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Antigone d'Anouilh : le oui et le non

Publié le 23/01/2020

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antigone

Une douceur inquiétante et trouble. Mais Antigone n’est-elle pas tout entière sous le signe de l’ambiguïté ? Qu’on se rappelle la définition de la tragédie, « propre, reposante et sûre ». Tout au long de sa pièce Anouilh s’est plu à jouer avec les mots et avec l’idée même de vérité. Qui a raison dans cette œuvre ?

Dès qu’elle fut jouée en février 1944, on s’est interrogé sur la signification qu’elle pouvait avoir à sa date, la dernière année de l’occupation. Les uns y ont vu une apologie du gouvernement de Vichy et se sont ingéniés à rechercher des allusions (« il faut bien qu’il y en ait qui mènent la barque »). Même la phrase : « Les officiers sont déjà en train de se construire un petit radeau confortable, rien que pour eux, avec toute la provision d’eau douce pour tirer au moins leurs os de là » était selon certains une référence à l’épisode du « Massi-lia », le bateau sur lequel en 1940 des parlementaires avaient essayé de quitter la France. Créon devenait ainsi le porte-parole des « pétainistes ». Pour les autres au contraire, la pièce exaltait l’opposition à un pouvoir tyrannique en même temps que le devoir de désobéissance, et faisait l’éloge des « résistants » dont Antigone devenait le porte-drapeau. Interprétations tout aussi vaines l’une que l’autre et Anouilh a eu raison'de s’en moquer 1. La dialectique du oui ou du non dans sa pièce n’est pas engagée sur un terrain politique, et encore moins à propos de circonstances précises, mais sur un terrain philosophique et moral.

1. Dans Les poissons rouges il fait dire à La Surette, qui, sous l’occupation, a dénoncé aux Allemands l’auteur dramatique Antoine : « Hé bien oui! je la trouvais dangereuse, moi, ta fausse pièce grecque! Ne serait-ce que pour le moral des officiers fritz qui écoutaient ça tous les soirs » (Nouvelles pièces grinçantes, p. 553).

antigone

« La conclusion en est-elle plus limpide? Quel est le personnage? quelle est l'attitude qu' Anouilh nous invite à choisir?.

Faut-il préférer le oui de Créon, ou le non d' Anti­ gone ? Question également simpliste.

Certes Créon en appa­ rence dit oui à son métier, à son rôle d'homme, à la vie, et à ce titre il pourrait attirer notre sympathie.

Mais qui ne voit comment il le prononce, ce oui? Comme il est peu enthou­ siaste! Sur quel ton triste et parfois même désespéré défend-il la cause du.

bonheur ! Ne ressemble-t-il pas à un lamentable pis-aller? Et Antigone, dont les refus semblent avoir plus de force convaincante, n'a-t-elle pas perdu à la fin toutes ses illusions, et ne va-t-elle pas jusqu'à reconnaître qu'elle s'est trompée? En dépit de l'opinion de certains critiques 1, nous pensons que ni Créon, ni Antigone n'ont le dernier mot : ils se rejoi­ gnent dans la même impasse.

Créon finit par partager la répugnance' d' Antigone devant l'expérience et la maturité (« il faudrait ne jamais devenir grand»).

Antigone, au moment de mourir, donne raison à son oncle(« je le comprends seule­ ment maintenant combien c'était simple de vivre »).

Ni l'un ni l'autre n'est donc porteur d'un message exclusif et définitif.

Antigone n'est pas une pièce à thèse, et c'est intentionp.elle­ ment que l'auteur nous laisse perplexes au dénouement.

Rien n'est clair, rien n'est vrai, ou plutôt tout est à la fois vrai et faux.

Il n'y a que la mort qui gagne : " Tous ceux qui avaient à mourir sont morts.

Ceux qui croyaient une chose, et puis ceux qui croyaient le contraire - même ceux qui ne croyaient rien et qui se sont trouvés pris dans l'histoire sans y rien comprendre.

Morts pareils, tous, bien raides, bien inutiles, bien pourris.

Et ceux qu~ vivent encore vont com­ mencer tout doucement à les oublier et à confondre leurs noms.

» (p.

206).

Le pessimisme d' Anouilh est radical.

Il est une pièce de Camus -sa pièce la plus noire -dont le titre pourrait résumer celle d'Anouilh-: c'est Le malentendu.

A-t-on remarqué d'abord que dans Antigone personne ne comprend personne? Que les répliques sont toujours « à côté '" que les personnages répondent " de travers '" et qu'il n'y a pas de communication entre eux? Mais il y a plus : ils ne se comprennent pas eux-mêmes.

Comme des automates, 1.

Voir dans les annexes la.

rubriqne « Jugements et témoignages ».

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