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«Si je veux peindre le printemps, il faut que je sois en hiver; si je veux décrire un beau paysage, il faut que je sois dans les murs, et j'ai déjà dit cent fois que, si jamais j'étais mis à la Bastille, j'y ferais le tableau de la liberté.»

Publié le 29/03/2015

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«Si je veux peindre le printemps, il faut que je sois en hiver; si je veux décrire un beau pay¬sage, il faut que je sois dans les murs, et j'ai déjà dit cent fois que, si jamais j'étais mis à la Bastille, j'y ferais le tableau de la liberté.«

Que pensez-vous de cette opinion de J.-J. Rous-seau sur l'inspiration ?

II> Vous pouvez évoquer d'autres situations du même type. Ainsi Somerset Maugham, qui avait une très belle maison avec une vue sur la Méditerranée, avait fait murer la fenêtre de la pièce où il travaillait.

Comment problématiser un tel sujet ? Il est possible de tra¬vailler sur la littérature comme compensation. Rousseau nous en fournit lui-même un bon exemple en ce qui concerne l'amour. Avec Julie ou La Nouvelle Héloïse, il écrit le roman d'amour qu'il ne peut manifestement pas vivre.

Il serait aussi possible de réfléchir sur le décalage fréquent entre le moment où l'émotion est ressentie et la création s'y rapportant. Il peut se passer un mois ou vingt ans entre l'un et l'autre. Là encore, Rousseau nous fournit un exemple. Au sortir de l'adolescence, il a vécu un grand bonheur en com¬pagnie de Madame de Warens. De nombreuses années plus tard, alors qu'il est plongé dans les tourments, il évoque (dans Les Confessions et les Rêveries) ces moments de bon¬heur. Il admet d'ailleurs que le plaisir qu'il éprouve à faire revivre ces moments est peut-être plus vif que celui qu'il a éprouvé en les vivant. On retrouve là encore l'idée d'une compensation. Rousseau écrit sur le bonheur au moment où il est plongé dans le malheur. L'inspiration suppose donc un travail de maturation et de décantation.

 

2. ÉCRIRE POUR SAUVER LE RÉEL

Chez de nombreux écrivains, écrire est une manière de faire pièce au temps, de sauver le réel de l'oubli. Les exemples abondent, le plus exemplaire étant celui donné par Proust. Il en va de même parfois au cinéma, l'un des derniers exemples nous étant fourni par le beau film de Charles Mat-ton, La Lumière des étoiles mortes. C'est en ce sens que l'art est un anti-destin (Malraux). Des éléments dans la cita¬tion Cl sur cette volonté de faire échec au temps.

V

La littérature et les autres arts ont toujours traité avec une particulière faveur le thème du monstre : être fabuleux, créature de cauchemar, personnage infernal, homme ou femme au comportement inso¬lite et terrifiant.

Sans dresser un répertoire de ces créations, et donc en évitant toute énumération fastidieuse, vous essaierez d'expliquer, à partir d'exemples précis que vous analyserez soigneusement, l'es-pèce de fascination qu'exerce ce thème sur la per¬sonnalité du lecteur ou du spectateur, et même, si cet aspect vous intéresse, sur l'imagination du créateur.

Quelques remarques tout d'abord sur le libellé du sujet.

— « Sans dresser un répertoire de ces créations, et donc en évitant toute énumération fastidieuse... «

Celui qui propose ce sujet a l'habitude des corrections. Il sait à l'avance les travers dans lesquels vont donner les can¬didats et il s'efforce de les mettre sur la bonne voie.

Il faut, en effet, appliquer un principe de base qui est le sui¬vant. Il importe de ne pas accabler le correcteur par une multitude d'exemples ne donnant jamais lieu à une véritable analyse. En ce domaine, abondance de biens nuit. Il est donc

 

préférable de s'en tenir à quelques exemples bien choisis et que l'on prendra le soin d'examiner.

— «... sur la personnalité du lecteur ou du spectateur, et même [...] sur l'imagination du créateur. «

Toujours bienveillant, celui qui propose le sujet montre, comme nous l'avons fait nous-même plus haut, le double aspect de tous ces problèmes de la création. Ils peuvent être envisagés du point de vue du créateur ou de celui du « consommateur « (lecteur, spectateur, auditeur, etc.).

Sans nier la persistance des «monstres «, il sera possible de noter une tendance grandissante de la littérature à peindre des gens ordinaires, et même des antihéros.

La fascination qu'exercent sur nous les monstres peut s'expliquer de différentes manières. Il serait possible de tra¬vailler sur le fait que, en dépit de leur caractère invraisem¬blable très affirmé, nous sentons bien qu'ils expriment une certaine vérité. Soit une vérité sur nous-même (le gorille lubrique qui sommeille en chacun de nous), soit sur l'évolu¬tion de l'humanité.

Sur ce dernier point, il aurait été possible de réfléchir sur le cas de Frankenstein, personnage apparu pour la première fois dans le roman de Mary Shelley, Frankenstein ou Le Prométhée moderne (1817). Rappelons tout d'abord que Frankenstein était, dans ce roman, le nom du savant qui avait créé le monstre, mais, bizarrement, ce nom, par la suite, a toujours servi à désigner le monstre lui-même.

Si Frankenstein a tellement fasciné les hommes, c'est sans doute parce qu'il incarne leurs craintes d'être dépassés par les découvertes de la science, craintes plus fondées aujourd'hui que jamais. Ce personnage est devenu un véri-table mythe, mais le sous-titre du livre (Le Prométhée moderne) nous montre qu'il se situait déjà dans le prolonge¬ment d'un mythe du même genre (celui de Prométhée voleur de feu).

« Autres sujets commentés/ 133 II «Si je veux peindre le printemps, il faut que je sois en hiver; si je veux décrire un beau pay­ sage, il faut que je sois dans les murs, et j'ai déjà dit cent fois que, si jamais j'étais mis à la Bastille, j'y ferais le tableau de la liberté.» Que pensez-vous de cette opinion de J.

-J.

Rous­ seau sur l'inspiration? ~ Vous pouvez évoquer d'autres situations du même type.

Ainsi Somerset Maugham, qui avait une très belle maison avec une vue sur la Méditerranée, avait fait murer la fenêtre de la pièce où il travaillait.

Comment problématiser un tel sujet? II est possible de tra­ vailler sur la littérature comme compensation.

Rousseau nous en fournit lui-même un bon exemple en ce qui concerne l'amour.

Avec Julie ou La Nouvelle Héloïse, il écrit le roman d'amour qu'il ne peut manifestement pas vivre.

Il serait aussi possible de réfléchir sur le décalage fréquent entre le moment où l'émotion est ressentie et la création s'y rapportant.

II peut se passer un mois ou vingt ans entre l'un et l'autre.

Là encore, Rousseau nous fournit un exemple.

Au sortir de l'adolescence, il a vécu un grand bonheur en com­ pagnie de Madame de Warens.

De nombreuses années plus tard, alors qu'il est plongé dans les tourments, il évoque (dans les Confessions et les Rêveries) ces moments de bon­ heur.

II admet d'ailleurs que le plaisir qu'il éprouve à faire revivre ces moments est peut-être plus vif que celui qu'il a éprouvé en les vivant.

On retrouve là encore l'idée d'une compensation.

Rousseau écrit sur le bonheur au moment où il est plongé dans le malheur.

L'inspiration suppose donc un travail de maturation et de décantation.. »

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