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CHAPITRE NEUF LES HAVRES GRIS

Publié le 30/03/2014

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CHAPITRE NEUF

LES HAVRES GRIS

Le nettoyage nécessita assurément beaucoup de peine, mais il prit moins de temps que Sam ne l’avait craint. Le lendemain de la bataille, Frodon se rendit à Grand’Cave et libéra les détenus des Trous-prisons. L’un des premiers qu’ils trouvèrent fut le pauvre Fredegar Bolger, qui n’était plus du tout Gros Bolger. Il avait été pris quand les bandits, avaient fait sortir de leurs cachettes dans les Trous des Grisards près des collines de Scary, en les enfumant, une bande de rebelles qu’il menait.

« Tu aurais mieux fait de venir avec nous, après tout, pauvre vieux Fredegar ! « dit Pippin, tandis qu’on portait le malheureux, trop faible pour marcher.

Il ouvrit un œil et essaya vaillamment de sourire. « Quel est ce jeune géant à la voix forte ? murmura-t-il. Pas le petit Pippin ! Quel est ton tour de tête, maintenant ? «

Et puis, il y avait Lobélia. La pauvre créature avait un aspect très âge et très maigre quand on la tira d’une étroite et sombre cellule. Elle tint à sortir en clopinant sur ses propres pieds, et quand elle apparut, appuyée sur le bras de Frodon, mais étreignant toujours son parapluie, il y eut tant d’applaudissements et d’acclamations qu’elle en fut tout a émue et s’en alla en larmes. De toute sa vie, elle n’avait jamais été bien vue. Mais, accablée par la nouvelle du meurtre de Lothon, elle ne, voulut pas retourner à Cul de Sac. Elle le rendit à Frodon et alla rejoindre sa propre famille, les Sanglebuc de Roccreux.

À sa mort au printemps suivant elle avait après tout plus de cent ans Frodon fut en même temps surpris et très ému : elle lui avait légué tout ce qui restait de sa fortune et de celle de Lothon pour venir en aide aux hobbits privés de foyer par les troubles. Ainsi se termina cette inimitié.

Le Vieux Will Piedblanc était resté dans les Trous-prisons plus longtemps que quiconque, et, bien qu’il eût peut-être été moins maltraité que certains, il fallait beaucoup de suralimentation avant qu’il ne pût reprendre son rôle de Maire, aussi Frodon accepta-t-il d’agir comme son Délégué jusqu’à ce que M. Piedblanc retrouvât sa forme. Son seul acte ès qualités fut de ramener les Shiriffes à leurs fonctions propres et à leur nombre normal. La tâche de débusquer les derniers bandits fut laissée à Merry et Pippin, et ce fut bientôt fait. Les bandes du Sud, à la nouvelle de la Bataille de Lézeau, s’enfuirent du pays et offrirent peu de résistance au Thain. Avant la Fin de l’Année, les quelques survivants furent encerclés dans les bois, et ceux qui se rendirent furent reconduits aux frontières.

Cependant, les travaux de restauration allèrent bon train, et Sam fut très occupé. Les hobbits peuvent travailler comme des abeilles quand l’humeur et la nécessité les prennent. Il y eut alors des milliers de mains olontaires de tous âges, de petites mains agiles des garçons et filles hobbits à celles usées et calleuses des anciens et des vieilles. Avant la fin de Décembre, il ne restait plus brique sur brique des nouvelles Maisons des Shiriffes ou de quoi que ce fût de ce qu’avaient édifié les « Hommes de Sharcoux «, mais les matériaux servirent à réparer maints vieux trous et à les rendre plus confortables et plus secs. On découvrit de grandes réserves de marchandises, de nourriture et de bière que les bandits avaient cachées dans des baraquements, des granges et des trous abandonnés, et surtout dans les tunnels de Grand’Cave et dans les anciennes carrières de Scary, de sorte que l’on fit bien meilleure chère en cette fin d’année que personne ne l’avait espéré.

Une des premières choses accomplies à Hobbitebourg, avant même la destruction du nouveau moulin, fut le déblaiement de la Colline et de Cul de Sac et la restauration du Chemin des Trous du Talus. Le devant de la nouvelle sablière fut entièrement aplani et transformé en un grand jardin abrité, tandis que de nouveaux trous étaient creusés, sur la face sud, dans la Colline, et revêtus de brique. Le Numéro Trois fut rendu à l’Ancien, qui dit souvent, sans se soucier de qui pouvait l’entendre : « À quelque chose malheur est bon, comme je l’ai toujours dit. Et Tout est bien qui finit Mieux ! «

Il y eut quelque discussion sur le nom à donner au nouveau chemin. On pensa à Jardins de la Bataille ou à eilleurs Smials. Mais au bout d’un moment, on l’appela tout simplement, à la manière raisonnable des hobbits, le Chemin Neuf. Cela resta une plaisanterie tout à fait dans le goût de Lézeau de le désigner sous le nom de Cul de Sharcoux.

La perte et le dommage principaux étaient les arbres, car, sur l’ordre de Sharcoux, ils avaient été férocement coupés dans toute la Comté, et Sam en fut plus affligé que de tout le reste. En premier lieu, il faudrait longtemps pour remédier à ce dommage, et seuls ses arrière-petits-enfants, pensait-il, verraient la Comté comme elle devait être.

Puis, soudain, un jour car il avait été trop occupé durant des semaines pour accorder une pensée à ses aventures il se rappela le don de Galadriel. Il sortit la boîte et la montra aux autres Voyageurs (car c’est ainsi que

 

tout le monde les appelait à présent), pour avoir leur avis.

« Je me demandais quand tu y penserais, dit Frodon. Ouvre-la ! «

Elle était remplie d’une poussière grise, douce et fine, au milieu de laquelle se trouvait une graine semblable à une petite noix à la coquille argentée. « Que puis-je faire de ça ? « dit Sam.

« Jette le en l’air par un jour de vent et laisse le faire son œuvre ! « dit Pippin.

« Sur quoi ? « demanda Sam.

« Choisis un endroit comme pépinière, et vois ce qui arrivera là aux plantes «, dit Merry.

« Mais je suis bien sûr que la Dame n’aimerait pas que je garde tout pour mon propre jardin, maintenant que tant de gens ont souffert «, dit Sam.

« Fais appel à toute ta tête et à toutes tes connaissances personnelles, Sam, dit Frodon, puis utilise le don pour aider à ton travail et l’améliorer. Et emploie le avec parcimonie. Il n’y en a pas beaucoup, et j’imagine que chaque grain est précieux. «

Sam fit donc des plantations à tous les endroits où des arbres particulièrement beaux ou aimés avaient été détruits, et il plaça un grain de la précieuse poussière dans la terre à la racine de chacune. Il parcourut toute la Comté pour ce travail, mais personne ne le blâma de consacrer une attention spéciale à Hobbitebourg et à Lézeau. Et, à la fin, il vit qu’il lui restait une petite quantité de la poussière, il alla donc à la Pierre des Trois Quartiers, qui est à peu près au point central de la Comté, et la jeta en l’air avec sa bénédiction. La petite noix d’argent, il la planta dans le Champ de la Fête, où l’arbre se trouvait autrefois, et il se demanda ce qu’il en adviendrait. Durant tout l’hiver, il conserva toute la patience qu’il pouvait rassembler, faisant tous ses efforts pour se retenir d’aller constamment voir s’il se passait quelque chose.

Le Printemps surpassa ses espoirs les plus fous. Ses arbres pointèrent et se mirent à pousser comme si le temps, pressé, voulait faire en un an l’œuvre de vingt. Dans le Champ de la Fête, jaillit un jeune arbre magnifique : il avait l’écorce argentée et de longues feuilles, et, en Avril, il se couvrit d’une floraison dorée. C’était, en fait, un mallorne, et il fit l’émerveillement de tout le voisinage. Dans les années suivantes, comme il croissait en grâce et en beauté, il fut connu partout, et les gens venaient le voir de loin : c’était le seul mallorne à l’ouest des Montagnes et à l’est de la Mer, et l’un des plus beaux du monde.

De tout point de vue, 1420 fut dans la Comté une année merveilleuse. Il n’y eut pas seulement un soleil magnifique et une pluie délicieuse aux moments opportuns et en proportion parfaite, mais quelque chose de plus, semblait-il : un air de richesse et de croissance, et un rayonnement de beauté surpassant celui des étés mortels qui vacillent et passent sur cette Terre du Milieu. Tous les enfants nés ou conçus en cette année, et il y en eut beaucoup, étaient robustes et beaux, et la plupart avaient une riche chevelure dorée, rare auparavant parmi les hobbits. Il y eut une telle abondance de fruits que les jeunes hobbits baignaient presque dans les fraises à la crème, et après, ils s’installaient sur les pelouses sous les pruniers et mangeaient jusqu’à élever des monceaux de noyaux semblables à de petites pyramides ou aux crânes entassés par un conquérant, après quoi, ils allaient plus loin. Et personne n’était malade, et tout le monde était heureux, sauf ceux à qui il revenait de tondre l’herbe.

Dans le Quartier Sud, les vignes étaient chargées de raisin, et la récolte de « feuille « fut étonnante, et partout il y eut tant de blé qu’à la Moisson toutes les granges furent bourrées. L’orge du Quartier Nord fut si elle qu’on devait se souvenir longtemps de la bière du malt de 1420, qui devint proverbiale. En fait, une génération plus tard, on pouvait encore entendre dans quelque auberge un vieux reposer son pot après une onne pinte de bière bien gagnée, en soupirant : « Ah ! c’était du vrai quatorze cent vingt, ça ! «

Sam resta au début avec Frodon chez les Chaumine, mais quand le Chemin Neuf fut prêt, il alla avec l’Ancien. En plus de tous ses autres labeurs, il s’occupa à diriger le nettoyage et la restauration de Cul de Sac, mais il était souvent parti dans la Comté pour son travail de sylviculture. Il était ainsi absent au début de Mars, et il ignora que Frodon avait été malade. Le treize de ce mois, le Père Chaumine trouva Frodon étendu sur son lit, il avait la main crispée sur une pierre blanche suspendue à une chaîne qu’il avait autour du cou, et il paraissait à demi perdu dans un songe.

« Il a disparu à jamais, disait-il, et maintenant tout est sombre et vide. «

Mais la crise passa, et quand Sam revint le vingt-cinq, Frodon, remis, ne dit rien de lui-même. Entre temps, Cul de Sac avait été remis en état, et Merry et Pippin vinrent de Creux de Crique, rapportant tout le mobilier et le matériel anciens, de sorte que le vieux trou retrouva bientôt tout son aspect d’autrefois.

Quand tout fut enfin prêt, Frodon dit : « Quand viens-tu me rejoindre, Sam ? «

Sam eut l’air un peu gêné.

« Tu n’as pas besoin de venir encore, si tu n’en as pas envie, dit Frodon. Mais tu sais que l’Ancien n’est pas loin, et il sera très bien soigné par la Veuve Grogne. «

« Ce n’est pas ça, Monsieur Frodon «, dit Sam, et il rougit fortement.

« Qu’est-ce donc, alors ? «

« C’est Rosie, Rose Chaumine, dit Sam. Il paraît qu’elle n’aimait pas du tout me voir partir, la pauvre fille, mais comme je n’avais pas parlé, elle ne pouvait rien dire. Et si je n’avais pas parlé, c’est que j’avais quelque chose à faire avant. Mais maintenant que j’ai parlé, elle dit : « Eh bien, tu as déjà perdu un an, pourquoi attendre plus longtemps ? « « Perdu ? que je lui ai répliqué. Ce n’est pas ce que je dirais. « Mais je vois bien ce qu’elle veut

dire. Je suis déchiré en deux, qu’on pourrait dire. «

« Je vois, dit Frodon. Tu veux te marier, mais tu veux aussi vivre avec moi à Cul de Sac ? Mais, mon cher Sam, c’est bien facile ! Marie-toi aussitôt que possible et viens t’installer ici avec Rosie. Il y a assez de place à Cul de Sac pour une famille aussi grande que tu la peux souhaiter. «

Et tout fut ainsi réglé. Sam Gamegie épousa Rosie Chaumine au printemps de 1420 (année si fameuse pour ses mariages), et ils vinrent habiter à Cul de Sac. Et si Sam s’estimait heureux, Frodon savait qu’il avait lui-même encore plus de chance, car il n’y avait pas dans toute la Comté un seul hobbit aussi bien soigné. Quand tous les travaux de remise en état eurent été décidés et mis en chantier, il s’adonna à une vie tranquille, écrivant eaucoup et revoyant toutes ses notes. Il résigna ses fonctions de Maire Délégué à la Foire Libre de la mi-été, et le cher vieux Will Piedblanc eut encore sept années de présidence de Banquets.

Merry et Pippin habitèrent quelque temps ensemble à Creux de Crique, et il y eut de nombreuses allées et enues entre le Pays de Bouc et Cul de Sac. Les deux jeunes Voyageurs firent florès dans la Comté tant avec leurs chansons et leurs récits qu’avec leurs atours et leurs merveilleuses réceptions. On les qualifiait de « grands seigneurs «, n’entendant par-là qu’un compliment, car cela réchauffait tous les cœurs de les voir chevaucher avec leurs cottes de mailles si brillantes et leurs boucliers si splendides, riant et chantant des chants des pays lointains, et s’ils étaient à présent grands et magnifiques, ils n’avaient pas autrement changé, sinon qu’ils étaient assurément plus courtois, plus joviaux et plus gais que jamais.

Frodon et Sam, toutefois, reprirent un habillement ordinaire, sauf qu’en cas de besoin, ils portaient tous deux de longues capes grises, finement tissées et fixées, à la gorge, par de très belles broches, et M. Frodon portait toujours un bijou blanc au bout d’une chaîne qu’il tripotait souvent.

Toutes choses allaient bien à présent, et il y avait un espoir constant de les voir aller mieux encore, et Sam était aussi occupé et aussi heureux que même un hobbit pourrait le souhaiter. Rien ne vint troubler toute cette année, à l’exception d’une vague inquiétude au sujet de son maître. Frodon se retira doucement de toutes les activités de la Comté, et Sam remarqua avec peine le peu d’honneur qui lui était rendu dans son propre pays. Rares étaient ceux qui connaissaient ou désiraient connaître ses exploits et ses aventures, leur admiration et leur respect allaient surtout à M. Meriadoc et à M. Peregrïn, et (mais Sam n’en savait rien) à lui-même. Et aussi, à l’automne, parut une ombre des anciens troubles.

Un soir, Sam, entrant dans le cabinet de travail, trouva que son maître avait un air fort étrange. Il était très pâle, et ses yeux semblaient voir des choses très lointaines.

« Qu’y a-t-il, Monsieur Frodon ? « demanda Sam.

« Je suis blessé, répondit-il, blessé, cela ne se guérira jamais vraiment. «

Mais il se leva alors, le tour d’esprit parut passer, et il fut tout à fait lui-même le lendemain. Sam ne se rappela que plus tard que la date était le six Octobre. Deux ans auparavant, ce jour-là, c’était l’obscurité dans la combe au pied du Mont Venteux.

Le temps passa, et 1421 arriva. Frodon fut de nouveau malade en Mars, mais, par un grand effort, il le cacha, car Sam avait d’autres sujets de préoccupation. Le premier enfant de Sam et de Rosie naquit le vingt-cinq Mars, date que Sam nota.

« Eh bien, Monsieur Frodon, dit-il, je suis un peu embarrassé. Rose et moi avions décidé de l’appeler Frodon, avec votre permission, mais ce n’est pas lui, c’est elle. Encore que ce soit la plus jolie enfant qu’on pourrait souhaiter, elle ressemble davantage à Rosie qu’à moi, heureusement. Alors, on ne sait que faire. «

« Eh bien, Sam, dit Frodon, que reproches-tu aux anciennes coutumes ? Choisis un nom de fleur, comme Rose. La moitié des fillettes de la Comté portent de semblables noms, et qu’est ce qui pourrait être mieux ? «

« Je suppose que vous avez raison, Monsieur Frodon, répondit Sam. J’ai entendu de bien beaux noms au cours de mes voyages, mais je pense qu’ils sont un peu trop prétentieux pour l’usage quotidien, comme qui dirait. L’Ancien, il dit : « Prends le court, comme ça, t’auras pas à le raccourcir pour l’employer. « Mais si ce doit être un nom de fleur, je ne m’en fais pas pour la longueur : ce doit être une très belle fleur, parce que, oyez-vous, je crois qu’elle est très belle et qu’elle le sera plus encore. «

Frodon réfléchit un moment.

« Eh bien, Sam, que penserais-tu d’Élanore, l’étoile-soleil, tu te rappelles la petite fleur dorée dans l’herbe de Lothlorien ? «

« Vous avez raison encore une fois, Monsieur Frodon ! dit Sam, ravi. Voilà ce qu’il me fallait. «

La petite Élanore avait maintenant près de six mois, et 1421 avait atteint son automne quand Frodon appela Sam dans le cabinet de travail.

« Ce sera Jeudi l’Anniversaire de Bilbon, Sam, dit-il. Et il surpassera le Vieux Touque. Il aura cent trente et un ans ! «

« C’est vrai ! dit Sam. Il est prodigieux ! «

« Alors, Sam, dit Frodon, je voudrais que tu voies avec Rose si elle peut se passer de toi, de façon que toi et moi nous puissions partir ensemble. Tu ne peux aller loin, ni t’absenter longtemps à présent, bien sûr «, dit-il d’un ton de vague regret.

« Enfin, pas très bien, Monsieur Frodon. «

« Naturellement. Mais peu importe. Tu pourras m’accompagner un bout de chemin. Dis à Rosie que tu ne

« tout le monde les appelait à présent), pour avoir leur avis. « Je me demandais quand tu y penserais, dit Frodon.

Ouvre -la ! » Elle était remplie d’une poussière grise, douce et fine, au milieu de laquelle se trouvait une graine semblable à une petite noix à la coquille argentée.

« Que puis -je faire de ça ? » dit Sam.

« Jette le en l’air par un jour de vent et laisse le faire son œuvre ! » dit Pippin.

« Sur quoi ? » demanda Sam.

« Choisis un endroit comme pépinière, et vois ce qui arrivera là aux plantes », dit Merry.

« Mais je suis bien sûr que la Dame n’aimerait pas que je garde tout pour mon propre jardin, maintenant que tant de gens ont souffert », dit Sam.

« Fais appel à toute ta tête et à toutes tes connaissances personnelles, Sam, dit Frodon, puis utilise le don pour aider à ton travail et l’améliorer.

Et emploie le avec parcimonie.

Il n’y en a pas beaucoup, et j’imagine que chaque grain est précieux. » Sam fit donc des plantations à tous les endroits où des arbres particulièrement beaux ou aimés avaient été détruits, et il plaça un grain de la précieuse poussière dans la terre à la racine de chacune.

Il parcourut toute la Comté pour ce travail, mais personne ne le blâma de consacrer une attention spéciale à Hobbitebourg et à Lézeau.

Et, à la fin, il vit qu’il lui restait une petite quantité de la poussière, il alla donc à la Pier re des Trois Quartiers, qui est à peu près au point central de la Comté, et la jeta en l’air avec sa bénédiction.

La petite noix d’argent, il la planta dans le Champ de la Fête, où l’arbre se trouvait autrefois, et il se demanda ce qu’il en adviendrait.

Du rant tout l’hiver, il conserva toute la patience qu’il pouvait rassembler, faisant tous ses efforts pour se retenir d’aller constamment voir s’il se passait quelque chose. Le Printemps surpassa ses espoirs les plus fous.

Ses arbres pointèrent et se mirent à pousser comme si le temps, pressé, voulait faire en un an l’œuvre de vingt.

Dans le Champ de la Fête, jaillit un jeune arbre magnifique : il avait l’écorce argentée et de longues feuilles, et, en Avril, il se couvrit d’une floraison dorée.

C’était, en fa it, un mallorne , et il fit l’émerveillement de tout le voisinage.

Dans les années suivantes, comme il croissait en grâce et en beauté, il fut connu partout, et les gens venaient le voir de loin : c’était le seul mallorne à l’ouest des Montagnes et à l’est de la Mer, et l’un des plus beaux du monde.

De tout point de vue, 1420 fut dans la Comté une année merveilleuse.

Il n’y eut pas seulement un soleil magnifique et une pluie délicieuse aux moments opportuns et en proportion parfaite, mais quelque chose de pl us, semblait-il : un air de richesse et de croissance, et un rayonnement de beauté surpassant celui des étés mortels qui vacillent et passent sur cette Terre du Milieu.

Tous les enfants nés ou conçus en cette année, et il y en eut beaucoup, étaient robuste s et beaux, et la plupart avaient une riche chevelure dorée, rare auparavant parmi les hobbits.

Il y eut une telle abondance de fruits que les jeunes hobbits baignaient presque dans les fraises à la crème, et après, ils s’installaient sur les pelouses sous les pruniers et mangeaient jusqu’à élever des monceaux de noyaux semblables à de petites pyramides ou aux crânes entassés par un conquérant, après quoi, ils allaient plus loin.

Et personne n’était malade, et tout le monde était heureux, sauf ceux à qui il revenait de tondre l’herbe. Dans le Quartier Sud, les vignes étaient chargées de raisin, et la récolte de « feuille » fut étonnante, et partout il y eut tant de blé qu’à la Moisson toutes les granges furent bourrées.

L’orge du Quartier Nord fut si belle q u’on devait se souvenir longtemps de la bière du malt de 1420, qui devint proverbiale.

En fait, une génération plus tard, on pouvait encore entendre dans quelque auberge un vieux reposer son pot après une bonne pinte de bière bien gagnée, en soupirant : « Ah ! c’était du vrai quatorze cent vingt, ça ! » Sam resta au début avec Frodon chez les Chaumine, mais quand le Chemin Neuf fut prêt, il alla avec l’Ancien.

En plus de tous ses autres labeurs, il s’occupa à diriger le nettoyage et la restauration de Cul d e Sac, mais il était souvent parti dans la Comté pour son travail de sylviculture.

Il était ainsi absent au début de Mars, et il ignora que Frodon avait été malade.

Le treize de ce mois, le Père Chaumine trouva Frodon étendu sur son lit, il avait la main c rispée sur une pierre blanche suspendue à une chaîne qu’il avait autour du cou, et il paraissait à demi perdu dans un songe. « Il a disparu à jamais, disait -il, et maintenant tout est sombre et vide.

» Mais la crise passa, et quand Sam revint le vingt -cinq , Frodon, remis, ne dit rien de lui- même.

Entre temps, Cul de Sac avait été remis en état, et Merry et Pippin vinrent de Creux de Crique, rapportant tout le mobilier et le matériel anciens, de sorte que le vieux trou retrouva bientôt tout son aspect d’autr efois.

Quand tout fut enfin prêt, Frodon dit : « Quand viens -tu me rejoindre, Sam ? » Sam eut l’air un peu gêné.

« Tu n’as pas besoin de venir encore, si tu n’en as pas envie, dit Frodon.

Mais tu sais que l’Ancien n’est pas loin, et il sera très bien soign é par la Veuve Grogne.

» « Ce n’est pas ça, Monsieur Frodon », dit Sam, et il rougit fortement.

« Qu’est -ce donc, alors ? » « C’est Rosie, Rose Chaumine, dit Sam.

Il paraît qu’elle n’aimait pas du tout me voir partir, la pauvre fille, mais comme je n’avais pas parlé, elle ne pouvait rien dire.

Et si je n’avais pas parlé, c’est que j’avais quelque chose à faire avant.

Mais maintenant que j’ai parlé, elle dit : « Eh bien, tu as déjà perdu un an, pourquoi attendre plus longtemps ? » « Perdu ? que je lui ai rép liqué.

Ce n’est pas ce que je dirais.

» Mais je vois bien ce qu’elle veut. »

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