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CONSTITUTION DE PAIX PAR ORDONNANCE ROYALE DE LOUIS VII POUR UNE DURÉE DE 10 ANS.

Publié le 08/03/2014

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louis vii

CONSTITUTION DE PAIX PAR ORDONNANCE ROYALE DE LOUIS VII POUR UNE DUREE DE 10 ANS.1155 

 

INTRODUCTION 

Au temps des capétiens le rapport entre le roi et les Grands vassaux fut longtemps relâché dès les décennies qui suivirent l'avènement d'Hugues Capet en 987. Le pouvoir du roi est faible par rapport à celui de ces seigneurs. Or au XIIe siècle on assiste à un léger progrès des droits du roi sur la vassalité. Le roi capétien s'est engagé à agrandir le cadre de ses vassaux. Avant le problème était que selon les règles de la vassalité un roi ne pouvait rien exiger de ses arrières vassaux qui ne devaient fidélité qu'à leur seigneur. Cela fait référence à l'adage « le vassal de mon vassal n'est pas mon vassal«. Ainsi lors de son règne Louis VII (1137-1180) dû prendre en considération le renforcement des dépendances vassaliques. Celles-ci favorisaient d'autant plus la puissance des princes territoriaux qui disposaient d'une terre libérée de toute autorité royale. Un exemple de puissance territoriale qui représentait une véritable menace pour le roi était celle des Plantagenêt, en particulier par Henri II. Celui-ci possédait en effet un grand domaine avec la Normandie, le Maine, l’Anjou et en 1152 le duché d'Aquitaine grâce à son mariage avec Aliénor d’Aquitaine, l'ancienne reine répudiée par Louis VII en 1152.S'en suit alors une crise politique entre le roi et ce prince territorial qui a acquérit entre temps l'Angleterre. En 1154 Louis VII conclut une paix en renonçant à l‘Aquitaine et en recevant une compensation. Le mariage entre Henri II et Aliénor d'Aquitaine mit en péril la puissance de Louis VII et l’incita donc à renforcer son royaume. Il renforça ses liens tout d'abord avec le rattachement des arrières vassaux. En échange d'un hommage et de fidélité, il leurs donne un fief-rente sur son domaine. Ce droit de prendre le montant de la rente sur le domaine royal permet au roi d'assurer une soumission de ses nouveaux vassaux puisqu'il peut leur confisquer en cas de forfaiture. Pour Louis VII c’est un moyen de montrer ses pouvoirs de seigneur vassalique sur les grands fiefs. Dans la continuité de ce renforcement vassalique, le roi Louis VII veut s'assurer de la paix au sein du royaume. Cette décision fut probablement indirectement suscitée à cause de la menace Plantagenêt. Ainsi le roi proclama une ordonnance de paix pour 10 ans suite au concile de Soissons le 10 juin 1155. Il réunit les évêques de Reims et de Sens avec leurs évêques suffragants et les plus puissants barons du royaume qui n’appartiennent pas au bloc angevin(le duc de Bourgogne, les comtes de Flandre, de Champagne et de Nevers). 

 

Cette paix fut une des premières initiatives qui réaffirma en partie la responsabilité politique du roi au sein du royaume depuis son déclin au IXe siècle. Mais qui assure la paix dans la seconde moitié du XIIe siècle ? Il est clair que cette ordonnance fut un élément incontestable au resurgissement de l'autorité législative du roi. Néanmoins cette nouvelle puissance royale apparut avec faiblesse laissant le pouvoir aux Grands pour appliquer la paix. 

 

La réaffirmation de l’autorité législative royale 

 

Au milieu du XIIe siècle l'autorité royale se réaffirme avec une volonté de montrer son pouvoir législatif. 

Lors du concile le roi proclame la paix protégeant ainsi les églises et leurs biens , les paysans et les marchands: «nous avons ordonnée qu'à partir de la prochaine fête de Pâques et pour dix ans , toutes les églises du royaume et toutes leurs possessions , et tous les cultivateurs, aussi les troupeaux des gros et petit bétail, et, sur les chemins de curé tous les marchands d'où qu'ils soient et les hommes, quels qu'ils soient , pour autant qu'ils seront prêts à ester en justice devant ceux auxquels ils devront demander justice ,tous absolument aient paix et pleine sécurité." (l.8 à 14). Durant cette période Louis VII voulait s'assurer d'une alliance politique face à la puissance des Plantagenêt. Grâce à son nouveau mariage avec la fille du roi de Castille il établit un acte diplomatique qui lui garantissait l'aide de l'Espagne et enrayait les démarches d'Henri II. Il créa également une alliance avec la maison Blois-Champagne en mariant ses filles au comte de Blois (Thibault V) et au comte de Champagne (Henri Ier le libéral). Mais son ambition première n'était pas de gagner une guerre mais bien d'assurer une paix. Après l'avoir établit au niveau de la politique extérieure, il voulut l'imposer à ses propres vassaux. En effet depuis l’apparition des seigneuries au XI ème siècle l’effet des guerres privées entre châtelains s’est amplifié. En réunissant les seigneurs des grands fiefs: «ont juré cette paix le duc de Bourgogne, le comte de Flandre, le comte Henri(de Troyes), le comte de Nevers , le comte de Soissons, et le reste du baronnage qui était venu"(l 17 à 19) le roi n'agit pas comme seigneur mais en roi puisqu’ " à la demande du clergé et avec l'assentiment du baronnage, nous avons institué la paix pour tout le royaume"(l 3). C'est bien le fait que l'acte s'adresse à tout le royaume que cette ordonnance à une portée législative. Avant le roi avait plus tendance à signer des actes plus particuliers qui concernait un cas géographique bien précis ou une personne en particulier(les lettres royales ou les diplômes). Dans ce texte rédigé au nom du roi, celui –ci « ordonne «, proclame « par le verbe royal « (l. 1.4) et montre que c’est un acte législatif à portée générale. Cette ordonnance, mise par écrit et marquée par le signe royale : «Pour que la chose soit plus largement entendue, et ne s'affaiblisse pas dans les mémoires nous avons fait coucher par écrit la manière dont la chose avait été faite, et la teneur de la paix, et avons ordonné de le munir (cet écrit) de l'autorité de notre sceau.« (l. 24 à 27) tend à porter le roi vers l'autorité monarchique. En proclamant cette ordonnance, le roi veut punir les criminels mais c'est en choisissant l’acte diplomatique au lieu des armes qu'il se montre en tant que suzerain législateur. 

De plus, le pouvoir royal est renforcé de part le fait que cette paix s'inscrit dans la continuité de la paix de Dieu. Au premier temps capétiens l’indépendance de certaines seigneuries posait problème avec l’ordre public à cause des nombreuses guerres privées pour agrandir les terres et exploiter violemment les paysans. L’Eglise voulut trouver un remède à ce problème de la paix au sein du royaume, elle-même victime des puissants laïcs. A cause de la défaillance de royauté, l’Eglise dû s’organiser sans l’appui du roi pour faire face à l’anarchie. Elle créa le mouvement de la Paix de Dieu ; une paix organisée et sanctionnée par l’Eglise. Ce mouvement est né en Aquitaine car la puissance royale était très faible dû à l’éloignement géographique. Lors du concile de Charroux en 989, les évêques se réunissent pour protéger les biens de l’église et les clercs. Par la suite il y a eu plusieurs conciles et le mouvement fut en parti bien diffusé grâce à l’abbaye de Cluny au XIe siècle. La méthode fut au début d’interdire les actes de violence sous peine d’excommunication et de faire prêter des serments de non-agression aux seigneurs vers 1020 comme le serment de Beauvais. Les évêques prêchent la paix et tentent de sensibiliser les guerriers en protégeant leurs biens ainsi que ceux qui ne portent pas les armes (veuves, paysans, pèlerins, marchands). Vers 1027 l'Église s'engagea à imposer la paix aux hommes de guerres pendant un temps précis avec la trêve de Dieu (Treuga Dei).En effet, la guerre était officiellement interdite du mercredi soir au lundi matin, ainsi qu’aux différentes fêtes religieuses. Au XIème siècle les princes territoriaux continuèrent l’œuvre des ecclésiastiques face à l’indépendance des châtelains. Beaucoup après avoir prêter serment de ne pas attaquer une personne désarmé (paysans, marchand, clerc..) prirent part aux associations qui se mirent en place . Ils devaient non seulement respecter la paix mais également l’appliquer, soit au début entre les membres puis après contre les fauteurs de troubles. Certains reprenaient les prescriptions de la paix de Dieu mais avec une autorité comtale et donc un droit de faire la guerre eux mêmes aux châtelains. Ils promulguent des édits de paix, contribuant ainsi à développer la législation assez pauvre à cette époque. Au XIIe siècle le roi se comporte comme les princes .Louis VI fit la guerre contre les châtelains de son domaine et défendit les biens de l’Eglise contre le pillage. Mais au XIIème siècle il n’y a toujours pas d’acte royal à proprement parlé qui impose la paix. C'est dans ce sens que Louis VII publia l'ordonnance de paix laissant la paix de Dieu devenir la paix du roi .Quand il reçoit la couronne, le domaine royale est à peu prés pacifié mais pas la totalité du royaume. En 1155 Louis VII reprend l'œuvre de l'Eglise. 

Le roi doit retrouver sa place afin d’éviter que l’Eglise ne substitue plus le pouvoir épiscopal sur le pouvoir royal. En désignant l'assemblée comme "concile" cela montre la nature religieuse des décisions. Il bénéficie de la confiance des ecclésiastiques en défendant leurs biens contre les seigneurs qui s'y attaquent. L'ordonnance est semblable à une conjuration de l'Eglise puisque les prélats ont juré de tout faire pour appliquer la paix devant des reliques : «et de même le clergé : archevêques, évêques, et abbés, devant des reliques sacrées et au vu de toute l'assemblée ont promis pour leur part qu'ils tiendraient la paix de toutes leurs forces…"(l. 19 à 21). L’utilisation des reliques donne une sacralité à la cérémonie ; les grands sont censés y prêter serment pour tenir un engagement face au peuple et à Dieu. Le fait que l’Eglise demande l’intervention royale : « à la demande du clergé « (l. 3) ; celle-ci donne au roi une véritable vocation à celui-ci pour protéger son royaume et assurer la paix. Avant le soin de garantir la paix était réservée aux évêques puisque le déclin royal ne le permettait pas au souverain. Désormais c'est le roi qui doit s'en charger puisqu'il est "par la grâce de Dieu"(l 1) le gardien de son royaume. En effet une des missions essentielles du roi est de faire régner la paix, suite à la promesse qu’il fait devant l’épiscopat lors de son sacre. Louis VII contribue ainsi à renforcer sa souveraineté en montrant les prémices de la paix du Roi. 

 

Ce texte royal montre les compétences du roi en matière de juridiction ; une ordonnance qui suit le mouvement de l’Eglise sur la paix de Dieu. Elle tend à amener le roi vers l’autorité monarchique. Néanmoins ce texte montre implicitement les limites de l’autorité royale, toujours en faveur des princes territoriaux. 

 

Cette ordonnance montre implicitement que ce sont les Grands vassaux qui assurent véritablement la paix. 

Tout d'abord dans la forme elle même, cette paix expose les limites du pouvoir royal qui apparaît sous contrôle. Le fait que le roi ait besoin de l'assentiment de ses Grands en est la cause majeure. Lors du concile les barons ne sont pas considérés comme des vassaux mais bien comme des princes territoriaux qui possèdent une puissance publique sur leurs terres. Ce consentement est donc nécessaire. Ils sont autonomes et maîtres de leur choix. C'est " conformément de leur bon accord"(l 8) que ces seigneurs jurent la paix et de tout faire pour l'appliquer. Il s'agit bien ici d'une collaboration entre le roi et les Grands, ce qui ne résout en rien l'esprit d'indépendance des barons les plus puissants. Louis VII ne peut se comporter en tant que souverain féodal puisque les détenteurs du ban s’associent au roi délibérément. L’acte à une portée territoriale uniquement par un serment entre le roi et ses grands. Il faut noter également qu’Henri Plantagenêt n’était pas présent à cette assemblée tout comme ses vassaux. Par conséquent bien que la paix s'adresse à tout le royaume, elle n'est signée concrètement que pour la partie Est du royaume. Les terres d'Henri II vont du duché de Rouen au Pyrénées. Donc la paix n'est pas totale et le prince territoriale Henri II garde sa domination et ses droits sur ses terres, ce qui ne l'oblige pas à respecter les termes de l’ordonnance. Louis VII n'a donc pas une totale souveraineté sur tout le royaume. 

Par ailleurs, le fait que les barons donnent leur accord délibérément leur permet de garder une certaine ascendance sur la justice. En effet la justice seigneuriale reste dominante dans la mesure où chaque bénéficiaire de la loi peut en réclamer l'application à son juge ordinaire : «pour autant qu'ils seront prêts à ester en justice devant ceux auxquels ils devront demander justice"(l. 12/13).Ici les seigneurs assurent la justice, sauf en cas où c'est le Grand lui même qui fait défaut à la loi alors le roi peut intervenir. En clair le roi ne peut substituer sa fonction à ceux des seigneurs puisque ce sont vers eux que les victimes vont se tourner en premier. Il ne peut contester la fonction pacificatrice des princes au sein de leurs propres principautés. Mais si le seigneur viole la paix alors le roi s'engage "de part notre verbe royal"(l. 14) à faire respecter la paix et faire justice contre ceux qui l'enfreindrait :"nous avons dit que nous tiendrions cette paix irréfragablement, et que, s'il se trouvait des violateurs de la paix ordonnée, nous ferrions d'eux justice de tout notre pouvoir"(l.15 à 17). Ainsi on peut voir une autre limite au pouvoir royale ; le fait que ce sont les seigneurs qui vont assurer la justice et donc dans ce sens garantir la paix. 

En conclusion cette ordonnance montre en apparence un renforcement du pouvoir royal. Le roi apparaît comme protecteur et pacificateur. Il commence à établir l'unité politique. Mais cette ordonnance expose bien certaines limites au roi ; le fait qu'il soit obligé d'avoir l'accord des grands pour signer la paix .La politique royale n’a de sens que par l’appui des princes territoriaux. Il n'y a donc pas une vision ordinaire de la féodalité puisque les Grands restent autonomes par rapport au roi. On trouve des preuves que cette paix fut bien appliquée, notamment à Soissons où Louis VII a dû faire respecter les terres qui dépendaient des barons mais qui la négligeaient. Il y a également l'intervention du roi dans la région des Cévennes. En 1163 les clunisiens demandèrent de l'aide au roi contre le comte de Nevers qui voulait construire un château sur les terres ecclésiastiques. Néanmoins le fait que cette paix ne fut jurée que par quelques barons puisque le bloc angevin n‘était pas présent, cela donna une faible efficacité de cette ordonnance. Si on regarde au niveau national la paix fut en quelque sorte mal appliquée. Le roi prit la mesure d’établir une paix mais seulement pour 10 ans. Son action fut limitée et les guerres privées ne furent pas abolies. Ce n’est que sous St Louis en 1258 qu’un acte aboli toutes les guerres en son royaume. Pour ce qui est de la légifération du roi, celui-ci continua de demander l’assentiment des grands vassaux mais petit à petit ils vont perdre de leur importance lors des conseils. Au XIV ème et XV ème siècle l’autorité législative du roi n’est plus contestée. 

 

Bibliographie 

 

Ouvrages généraux : 

 

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Ouvrages spécialisés : 

 

Gobry Ivan, Histoire des rois de France Louis VII, Père de Philippe II Auguste, St Armand-Montrand, mai 2002, Pygmalion/Gérard Watelet, 

 

Guillot Olivier, Hugues Capet et les premiers capétiens, 987-1180, Paris, Tallandier-Historia, 2002 (collection « la France au fil des rois «) 

 

Guillot Olivier, Sassier Y., Rigaudière A., Pouvoirs et institutions dans la France médiévale.1, des origines à l’époque féodale, Paris, Armand Colin 1994,3ème édition, 1999 

 

Lemarignier J-F, La France médiévale : Institutions et sociétés, Paris, Armand Colin, 1970 

 

Rials Stéphane, Le miracle capétien, St Armand-Montrand, collection Passé simple, Perrin, 1987

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