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André Gide a écrit : « Connais-toi toi-même, maxime aussi pernicieuse que laide. Quiconque s'observe arrête son développement. » Que pensez-vous de cette critique de l'introspection, tant au point de vue psychologique que moral ?

Publié le 09/02/2011

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Comme à chaque fois que le sujet comporte une phrase à discuter, l'introduction doit être l'explication aussi précise que possible du texte proposé. Ici, c'est assez simple; il s'agit d'une critique de l'introspection, critique à la fois psychologique : elle est pernicieuse, ce qui veut dire sans doute qu'elle nuit à l'ensemble des facultés; et elle est laide, ce qui signifie que la vie morale en est compromise. C'est du reste la raison que Gide donne à l'appui, tout au moins celle qui est indiquée par le texte : elle arrête le développement.    Pour donner plus d'intérêt à la question, il n'est pas inutile, bien au contraire, de rappeler tout ce qui a été dit en sens contraire :      a) Socrate avait pris cette. maxime comme point de départ, maxime qu'il avait empruntée à l'inscription du fronton du temple de Delphes, et dont il avait fait le principe de toute sa méthode. Il est vrai que pour lui, se connaître, c'était surtout savoir exactement le rôle que l'on doit avoir ou le rang auquel on est placé.

  

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« 3) Nous arrivons alors, ce qui va nous conduire à l'étude directe du problème posé, à formuler les résultats de cetteintrospection : a) Les illusions que l'on se forme sur soi.

Il est remarquable en effet que ceux qui se trompent le plus sur eux-mêmesne sont pas toujours ceux qui s'observent le moins.

Au contraire, c'est en se servant de ce que l'on constate ou dece que l'on croit constater que l'on arrive à se persuader que l'on a les qualités que l'on désire avoir.

Citons à l'appuicette loi relative au caractère : tout caractère trouve toujours, en lui et au dehors de lui, de quoi se justifier. b) Les erreurs de conduite et toutes leurs conséquences.

Que de fois il arrive que les échecs, les déboires, lesmalheurs de toute une vie viennent de ce qu'elle est mal orientée et en même temps tellement attachée à seserreurs qu'il est impossible de faire voir clair! Car celui ou celle qui en est la victime a toujours des raisons pour sesoustraire à la vérité, raisons prises le plus souvent dans l'observation de soi : on prétend se mieux connaître quel'on est connu. Toute cette analyse doit maintenant permettre d'indiquer les inconvénients et de juger dans quelle mesure la phraseen question est vraie ou non.

L'on passe donc tout naturellement à la seconde partie : que vaut la pensée de Gide? II.

— Ce que vaut la critique de Gide. 1.

Et d'abord il est facile de constater dans quelle mesure elle est vraie. 1) La laideur : se regarder, nous l'avons vu, ce peut être très souvent s'admirer, se contempler, se donner desmotifs d'être fier de soi, puis se vanter, s'enorgueillir, etc., tous traits qui, moralement parlant, sont en effet trèslaids. Mais une chose est à remarquer; lorsqu'il en est ainsi, c'est que l'on se regarde pour se regarder, pour voir en soitout ce qu'il nous plaît de voir.

Prenons une comparaison : celui qui se sert d'un miroir pour s'admirer offre cettemême laideur morale, celle de la vanité, de l'orgueil, sans parler du ridicule dans lequel il tombe.

En est-il de mêmepour celui qui se sert d'un miroir pour faire sa toilette? 2) Le caractère pernicieux : nous l'avons déjà indiqué, et il n'y a qu'à souligner tout ce qu'ont de désastreux lesillusions dans lesquelles on s'enfonce. a) Comme on voit des qualités qui n'existent pas, on en arrive à la fatuité, à la présomption.

On se croit capabled'affronter des difficultés redoutables et l'on y succombe.

D'où des échecs, d'où une mauvaise orientation de la vie,soit professionnelle, soit morale; d'où encore parfois des chutes morales lamentables, dont il sera ensuite biendifficile de se relever. b) Et comme l'on ne voit pas ce qui est, on se trouve dans l'impossibilité de rectifier ses erreurs, de comprendre lesvéritable causes de ses échecs, de déceler les tendances mauvaises.

Il en résulte ce défaut le plus funeste detous, parce que le plus aveuglant, qui est l'orgueil. Mais là encore la même remarque est à faire : 011 s'est regardé pour se contempler.

Disons, en termes plusphilosophiques, que cette observation de soi-même a été prise comme fin et n'a pas d'autre intentionnalité qu'elle-même.

Ainsi comprise, elle tombe en effet sous la condamnation qu'en présente Gide.

En est-il de même lorsqu'elle aune autre fin? 2.

Car on peut s'observer, non pour se regarder, mais pour se connaître tel que l'on est et pour se diriger enconséquence.

Qu'en est-il dans ce cas? 1) Il en résulte d'abord que, connaissant la tendance humaine à se complaire en soi, et par conséquent se défiantde toutes les constatations qui plaisent, on regarde surtout ce qu'il y a de défectueux.

On se trouve alors dans lemême cas, pour reprendre la comparaison donnée ci-dessus, que celui qui se sert d'un miroir pour sa toilette : il voitce qu'il y a à corriger.

Oti encore, pour se servir d'une comparaison meilleure, on est comme le savant qui, en tantque tel, porte son étude et sa conscience surtout sur ce qu'il ne sait pas.

C'est donc, un moyen d'humilité.

Et cettehumilité, il faut le souligner, est une condition indispensable de délicatesse, de bonté et donc de beauté morale : ilest impossible de se soucier du bien que l'on peut faire à d'autres lorsqu'on est empoisonné par la satisfaction desoi. 2) Le deuxième résultat sera que cette observation étant un moyen de vérité, on arrivera à connaître la véritablecause de ses erreurs, avec cette sagesse élémentaire théoriquement, et si difficile pratiquement, par laquelle, aulieu de s'en prendre à toutes sortes de causes extérieures sur lesquelles nous ne pouvons rien, on s'en prend, àl'occasion des échecs ou des déboires, aux causes intérieures, sur lesquelles nous pouvons agir.

Il en résulte doncque c'est un moyen excellent de diriger exactement sa vie : bien plus, c'est un moyen indispensable, si l'on ne veutpas la diriger dans la nuit et se condamner à l'avancé à rencontrer toutes sortes d'écueils. 3.

Il est vrai qu'une objection peut se présenter, à laquelle il est bon de répondre : cet examen de nos imperfectionset défauts ne peut-il avoir pour résultat un certain pessimisme moral, soit sous la forme de découragement, soit. »

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