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La Pratique Des Cohabitations Est-Elle Conforme À La Formule « La Constitution, Toute La Constitution, Rien Que La Constitution » ?

Publié le 22/03/2014

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La Vème république a vu consacrer la séparation des pouvoirs et l'étroite collaboration entre ceux-ci. Le pouvoir exécutif en France est bicéphale : composé du président et du premier ministre, on recherche toujours à optimiser son fonctionnement pour permettre la pérennité de la nation. Le gouvernement est composé des ministres et donc à sa tête est le premier ministre. Le constituant de 1958 a fait du président un arbitre ; or, dès janvier 1959, le président est devenu le chef de l'exécutif. Dans le domaine réservé, puis en toute matière, le premier ministre est devenu le premier collaborateur de l'Elysée. 

 

Le présidentialisme français suppose que le chef de l'Etat dispose d'une majorité parlementaire qui lui soit favorable, sinon s'ouvre une période de cohabitation. En effet, la cohabitation est sans doute une notion née sous la V république. Elle y a sa spécificité par le fait que le chef de l'Etat et le chef du gouvernement s'y opposent par majorités interposées : majorité parlementaire à l'Assemblée nationale et majorité présidentielle, l'une et l'autre issue du suffrage universel direct. En ce sens, la révision constitutionnelle de 1962 a créé une situation nouvelle, inconnue jusqu'alors. Pourtant, par le passé et à plusieurs reprises, certains de nos Chefs d'Etat (monarques ou présidents élus par le Parlement) ont dû faire appel à des chefs de gouvernement qui n'avaient pas les mêmes options politiques qu'eux. Malgré le temps qui nous en sépare et la différence des hommes et des circonstances, il existe des « cohabitations avant cohabitations «, c'est-à-dire avant la lettre. La cohabitation est ainsi aussi vieille que les rivalités de pouvoir. Une question se pose ainsi de savoir si l’on peut parler d’anomalie, d’épisode transitoire de la Vème république ou s’agit-il d’un nouvel équilibre des institutions pour une lecture conforme de la constitution ? 

 

I) La cohabitation permise par les institutions de la 5éme république. 

 

A) cohabitation : lecture de la constitution. 

 

La cohabitation ne conduit pas à interpréter la Constitution de 1958 ; elle contraint plutôt à la lire, tant il est vrai que quelques décennies de pratique " présidentialiste " de nos institutions avaient fini par reléguer dans l'ombre certaines de ses dispositions. Déjà, en 1978, alors que la gauche était promise au succès, Georges Vedel invitait à cette lecture : 

"A partir du moment où le chef de l'Etat n'est plus le maître du gouvernement et le leader de la majorité, plus question de lire la Constitution, selon la pratique de la Cinquième République, comme si tous les pouvoirs attribués au Gouvernement par les textes étaient en réalité à la disposition du Président de la République. Mais pas question davantage de la lire, selon la version de Jules Grévy ou d'Armand Fallières, comme si tous les pouvoirs du Président de la République étaient en réalité exercés par le Gouvernement. C'est d'une autre lecture qu'il s'agit : là où la Constitution confère une attribution au Gouvernement, il faut lire 'le Premier ministre' ou 'le Gouvernement' ; là où elle confère une attribution au Président de la République, il faut lire 'le Président de la République'. Chacun chez soi..." (Le Point du 6 février 1978) 

Une lecture naïve de la Constitution révèle que, quels que soient l'autorité et le prestige attachés à la fonction du Président de la République, le Gouvernement et le Parlement détiennent l'essentiel des compétences normatives. Responsable devant le Parlement, le Gouvernement "détermine et conduit la politique de la nation". Le Président de la République, quant à lui, assure la continuité, mais n'endosse pas la responsabilité des choix politiques. Michel Debré avait ainsi résumé la situation dans son discours devant le Conseil d'Etat du 27 août 1958 : "Le Président de la République, comme il se doit, n'a pas d'autre pouvoir que celui de solliciter un autre pouvoir." 

Le Président de la République, élu au suffrage universel, n'est pas un "spectateur muet", et ses adversaires, durant les périodes de cohabitation n'ont pas manqué de le trouver bavard. 

Sans doute, sa liberté de nomination du Premier ministre est-elle largement entamée, mais il ne reste pas " inerte " et a constamment fait de l'article 5 de la Constitution l'interprétation la plus large : il est de tradition depuis 1958 de reconnaître au chef de l'Etat une primauté en matière de défense et de politique étrangère (le "domaine réservé"). 

Il a le droit de "siffler la fin de la partie" (si l'on exclut sa démission, il faut entendre par là la dissolution de l'Assemblée nationale, puisqu'il ne peut mettre fin aux fonctions du Premier ministre). 

Il a le droit encore de dire si tel ou tel présent de l'indicatif de tel ou tel article de la Constitution doit être compris comme un impératif - comme c'est d'ordinaire le cas dans tout texte de droit - ou non (par exemple, refus de signer les ordonnances ou refus de convoquer le Parlement en session extraordinaire) : il signale ainsi qu'il n'est pas tenu de collaborer avec le Gouvernement en toutes circonstances. 

Il peut aussi, au sein du Conseil des ministres, s'opposer à diverses nominations. Dans le même esprit, il peut s'octroyer une fonction de "tribun du peuple" qui consiste pour l'essentiel à critiquer publiquement l'action du Premier ministre et de son gouvernement (les "observations" du Président). 

En définitive, les cohabitations installent à la tête de l'Etat une dualité de commandement, une "dyarchie", celle-là même que le général de Gaulle avait fermement rejetée dans sa conférence de presse de 1964, bien qu'elle fût, dès l'origine, présente dans le texte constitutionnel. On est donc passé, entre le Président et le Premier ministre, d'une relation de subordination - le terme est sans doute excessif - à une relation, obligée, de coopération. 

Aussi, la division bien commode entre "pouvoirs propres", que le Président de la République exercerait de façon discrétionnaire, et "pouvoirs partagés", c'est-à-dire soumis à contreseing (le Premier ministre et un ou plusieurs ministres endossent la responsabilité de l'acte signé par le Président de la République) doit être fortement nuancée. 

On n'est pas loin, dès lors, d'imaginer que la dyarchie qu'on vient d'évoquer soit dans les faits une dyarchie inégalitaire, cette fois au profit du Gouvernement. 

 

B) cohabitation : réponse utile au blocage des institutions. 

 

Le terme de cohabitation s'est imposé dans le langage politique et journalistique désigne depuis le milieu des années 80 une situation institutionnelle particulière : la "coexistence d'un chef de l'Etat élu au suffrage universel sur un programme politique et d'un Premier ministre s'appuyant sur une majorité parlementaire élue pour soutenir une politique opposée" (Jean Massot, « Alternance et cohabitation sous la Ve République «, La Documentation française, 1997). 

Dans cette configuration, le pouvoir exécutif, exercé par le Président de la République et par le Premier ministre qui dirige l'action du Gouvernement, est donc assuré par deux adversaires politiques, choisis démocratiquement, mais à des moments différents, par le corps électoral. 

Longtemps inenvisageable, la cohabitation est cependant devenue réalité 28 ans après la promulgation de la Constitution de 1958 et ce, par l'interaction de plusieurs facteurs : 

La volonté des électeurs qui, à trois reprises (1986, 1993, 1997), ont imposé cette situation au sommet de l'Etat. 

La spécificité du texte constitutionnel qui organise une dyarchie à la tête de l'Etat, accentuée par l'instauration en 1962 de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct (et dont l'une des conséquences, avec la naissance du fait parlementaire majoritaire apparu aux élections législatives de novembre 1962, sera la bipolarisation de la vie politique). 

Une alternance politique complète en 1981 : pour la première fois, le Président de la République élu est d'une tendance opposée à son prédécesseur, changement complété, un mois plus tard, après dissolution, par l'élection d'une Assemblée nationale reflet de la majorité politique dont est issu le nouveau président. L'alternance ne remet en cause ni les institutions ni leur fonctionnement ; elle consacre l'efficacité du texte constitutionnel, d'autant mieux que les nouveaux gouvernants parvenus au pouvoir après 23 années passées dans l'opposition en utilisent toutes les subtilités et que le Président nouvellement élu entend remplir pleinement sa fonction. 

Une alternance incomplète, ne touchant que la majorité politique de l'Assemblée nationale (opposition parlementaire devenant majorité à la suite d'un scrutin législatif national), qui se produira pour la première fois en 1986 et inaugurera dans la plus grande incertitude la première période de cohabitation (1986-1988), laquelle sera suivie de deux autres cohabitations pour les mêmes raisons mais dans des contextes politiques différents en 1993-1995 et en 1997-2002. 

Depuis 1986, la France a été gouvernée pendant 9 ans selon cette configuration institutionnelle particulière. Ce qui a fait écrire à Alain Peyrefitte (Pouvoirs, n° 91, novembre 1999, p. 25) qu'un citoyen de 18 ans qui votera pour la première fois en 2002 pour les élections présidentielles et législatives aura fait son apprentissage de citoyen "dans une République dont les deux principaux personnages sont à la fois partenaires et adversaires". 

Afin de remédier à cette situation atypique, devenue pour de nombreux observateurs synonyme d’immobilisme et de difficultés accrues pour la mise en œuvre d’une politique cohérente, il est décidé de réduire le mandat présidentiel à cinq ans (le quinquennat). Cette réforme est adoptée par référendum, le 24 septembre 2000 ; elle devrait rendre plus difficile le retour d’un même contexte institutionnel qui, néanmoins, sous l’effet d’événements soudains (dissolution de l’assemblée, démission ou décès du Président de la République…) modifiant le calendrier électoral, ne peut être totalement exclu. 

 

II) La cohabitation : limitation du pouvoir présidentiel. 

 

A) rééquilibrage des pouvoirs législatif et exécutif. 

La cohabitation est une situation politique accidentelle marquée par le partage de l'exécutif entre une majorité descendante et une opposition montante qui peut résulter, avant l'expiration du mandant d'un Président de la République issu d'une tendance, d'un renversement de la majorité parlementaire aux élections législatives. Cette cohabitation trouve son fonctionnement dans la Constitution elle-même ; elle représente l'ensemble des règles suprêmes fondant l'autorité étatique, organisant ses institutions, lui donnant ses pouvoirs et souvent lui imposant des limitations, en particulier en garantissant les libertés aux citoyens ou sujets. 

Ce sujet soulève un paradoxe : la cohabitation n'a pas été prévue par les constituants de 1958 mais elle est la seule à permettre l'application stricte de la Constitution. En effet, en période de cohabitation, les deux pôles de l'exécutif, le Président de la République et le Premier Ministre, respectent à la lettre leurs attributions et pouvoirs respectifs. Alors qu'en période majoritaire, on observe que le Premier Ministre est plus effacé et agit sur les recommandations du Président. 

La pratique présidentielle depuis 58 a conduit indéniablement à une bipolarisation des pouvoirs. En effet le président et le parlement ont tous deux la même légitimité, ce qui rend le président chef incontestable de l'exécutif, puisque le premier ministre n'a pas cette aura la. De plus, le président a nécessairement un droit de regard sur les activités de son premier ministre et des différents ministères quand il y a concordance de majorité, puisque même fil de pensée, même bord. En dehors de la cohabitation, la bipolarisation est déjà déséquilibrée. 

Cependant, De Gaulle dès 1964 rejetait fermement le terme de dyarchie, pourtant évident pour la double légitimité parlementaire et présidentielle : en effet, on voyait à la tête de l'État une dualité de commandement, qui va ensuite devenir moniste puisque c'est le premier ministre qui aura la possibilité de gouverner intégralement s'il le veut. L'Assemblée le suit, et le président ne peut que se soumettre quand le jeu parlementaire en a décidé ainsi. C'est donc le premier ministre qui va réellement déterminer la politique de la nation. Seulement responsable devant le Parlement, il à seul l'initiative des lois et la cohabitation exacerbe ce pouvoir puisque les orientations politiques des deux têtes de l'exécutif sont opposées. De plus, même si le Président garde un pouvoir réglementaire, celui est réduit : pour avoir l'initiative des lois il est obligé de faire appel à des parlementaires de l'opposition, et quand bien même certains décrets devraient être signés par le Président pour validation ultime, le Premier ministre peut faire pression sur la majorité parlementaire pour qu'elle ne crée plus de tels décrets, et réduise ainsi pratiquement à néant toute intervention présidentielle. 

François Mitterrand caractérisait la cohabitation par « La Constitution, rien que la Constitution et toute la Constitution «. En effet, cette situation marque un certain retour vers la lettre constitutionnelle, qui peut être quelque peu modifiée par le fait majoritaire. 

Le régime de la Vème République si l'on s'en tient au texte est un régime parlementaire rationalisé ; le gouvernement est responsable devant l'Assemblée nationale (article 50 de la Constitution) et la séparation des pouvoirs est souple. Le texte prévoit en outre, un renforcement des pouvoirs de l'exécutif, mais la pratique va aller plus loin dans ce sens. Le régime va ainsi s'en trouver présidentialisé, avec notamment le référendum de 1962 qui a instauré l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, assurant une légitimité accrue au chef de l'Etat. Cette lecture gaullienne du texte constitutionnelle a été imposée d'autant plus facilement que de Gaulle était à la fois l'un des écrivains et l'interprète de la Constitution. 

Les périodes de cohabitation (1986-1988 et 1993-1995) se sont caractérisées par les conditions politiques suivantes: 

- désaccord politique entre le Président et la majorité parlementaire 

- discipline de vote des députés en faveur du Premier ministre, chef de la majorité Parlementaire sans délégation du Chef de l'État. Ce dernier ne bénéficie donc plus de l'appui (indirect) de l'Assemblée Nationale. 

- absence d'allégeance idéologique et personnelle du Premier ministre vis-à-vis du Président de la République. 

Ces conditions ont eu pour conséquence une pratique constitutionnelle moniste en grande partie plus conforme à la lettre et surtout à l'esprit de la Constitution. En grande partie seulement car les cohabitations de 1986-1988, 1993-95 se sont caractérisées aussi par deux traits qui empêchent de parler d'interprétation stricte de la Constitution ou de "renaissance" de la Constitution. 

maintien du présidentialisme en matière de politique extérieure. 

Le Chef de l'État a en effet gardé la haute main sur la défense et la diplomatie. Par exemple, le traitement des crises en 86 (Liban, Tchad...) a relevé de la responsabilité du Chef de l'État tandis que ce dernier a fait prévaloir ses choix lors de la discussion de la loi de programmation militaire de Contre l'opinion du Gouvernement et de la majorité parlementaire, le Président Mitterrand a par exemple maintenu le gel des essais nucléaires français. Dans le domaine diplomatique, il a maintenu sa prééminence en dépit de certaines divergences avec le Premier ministre de l'époque. 

-apparition en 1986-88 d'une faculté d'empêcher présidentielle dont la constitutionnalité est douteuse. Cette faculté s'est manifestée par l'utilisation de différents vetos (jusque là peu utilisés par les précédents Présidents de la Républiques mais revendiqués par certains d'entre eux comme le G. de Gaulle). 

Veto concernant les ordonnances ; le Président a refusé ainsi de signer 3 ordonnances (art13 al.1). Le Président Mitterrand a estimé qu'il disposait d'un pouvoir discrétionnaire l'autorisant à refuser de signer une ordonnance. Au nom de sa "propre conscience", il a ainsi refusé 3 projets d'ordonnances (concernant la privatisation d'entreprises 13 juillet 1986, le découpage de circonscriptions électorales 2 octobre 1986 et l'aménagement du temps de travail 17 décembre 1986). 

Le problème est qu'à partir du moment où les ordonnances ne concernent pas le domaine de l'article 5 (et donc la défense de la Constitution), on ne voit pas comment le Président peut se donner un droit de veto qui n'est pas explicitement prévu par l'article 13 al.2. Et contredit l'idée même de pouvoirs partagés. 

Véto concernant la tenue d'une session extraordinaire (art 30). 

Au moyen de ces vetos non prévus explicitement par la Constitution, le Président a pu jouer un rôle négatif ou réactif principalement dans le domaine de la politique intérieure. En conclusion, on peut dire que le fonctionnement de l'Exécutif sous la Vème n'a jusqu'à présent pas correspondu à l'esprit de la Constitution (ou encore aux intentions des constituants). La pratique a révélé l'existence de certains usages politiques ou conventions de la Constitution qui a permis l'instauration d'un régime à tendance présidentialiste à éclipse. Si l'on fait un résumé rapide : 

D'un côté la Constitution de 1958 (corrigée en 1962) a organisé un Exécutif orléaniste qui donne au Président un rôle original d'arbitre, garant de la séparation des pouvoirs et du respect de cette même Constitution. Pour cela, elle l'a doté d'une légitimité forte et de compétences essentielles qui sont les pouvoirs propres (art19). Le Premier ministre, de son côté s'est vu donné enfin les moyens de se comporter en Chef du Gouvernement fort pouvant s'appuyer sur le Chef de l'État. 

D'un autre côté, la pratique politique a inventé un tout autre scénario : 

- en période normale, on a vu le Président sortir de son rôle constitutionnel d'arbitre pour devenir le véritable Chef de l'Exécutif. Cette évolution n'a été possible que parce que le Premier ministre a laissé le Président interpréter en sa faveur les pouvoirs partagés. On peut parler d'une pratique présidentialiste (ou encore de "dérive monarchique") qui a commencé dès les débuts de la Vème avec le général de Gaulle. 

- en période de cohabitation, cette pratique cesse sauf dans le domaine extérieur. Le Président affaibli perd dans les autres domaines sa capacité d'initiative et de direction au profit du Premier ministre ; ce dernier retrouve enfin l'usage de ses prérogatives constitutionnelles qui font de lui un Premier ministre à l'anglaise. Miraculeusement, il peut alors jouir des pouvoirs d'un Premier ministre classique d'un régime parlementaire moniste. Une seule différence persiste ; c'est qu'il doit compter avec la capacité de résistance du Chef de l'État. On aboutit en conséquence parfois à une situation de conflit au sein de l'Exécutif en contraste avec l'harmonie voulue par la Constitution et la sujétion imposée par la pratique présidentialiste. 

 

lecture présidentialiste de la constitution : lorsque le président gouverne. Le gouvernement et conduit la politique de la nation, article 21 le premier ministre. La cohabitation pas prévue pas la constitution, la pratique qui a prévalue depuis 1986. Deux élections au SUD : combinaison qui va deffinir si cohabitation il y aura. Du pouvoir exécutif : combinaison de deux élections. Ou bien il y a une même orientation politique, ou bien cohabitation.

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