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Bavard (le). Récit de Louis-René des Forêts (fiche de lecture et critique)

Publié le 15/10/2018

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lecture
Bavard (le). Récit de Louis-René des Forêts (né en 1918), publié à Paris chez Gallimard en 1946.
Le narrateur de ce récit veut confesser son mal au lecteur : il est un bavard. Il évoque donc les circonstances de sa première «crise» violente de bavardage. Un soir, dans un bar. il est fasciné par une femme belle et impassible. Il danse avec elle, et après une altercation avec l’amant de cette femme, un rouquin agressif, il réussit à offrir à celle-ci un verre. Il se met à parler, si longtemps que les autres danseurs s’arrêtent pour l’écouter. Au moment où il croit avoir atteint la plus grande sympathie avec cette

lecture

« femme.

elle éclate d'un rire immense.

Le narra ­ teur s'enfuit dans les rues désertes de la vill e ; croyant être suivi, il se réfug ie dan s le jard in public.

Peu après y entre le rouqu i n.

Le narrateur, honteux d'avoir tant parlé, d ésirant être c hâtié, se laisse battre.

Au réveil, il connaît un moment d'exaltat ion intense en entendant dans un collèg e vois i n.

le cha nt de jeun es sém inaristes qui lui rap­ pellent sa prop re enfa nce.

Mai s le narrateu r révèle que tout cela est faux.

Il n'ava it d'autre ambition que parler, et il y a réuss i.

Il va déso r­ mais se taire.

Le Bav ard tire peut-être son pouvo ir de fascination de ce qu'il ressemble à une supercherie littéraire.

La « co nfes­ sion ,.

du narrateur respec te en effet toutes les conventions de la litt éra ture à la première personne, dont elle pasti­ che avec talent certains textes célè­ bres : négation rousseauiste de tout artifice littéraire au profit d'une trans­ parence abso lue, et même refus de remplir les « vides » de la mémoire par des détails anodins ; haine de la confession et besoin de la subir comme un ch âtiment, dialogue sarcastiq ue avec un lecteur multiple appelé «Mes­ sieurs>>, qui renvoie à la har gn e du héros du Sous-sol -de même qu e les rues enneigées où err e le narrateur en proie à l'angoi sse d'être poursuivi évo­ quent davantage le Saint-P étersbou rg dostoïevski en q u'une ville de province française .

Enfin, si la scène du jardin public rappelle la *Nausée, c'est l'œ uvre de Proust tout entière qui est mimée au moment de la rémini scence suscitée par ia musique.

Réflexion sur la sincé­ rité en littéra ture , le récit est ent re­ coupé de digressions pleines de scrupu­ les par lesquelles le Bavard tente de s'expliquer sur son mal.

Or, c'est préci ­ sément cet effort pour atteindre une véracité problématique , cet aveu dépouillé et peu flatteur pour le nar r a­ teur, qui sont bruta leme nt révoqués en doute à la fin du récit.

Le lecteur de «confession s», toujour s prêt à douter de la sincérité de celui qu'illi t, est alors interpe llé et pris à son prop re piège: le narrateu r a menti, au moment même où il semblait se conformer aux exigen­ ces du genre.

Mais, dans ce cas, le doute subsistera jusqu'à la fin : la "reva nch e,.

du Bavard est qu'on ne sa ura jamais s'il a menti en prétendant menti r.

Un «personnage » du livre prend alors une dimension spéculaire : celui de ce bavard renc ontré par ha sard, qui n'a «strictement rien à dire » et cependan t « dit mille c ho ses ».

Mais ce reto urne ment par lequel le narrateur et l'auteur eux-mêmes sont frappés d'irréalité est en même temps, co mme l'a mo n tré Maurice Blanchot, ce qui porte ce livre au centre mêm e de l'éc ritur e : c'est le «nihilism e de la fictio n réduite à son essence ,.

et où «le vide même n'est pas sûr ,., qui apparaît dans cet impossible rapport à un lec­ teur qui ne peut que deveni r le complice d'u ne lecture qui se dérobe so us ses yeux.. »

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