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ABYSSAL, -ALE, -AUX, adjectif.

Publié le 28/09/2015

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ABYSSAL, -ALE, -AUX, adjectif.  

Qui est caractéristique d'un abîme, d'un abysse. 

A.—  GÉOLOGIE, OCÉANOGRAPHIE.   [En parlant des éléments du relief des grandes profondeurs]  Qui constitue tout ou partie d'un abîme ou d'un abysse. [En parlant de la faune]  Propre aux abîmes, aux abysses : 

Ø 1.... une faune spéciale se développe, indépendante des latitudes; c'est la faune des abîmes ou abyssale,...

ALBERT DE LAPPARENT, Abrégé de géologie,  1886, page 16. 

Ø 2. En bordure des côtes atlantiques, le district côtier est formé par un plateau continental qui s'étend jusqu'à 100 ou 200 km de large. Des mers peu profondes (Manche, Baltique, Mer du Nord) en font partie dans leur totalité. (...) La zone abyssale fait suite à la zone cotière vers le large et vers la profondeur.

Encyclopédie française.  tome 5, Les Êtres vivants, 1937, page 5o. 48-12. 

Ø 3. Certains lis de mer, sans tiges, se rencontrent en mer profonde, mais cette variété s'accommode mieux des hauts fonds, où le lit de la mer est généralement plus rocheux. La longue tige des formes abyssales est, bien entendu, parfaitement adaptée à l'ancrage de l'animal dans les sédiments et la vase des profondeurs que l'on y trouve généralement.

RICHARD CARRINGTON, Biographie de la mer,  1962, page 125. 

Ø 4. On constate, même dans les grandes plaines abyssales, la présence de rides, de fosses et de mamelons, dont les dimensions varient entre quelques décimètres et quelques mètres.

VSEVOLOD ROMANOVSKY, Physique de l'Océan,  1966, page 117. 

Ø 5. Dans les plaines abyssales des grands océans, les sédiments sont formés de squelettes du plancton et de débris cosmiques. On retrouve sur le fond les cadavres des animaux qui vivent dans les couches d'eau sus-jacentes... Pendant la descente vers les abysses, la matière organique est entièrement dissoute dans l'eau de mer, et seules les carapaces calcaires ou siliceuses parviennent jusqu'au fond.

VSEVOLOD ROMANOVSKY, Physique de l'Océan,  1966 pages 113-114. 

Ø 6. Le benthos du système aphytal c'est-à-dire des trois étages les plus profonds (bathyal, abyssal, hadal) présente, surtout en ce qui concerne les deux derniers de ceux-ci, un certain nombre de caractères communs et il y a avantage à l'envisager d'une façon globale. En gros, on peut dire que l'étage bathyal correspond au talus continental, et à son pied, jusque vers 2 500-3 000 m, l'étage abyssal correspond à la grande plaine à pente douce qui va de 3 000 à 6 000-7 000 m; l'étage hadal, enfin, correspond aux grandes fosses dépassant 7 000 m.

JEAN-MARIE PÉRÈS, La Vie dans l'océan,  1966, page 145. 

Remarque : 1. Abîme n'ayant pas donné lieu à la formation d'un adjectif stable (confer historique A), abyssal fonctionne à la fois auprès de abysse et de abîme (au sens propre, exemple 1, et surtout dans les emplois figurés). 2. Abyssal concerne les grandes profondeurs marines en général, c'est-à-dire toutes les régions sous-marines situées au-delà d'une certaine distance du rivage et à partir d'une certaine profondeur; pour une description scientifique plus différenciée, la langue, disposant de synonymes (bathyal, etc.) les distingue, suivant un processus connu, en affectant par exemple abyssal à une zone sous-marine médiane entre la zone bathyale et la zone hadale (confer Jean-Marie Pérès, exemple 6). 

B.—  Au figuré. 

1. [De manière générale (parallèlement aux emplois métaphoriques de abîme, d'abysses —  confer abîme B, abysse)]  D'une profondeur non mesurable, comparable à celle d'un abîme, d'un abysse : 

Ø 7. Entre mon nom et moi, je fais une distinction abyssale.

ANDRÉ GIDE, P. VALÉRY, Correspondance, Lettre de Paul Valéry à André Gide, février 1929, page 509. 

Ø 8. Par-dessus les murs des villas, à l'abri déjà du grand vent du large, les branches bruissaient légères, apaisées, avec un timide bruit de fontaine —  parfois se rejoignaient au-dessus de l'allée en voûtes inégales, d'où soudain le froid en embuscade s'abattait par flaques —  un fouillis de verdure noire tout à coup murait l'avenue, en faisait une impasse de broussailles et de lianes, où le chemin tournait, compliqué, dans la lumière glauque des feuilles —  pris au piège brusque d'un labyrinthe, —  corseté de murs aux mousses vieilles et grises, derrière lesquels les villas sous leurs voûtes vertes s'enfonçaient dans un repos abyssal —  déjà closes, verdies, moisissantes, écoutant craquer lourdement dans le silence leurs jointures, comme une épave couchée sur les grands fonds.

JULIEN GRACQ, Un Beau ténébreux,  1945, page 180. 

Ø 9. Celui-ci [Tanguy] , en particulier, a vraiment « visualisé » le fond du gouffre, où, dans une clarté abyssale, des formes naissantes s'ébauchent, des cellules de forme, protozoaires de l'univers plastique; des lueurs, aussi indécises, flottent dans l'espace où, méduses ou algues, des esquisses d'existence passent et ondulent.

RENÉ HUYGHE, Dialogue avec le visible,  1955, page 372. 

Ø 10.... l'intelligence qui veut descendre au fond de l'abîme sans fond titube et se sent prise de vertige devant l'insondable; renvoyé de vouloir en vouloir de vouloir et s'embrouillant lui-même dans ces dédoublements infinis et cette infime désagrégation du velle velle, le dialecticien balbutie comme balbutie le raisonnement devant l'urgrund abyssal qui dit le premier fiat de la création.

VLADIMIR JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, page 235. 

2. En particulier.  PSYCHOLOGIE, PSYCHANALYSE.  Qui appartient, est propre aux couches les plus profondes, c'est-à-dire les plus anciennes et les moins connues de la personnalité humaine : 

Ø 11.... elle (...) me demande si je m'exerce à l'analyse de mes songes, comme il se fait dans l'Europe centrale où il n'est point de personne bien née qui manque, chaque matin, à retirer de ses propres gouffres quelques énormités abyssales, quelques poulpes de forme obscène qu'elle s'admire d'avoir nourris.

PAUL VALÉRY, Variété II, 1929, page 225. 

Ø 12.... la neige même était masquée. Dans les cavernes terrestres, des plantes cristallisées cherchaient les décolletés de la sortie. Ténèbres abyssales toutes tendues vers une confusion éblouissante,...

PAUL ÉLUARD, Donner à voir,  1939, page 45. 

Ø 13. La poésie surréaliste, celle d'Éluard surtout, doit à cette présence de l'angoisse humaine, de l'espérance et d'un tourment de perfection très particulier, toute la profondeur des échos qu'elle suscite. Si elle évoque l'univers des rêves et les « ténèbres abyssales toutes tendues vers une confusion éblouissante », ce n'est pas pour le plaisir esthétique et pour la seule joie de dépeindre des paysages immatériels.

ALBERT BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve,  1939, page 392. 

Ø 14. Le non-savoir voie est le plus abyssal des non-sens. On pourrait dire : « Tout est accompli. » Non. Car à supposer qu'on le dise, aussitôt on aperçoit le même horizon traquant que l'instant d'avant Plus on avance dans le savoir, fût-ce par la voie du non-savoir, et plus le non-savoir dernier devient terrible, angoissant En fait, on se donne au non-savoir, c'est la communication, et comme il y a communication avec le monde obscurci, rendu abyssal par le non-savoir, on ose dire Dieu...

GEORGES BATAILLE, L'Expérience intérieure,  1943, page 85. 

Ø 15. Dans un éclair, il me sembla que je photographiais son visage, juste à cet instant, et je sus que je n'en oublierais jamais plus l'expression, pour fugace qu'elle eût été. C'était un masque tiré des couches abyssales, le rictus de la méchanceté suprême, pas celle qui jaillit de la colère, celle-là contient toute l'angoisse de la défaite et de la lâcheté, mais la méchanceté par système, celle qu'on s'impose, la méchanceté logique, monstrueusement exempte de passion animale.

RAYMOND ABELLIO, Heureux les pacifiques,  1946, page 50. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 15. 

ABYSSE, substantif masculin.  

OCÉANOGRAPHIE.  Régions les plus profondes des mers et des océans : 

Ø 1. Passé le pied des talus continentaux, nous commencerons à parcourir le sombre paysage des abysses. La lumière du soleil ne pénètre pas dans ces régions ténébreuses et les seuls objets brillants que nous verrons seront les corps d'animaux luminescents.

On croyait autrefois que ces très grands fonds étaient en grande partie plats, mais cette opinion a dû être révisée. Des sondages effectués dans les océans du monde (...) démontrent que le fond de la mer varie grandement en profondeur

Cependant la topographie des abysses offre peu de ressemblance avec celle de la surface apparente des continents. Dans la plupart des régions, les abîmes sont trop éloignés des côtes pour être affectés par les sédiments rocailleux transportés par les rivières et les courants du large, qui rarement se déplacent au delà des talus continentaux.

RICHARD CARRINGTON, Biographie de la mer,  1962, page 18. 

Ø 2. Au delà de l'arête de la plate-forme continentale, le lit de la mer s'affaisse brusquement vers les abysses. La lumière qui filtre encore à travers les couches d'eau supérieures diminue de plus en plus et disparaît bientôt complètement. Les créatures des plate-formes [sic] continentales vivent donc, soit dans une pénombre spectrale, soit, à de plus grandes profondeurs, dans une obscurité totale. Comme on l'a dit précédemment, leur nombre diminue à mesure qu'on s'abaisse, mais même, au fond des abysses, il y a de nombreuses espèces d'organismes benthiques.

RICHARD CARRINGTON, Biographie de la mer,  1962 page 124. 

Ø 3.... on est progressivement arrivé à connaître tout le relief sous-marin, jusqu'aux profondeurs de l'ordre de 20 mètres. La limite inférieure est descendue à 300 mètres avec l'apparition de la navigation sous-marine (...). Les grandes profondeurs, elles, étaient pratiquement inconnues, seules quelques sondes réalisées au cours des campagnes océanographiques jetaient quelques lumières sur le mystère des abysses.

VSEVOLOD ROMANOVSKY, Physique de l'Océan,  1966, pages 90-91. 

Ø 4. Cependant, tout le benthos profond ne peut être dérivé de la faune littorale froide. Nous savons, en effet, que celle-ci est pauvre, et il y a des groupes qui sont représentés dans le benthos profond et ne le sont pas dans la faune littorale des hautes latitudes (...). Il faut donc supposer qu'il a pu y avoir également émigration vers les abysses de formes littorales des mers tempérées ou chaudes. Les causes qui ont porté les espèces littorales tempérées ou chaudes à se réfugier dans les grands fonds peuvent être diverses (...). Pour les Décapodes et pour beaucoup de crustacés Péracarides, on peut supposer que des espèces à gros oeufs et développement direct auraient été désavantagées, au sein du benthos littoral, par rapport aux espèces à larves pélagiques, et auraient été ainsi conduites à se réfugier dans les abysses où le développement direct est indiscutablement un avantage.

JEAN-MARIE PÉRÈS, La Vie dans l'océan,  1966, pages 161-162. 

Figuré.  Abîme. 

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