouvelles assemblée et de voter en leur nom dans le sens de l'intérêt social mais sans porter atteinte à l'intérêt légitime des minoritaires. 

C'est ce qui ressort de l'arrêt Flandin de la Cour de cassation du 9 mars 1993, marquant un revirement de la Cour de cassation. 

Elle a considéré en effet, que ''le juge ne pouvait se substituer aux organes sociaux légalement compétents et il lui était possible de désigner un mandataire aux fins de représenter les associés minoritaires défaillants à une nouvelle assemblée et de voter en leur nom dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social mais ne portant pas attente à l'intérêt légitime des minoritaires''. 

Cependant, la Cour d'appel de Toulouse statuant sur renvoi de ce dernier arrêt, a au contraire décidé de substituer à une résolution d'assemblée d'associés une décision de justice. 

 

Néanmoins, la règle qu'il semble falloir retenir est celle de la juridiction du plus haut degré à savoir la Cour de cassation. C'est d'ailleurs la solution retenue en générale par les juges puisqu'elle constitue un compromis. 

 

En d'autres termes, Jean-Charles DUCODE a relativement raison. 

Si M. LEFRIC arrive à établir l'existence d'un abus de minorité, le juge pourra lui-même prendre la décision souhaitée, ou bien substituer un mandataire de son choix aux associés défaillants ou opposants. 

Manifestement, les juges auront plus tendance à désigner un mandataire ad hoc plutôt que de prendre la décision à la place des associés.

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