Devoir de Philosophie

Ai-je besoin d'autrui pour me connaître ?

Publié le 12/08/2005

Extrait du document

Mais peut-être que Dieu n'a pas voulu que je fusse déçu de la sorte, car il est dit souverainement bon. Toutefois, si cela répugnait à sa bonté, de m'avoir fait tel que je me trompasse toujours, cela semblerait aussi lui être aucunement contraire, de permettre que je me trompe quelquefois, et néanmoins je ne puis douter qu'il ne le permette. »   Descartes, dans ses Méditations métaphysiques, part à la recherche d'une certitude première, dont il sera impossible de douter, ce sans quoi aucune connaissance ne peut-être fondée, ni même celle du fait que j'existe et ne suis pas une pure illusion. Le passage que nous avons choisi décrit une étape de la méthode que Descartes applique pour retrouver cette certitude première : il s'agit de mettre en doute de manière radicale tout ce qui existe, y compris nos certitude mathématiques, en supposant qu'un Dieu omnipotent nous ait trompé sur tout. Descartes arrivera à la conclusion que, si un Dieu me trompe, c'est bien que moi-même je suis trompé et que donc j'existe. Descartes retrouve bien une connaissance inébranlable : celle du fait que je suis. C'est la certitude première sur laquelle toutes les autres connaissances seront fondées. Pour y parvenir, il a du supposer que rien n'existait ni même les vérités mathématiques. Dans la perspective de notre sujet, cela signifie qu'autrui doit d'emblée être exclus pour que je puisse connaître, et a fortiori, me connaître, puisque toute connaissance s'appuie sur cette certitude première qui exclut autrui. Donc, non seulement je n'ai pas besoin d'autrui.

Analyse du sujet :

  • Le sujet prend la forme d'une question fermée, à laquelle il s'agira de répondre par « oui « ou « non « en conclusion, au terme d'une argumentation documentée.
  • Le sujet nous place d'emblée dans une situation précise caractérisée par les deux points suivants :
    • C'est la situation du rapport de moi à moi-même : je suis, sous ce rapport, à la fois sujet et objet. Il s'agit donc d'un rapport réflexif (penser à la métaphore du miroir)
    • Mon attention, sous ce rapport, se porte sur moi-même selon la modalité de la connaissance.
  • Autrement dit, la situation envisagée est celle du sujet tentant de répondre à l'injonction socratique : « connais-toi toi-même ! «.
  • La question est de savoir si, pour cela, j'ai besoin ou non d'autrui. Autrui, c'est l'autre, celui qui justement n'est pas moi : ce qui le caractérise, c'est la distance irréductible qu'il y a entre lui et moi. Mais autrui est en même temps mon semblable. Autrui est donc pour moi à la fois l'autre et le même.

Problématisation

Pour savoir si j'ai besoin ou non d'autrui pour me connaître, il faut déterminer le rôle qu'il peut tenir dans le processus de connaissance de soi, puis se demander si je ne peux pas moi-même tenir ce rôle pour moi. S'il est mon semblable, en quoi justement aurait-il quelque chose de plus que moi, qui me permettrait par son biais de me connaître ? Pour répondre à cette question, il nous faut d'abord déterminer s'il est possible de se connaître soi-même. Hiérarchisons les problèmes que nous venons de soulever en une problématique :

I – Autrui est-il nécessaire au processus de la connaissance ?

II – Ai-je cependant la possibilité de me prendre pour objet de connaissance ?

 

« quand je me prends pour objet, est-ce bien un objet de connaissance que je suis, et pas seulement l'objet de mespropres désirs subjectifs, de mes passions, de mes sens que Descartes reconnaît être trompeurs ? Il convient dedéterminer si j'ai la possibilité de me prendre pour objet de connaissance. II – Ai-je la possibilité de me prendre pour objet de connaissance ? Toute connaissance se fonde sur une certitude première qui ne nécessite pas autrui.

Mais il ne suffit pas d'unefondation première pour élaborer une véritable connaissance.

Il convient alors de se demander ce en quoi consistenos connaissances, afin de déterminer si nous pouvons nous prendre pour objet de connaissance. Heidegger, dans les paragraphes 31 et 32 de Être et temps , s'intéresse au processus de la compréhension .

Il montre que toute compréhension s'appuie sur des précompréhensions auxquelles nous ne pouvons pas échapper. Autrement dit, comprendre se fait toujours à partir de préjugés ou deprésupposés qui sont produits de notre éducation, de nos vécus passés, etc.,et qui nous sont propres, c'est-à-dire, sont ceux de notre subjectivité et nonceux d'autrui.

Selon Heidegger, la connaissance est un mode dérivé de la compréhension.

Elle s'appuie donc aussi sur nos propres préjugés.

Laconnaissance est alors un processus circulaire : un va-et-vient entre nospréjugés et l'objet que nous cherchons à connaître au sein de cequ'Heidegger nomme « cercle herméneutique » (cercle de l'interprétation). Dans cette perspective, imaginons que nous nous prenions pour objet deconnaissance : pour parvenir à une connaissance de nous-même, nousn'échappons pas à nos préjugés.

Mais alors, quelle vérité peut bien contenirune connaissance qui se porte sur notre subjectivité, qui donc serait censéedétruire nos préjugés, alors même qu'elle s'appuie nécessairement sur cesmêmes préjugés ? Il semble justement qu'on ne puisse sortir de la boucle, queles va-et-vient de l'interprétation ne font qu'entrer en dialogue nos préjugésavec eux-mêmes : ils resteront donc inchangés et il est illégitime de parler deconnaissance de soi.

Je peux donc me prendre pour objet, mais jamais pourobjet de connaissance. Transition : Il semble bien qu'aucune connaissance de soi-même qui partirait de soi n'est possible : il faut alors faire intervenir unélément qui n'est pas soi, qui est en d'autres termes autre.

Il reste donc à déterminer si c'est autrui qui doitnécessairement jouer le rôle d'un médiateur entre moi et moi-même dans le processus de connaissance de soi. III – Autrui est-il la condition de la connaissance de soi : Référence : Hegel, Phénoménologie de l'esprit « La conscience générale de soi est l'affirmative connaissance de soi-même dans l'autre moi; et chacun d'eux,comme individualité libre, a une autonomie absolue; mais grâce à la négation de son immédiateté ou de son désir,l'un ne se distingue pas de l'autre, ils sont universels et objectifs, et possèdent la réelle généralité, commeréciprocité, de telle sorte que chacun se sait reconnu dans l'autre moi libre et qu'il le sait à condition de reconnaîtrel'autre moi et de le savoir libre.

» Qu'autrui existe semble être pour la pensée contemporaine une évidence.

Pourtant, l'idée d'un isolement de la conscience a longtemps persisté.

C ‘est, sans doute, parce que l'esprit des philosophes était obsédé par le problèmede la recherche de la vérité.

D'où l'opposition entre, d'un côté, le sujet connaissant et, de l'autre, le monde àconnaître.

Dans cette confrontation, la présence d'un tiers, à l'exception de Dieu, était exclue. Le thème de l'altérité apparaît chez Kant dans ses considérations sur la moralité, mais surtout chez Hegel dans « La phénoménologie de l'esprit ».

C'est dans cet ouvrage – où Hegel décrit le mouvement dialectique de la conscience, depuis la naïveté première de la « certitude sensible » jusqu'à l'universalité du « savoir absolu », ultime moment où la conscience prend conscience de sa liberté – que se trouve la fameuse dialectique du maître &de l'esclave.

On peut y lire : « La conscience de soi est certaine de soi-même, seulement par la suppression de cet Autre qui se présente à elle comme vie indépendante ; elle est désir. » La conscience, dans son rapport immédiat avec elle-même, n'est que l'identité vide du Je = Je, une tautologie sans contenu.

Toute conscience rencontre autrui, l'Autre, une autre conscience de soi.

Il n'y a, en fait,de véritable conscience de soi que moyennant le retour à soi à partir de cet « être-autre ».

Autrement dit, la conscience de soi serait impossible dans un monde où autrui n'existerait pas. Si la conscience est mouvement et retour à soi-même à partir de l'être autre, elle ne peut d'abord l'être que par la négation de l'autre.

Autrement dit, la relation à autrui se présente d'emblée comme une affaire de conflit.

Le« moi » de l'enfant, par exemple, ne se forme-t-il pas en s'opposant au non-moi ? N'est-ce pas dans l'opposition à ses parents que l'enfant forge sa personnalité ? Toute conscience est désir de reconnaissance de soi et la. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles