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CHIMIE LES ORIGINES LA TECHNOLOGIE CHIMIQUE La technologie chimique est née avec l'homme.

Publié le 04/04/2015

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CHIMIE LES ORIGINES LA TECHNOLOGIE CHIMIQUE La technologie chimique est née avec l'homme. À tout le moins, elle est née avec l'homme qui, au Paléolithique, commença à utiliser le feu pour faire cuire les aliments, et non plus seulement comme un moyen de défense contre le froid et contre les animaux. Puis, l'homme apprend à manipuler la matière, en en modifiant, précisément, la nature chimique. Mais l'homme devient un chimiste expert beaucoup plus tard, au Néolithique, quand il découvre l'agriculture et la sédentarité, et avec elles, la spécialisation technique. En plus de raffiner sa capacité à cuisiner et, surtout, à conserver la nourriture, l'homme commence à appliquer à une grande échelle les biotechnologies de la fermentation alcoolique, pour obtenir des vins, des bières, des liqueurs. Il apprend bientôt la chimie non banale des matières colorantes, qui devient un instrument indispensable au développement de sa sensibilité esthétique, appliquée avec succès aussi bien dans le domaine de l'habillement que dans le domaine artistique. L'homme néolithique apprend ensuite à manipuler chimiquement les silicates, pour obtenir des verres et les façonner. Les premières recettes écrites des vitriers remontent au deuxième millénaire av. J.-C., tandis que l'art de la céramique atteint, désormais, la perfection technique et esthétique. L'homme découvre, enfin, la métallurgie. En apprenant tout d'abord à fondre et à travailler les métaux que, comme l'or et le cuivre, il trouve dans la nature à l'état natif. Mais de nombreux métaux ne se trouvent pas à l'état natif, dans la nature, mais sous la forme de minerais, dans un état oxydé et liés à d'autres éléments. Le processus d'extraction des minerais (oxydes et/ou sels) et de réduction du métal à l'état pur est un processus long et complexe. Les succès de l'homme métallurgiste sont obtenus par étapes, pendant une longue période, par la voie des essais et des erreurs. Le bronze, par exemple, est le produit d'une technique métallurgique non encore raffinée. Le peu d'attention portée à la purification des minerais conduit à fondre, ensemble, les minerais de cuivre et d'étain. C'est ainsi que l'on découvre, par hasard, un alliage de deux métaux, le bronze, qui présente un double avantage par rapport au cuivre : il est plus dur, et plus facile à travailler, car son point de fusion est très bas. Enfin, on découvre le plomb et, surtout, le fer, que les Égyptiens appelaient baa-enpet, fer du ciel. En effet, le premier fer utilisé en Mésopotamie et en Égypte a été extrait des météorites qui étaient tombées, précisément, du ciel. L'ensemble de ces activités « chimiques » présuppose, comme nous le disions, une spécialisation très marquée. Et puisque la technologie des métaux revêt une importance militaire décisive, les spécialistes en métallurgie deviennent une classe non seulement reconnue, mais aussi très puissante. Aussi bien en Mésopotamie qu'en Égypte, les dieux des métaux sont l'objet d'une adoration particulière, et les hommes capables de les travailler sont jugés dignes d'entrer dans la caste, privilégiée, des prêtres. 1 LES THÉORIES CHIMIQUES La chimie, comme science, n'est née que récemment, entre le XVIe et le XVIIe siècle. Et pourtant, il existe une histoire de la chimie, beaucoup plus ancienne, qui ne concerne pas seulement la chimie appliquée, à laquelle nous avons fait allusion. Il existe aussi une histoire très ancienne de la chimie théorique, qui accompagne et, parfois, qui précède les études d'astronomie et de mathématiques. Les premières théories chimiques sont une conséquence du « problème des origines », c'est-à-dire, de la tentative de donner une explication, rationnelle, à l'origine du monde. La plupart des peuples antiques s'aperçurent très tôt qu'il existe deux possibilités : ou bien le monde a été créé ex nihilo, du néant, ou bien il doit son origine à une substance primordiale. Dans ce dernier cas, il a certainement connu une série de transformations (chimiques). Les juifs, comme nous le savons, adhérèrent à la première hypothèse : Dieu créa le Ciel et la Terre à partir du néant. Mais le néant est difficile à concevoir. C'est pourquoi la plupart des autres peuples préférèrent la deuxième hypothèse : l'origine à partir d'une substance primordiale. Pour les Babyloniens, dont le sort était lié au Tibre et à l'Euphrate, cette substance primordiale ne peut être que l'eau. Mais, quelle que soit la confiance que l'on nourrit dans les capacités de la matière à se transformer (chimiquement), il est difficile de rendre compte, au moyen d'une seule substance d'origine, des oppositions que nous trouvons dans la nature, le chaud et le froid, l'humide et le sec, la lumière et l'obscurité, la haine et l'amour. Voilà pourquoi en Orient, ainsi qu'en Mésopotamie et en Égypte, le problème de l'origine est résolu par les cosmologies de l'opposition, dans lesquelles on trouve plus d'une substance d'origine et de complexes théories d'interactions. Les différentes cultures de l'origine cosmique ont été assimilées, puis développées de façon très originale par les Grecs. Le Ionien Thalès (624 - 545 av. J.-C.), auquel la tradition fait remonter l'origine de la pensée rationnelle grecque, considérait l'eau comme la substance primordiale, précisément comme les Babyloniens. Mais, à la différence de ses voisins raffinés, Thalès a cherché une explication rationnelle, nous dirions aujourd'hui de nature chimique ou physique, à ses transformations. L'eau peut devenir de l'air par évaporation, et, poursuit Thalès, elle peut devenir un solide par congélation. Tous les états connus de la matière, conclut Thalès, tirent leur origine de l'eau. Les disciples de Thalès, en particulier Anaximandre (611 - 547 av. J.-C.) et Anaximène (580 - 528 av. J.-C.), accordèrent une importance plus grande à la cosmologie des opposés, qui trouva ensuite en Héraclite (550 - 480 av. J.-C.) son plus grand théoricien, tandis qu'Anaxagore (499 - 428 av. J.-C.) introduisait la notion de « graines », minuscules particules incréées et indestructibles, dont les interactions, guidées par un nous, une intelligence extérieure, expliquent l'évolution de la matière. Empédocle d'Agrigente réduisit le nombre infini de graines d'Anaxagore à quatre atomes seulement. Et il abandonna l'idée d'un nous extérieur, en expliquant la chimie cosmique par deux caractéristiques qui règlent l'interaction des atomes et de leurs composés : la philia, l'attirance, et la neixos, la répulsion. La philia tend à faire se combiner les atomes. La neixos, au contraire, tend à les séparer. Empédocle peut être considéré comme le père de la théorie de l'affinité chimique. Démocrite (460 - 370 av. J.-C.) et Leucippe peuvent être considérés comme les précurseurs audacieux de la théorie cinétique. Les atomes, soutiennent-ils, se meuvent au hasard dans l'espace vide. Leurs chocs, fortuits, donnent naissance aux différentes 2 combinaisons. Pour Démocrite, ces combinaisons sont possibles parce que des atomes différents ont une géométrie différente. Les théories matérialistes, qui atteignent leur forme la plus achevée avec Leucippe et Démocrite, sont incluses, mais non abandonnées, dans la pensée de Platon (427 - 347 av. J.-C.), puis dans celle d'Aristote (384 - 322 av. J.-C.), la pensée qui dominera durant les deux millénaires suivants. Comme le soutient Henry M. Leicester, aucune théorie de la science, et donc aucune théorie l'histoire de la chimie, ne pourra jamais surpasser l'influence de la théorie d'Aristote. Pour le Stagirite, il n'y a pas d'atomes, il n'y a pas de vide, mais il y a une matière primordiale : Il existe quatre éléments fondamentaux (feu, air, eau et terre) et quatre qualités fondamentales (chaud, froid, sec et humide). Leur combinaison, en différentes proportions, suit certaines lois et rend compte des transformations (chimiques) du monde. La combinaison des éléments d'Aristote est très différente des combinaisons chimiques modernes. Toutefois, il parvient à donner une explication logique, bien que non scientifique, à tous les phénomènes chimiques (connus à l'époque). Quant au mécanisme de l'univers, soutient-il, il n'est qu'apparent. En réalité, tous les événements ont lieu en vertu d'une « cause finale » : les planètes tournent autour de la Terre, les arbres fleurissent, et les corps se transforment (chimiquement) parce que c'est là leur cause finale. La pensée d'Aristote restera, pendant presque deux millénaires, le fondement de toute théorie chimique. L'ALCHIMIE L'ALCHIMIE HELLÉNIQUE C'est à Alexandrie, au IIIe siècle av. J.-C., que la chimie appliquée des artisans et la chimie théorique des philosophes grecs se rencontrent. C'est à Alexandrie, que l'art de la manipulation de la matière prend le nom de khemeia, chimie, dérivé, peut-être, de l'égyptien khem, qui signifie noir et évoque l'Égypte, la « terre noire », ou bien du verbe grec ???, qui signifie verser. Les Ptolémés ont fait de la ville le coeur culturel de la Méditerranée, le point de rencontre entre la pensée rationnelle des Grecs, la pensée mystique de l'Orient, et la technologie des Égyptiens. Alexandrie est la ville où la culture hellénique atteint ses formes les plus élevées. La contamination culturelle et les différentes modalités d'approche des problèmes créent dans la ville africaine un milieu adapté à l'étude de la nature qui se rapproche beaucoup, plus qu'à toute autre époque à l'exception de la nôtre, de ce que nous considérons aujourd'hui comme une étude scientifique. Le travail manuel, pratique, expérimental des artisans et des ingénieurs, des vils mécaniciens comme les appelaient les Grecs, est autant considéré que le travail théorique du philosophe. Et ces attitudes peuvent coexister dans une même personne. Et en réalité, la culture scientifique de la période hellénique connaît des succès extraordinaires. La géométrie d'Euclide sera, pendant les deux millénaires suivants, « la géométrie », et elle est valable encore aujourd'hui, tout en n'étant plus unique. L'astronomie d'Hipparque et de Ptolémée aussi dominera les deux millénaires suivants, tout en ayant à la fin, quelque problème en plus de survie. L'approche de la physique, mathématisée et expérimentale, d'Archimède est celle qui s'approche le plus de la méthode de travail d'un physicien moderne. 3 À Alexandrie, pour la première fois les artisans chimistes se trouvent ainsi en contact avec les théories des philosophes et sont encouragés à les appliquer à leurs procédés, dans un contexte culturel plus stimulant que jamais. C'est ainsi que naît ce que les Arabes, plus tard, appelleront al khemeia, alchimie, c'est-à-dire la chimie. Les premiers alchimistes sont des chercheurs pratiques. Des artisans qui connaissent la philosophie d'Aristote et cherchent à l'appliquer à la manipulation concrète de la matière, en particulier, des métaux. Souvent, le comportement des substances qu'ils manipulent ne peut être expliqué par la simple lecture des textes d'Aristote. Aussi, ces artisans cultivés cherchent-ils ou à modifier la théorie ou, plus souvent, à porter leur attention sur les parties de la pensée d'Aristote qui s'accordent avec leurs observations, en oubliant les autres, c'est-à-dire celles qui contredisent ouvertement l'observation. D'un point de vue pratique, les efforts des premiers alchimistes à Alexandrie visent à mettre au point des alliages et des composés bon marché, de nature à remplacer les métaux précieux, en premier lieu l'or, et les pierres précieuses. Les techniques raffinées qu'ils utilisent expliquent le grand succès de ces tentatives. Mais ils connaissent aussi la philosophie. Et ils savent aussi que, dans la pensée du grand Aristote, tout tend vers la perfection. L'or est le métal parfait. Les autres métaux, selon la pensée d'Aristote, tendent donc vers la perfection aurifère. Par conséquent, en concluaient les alchimistes alexandrins, ces alliages que nous préparons, si semblables à l'or qu'ils peuvent tromper les joailliers les plus experts, ne seraient rien d'autre que des étapes avancées vers la transmutation des métaux les plus vils dans le métal parfait. La nature, soutiennent-ils, doit opérer une transmutation semblable dans les entrailles de la terre. Bref, les artisans chimistes d'Alexandrie, les alchimistes, commencent à penser que, en raffinant plus encore leur technique, ils arriveraient tôt ou tard à transformer des métaux communs en or pur. L'alchimie naît sur des bases philosophiques rationalistes solides. Mais elle s'accompagne aussi de pratiques magiques. Et elle ne dédaigne pas les contacts avec l'astrologie. Elle demeure, toutefois, un art pragmatique, de laboratoire artisanal, qui s'intéresse certes aux métaux, mais aussi à des problèmes de teinturerie, de produits de beauté (huiles, essences), et aussi de chimie pure. L'instrumentation joue un rôle très important dans le développement alchimique. Dans la période hellénique, sont fabriquées des quantités incroyables d'alambics, de bechers, de filtres, de bains chauffants (y compris le « bain-marie »), de fours. Mais les alchimistes mettent au point aussi de nombreux nouveaux réactifs, auxquels ils attribuent des noms très particuliers, de façon à former une première « nomenclature chimique ». Un jargon qui aura son rôle dans la création du halo de mystère qui enveloppera toujours la chimie. Ce n'est, toutefois, que beaucoup plus tard, au IVe siècle ap. J.-C. que l'alchimie se laisse pénétrer par le mysticisme oriental qui a désormais envahi l'empire romain, si bien que la partie magique de l'alchimie devient un aspect dominant. La simulation de l'or devient un art d'escroc : l'empereur Dioclétien, vers la fin du IIIe siècle, est contraint d'ordonner la destruction de tous les livres d'alchimie pour essayer d'endiguer cette pratique dévastatrice pour l'économie de l'empire. L'ALCHIMIE ARABE (ET CHINOISE) 4 L'art chimique en Occident ne survit pas à l'Empire romain. Mais, bien qu'imprégné de philosophies ésotériques et confondu avec des pratiques magiques, il reste vivant en Orient. Surtout en Syrie et en Perse, où certains érudits traduisent les anciennes recettes alchimiques du grec en araméen. C'est ainsi que l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie déclenché par les chrétiens, en 400 ap. J.-C., ne s'est pas traduit pas par la disparition de tout le savoir alchimique. De cette façon, les Arabes purent hériter et relancer l'alchimie hellénique, en se laissant également contaminer par des contacts avec l'alchimie chinoise. En Chine, en effet, l'art alchimique a connu un développement semblable à celui qu'il a connu à Alexandrie, même si le but des recherches alchimiques n'y a pas été seulement l'obtention de produits semblables à l'or, mais aussi de rendre l'homme immortel, ou au moins de lui permettre de vivre plus vieux, par la préparation d'élixirs de longue vie. La al khemia des Arabes a plongé ses racines dans la chimie hellénique et chinoise. Mais elle a connu un développement considérable et tout à fait original, atteignant une formulation théorique bien établie à la fin du VIIe siècle, avec les écrits attribués à Giabir ibn Hayyan, connu en Occident sous le nom de Geber, qui représentent une masse d'écrits si importante et pertinente, qu'on doit l'attribuer à plusieurs auteurs. Les concepts philosophiques fondamentaux de Giabir (ou du groupe de penseurs arabes qui est connu sous le nom de Giabir) sont les principes aristotéliciens propres aux alchimistes d'Alexandrie, avec les quatre principes classiques qui caractérisent la matière : chaud et froid, humide et sec. Pour Aristote, ces qualités n'étaient que de simples accidents, tandis que pour Giabir, ce sont de véritables « principes naturels », ou substances simples, qui peuvent être séparées des substances composées et recombinées dans des proportions bien définies pour former d'autres substances composées. Bref, les principes de Giabir sont en sorte des éléments chimiques fondamentaux qui se combinent entre eux de façon quantitative. Les métaux, soutient par exemple l'alchimiste arabe, ont deux qualités extérieures, auxquelles ils doivent leurs propriétés, et deux qualités intérieures. Les qualités extérieures de l'or sont le chaud et l'humide ; les qualités intérieures sont le froid et le sec. L'argent, par contre, a les premières comme qualités intérieures. Pour transformer l'argent en or, par conséquent, il suffit d'extérioriser les qualités intérieures de ce dernier. Cela peut se faire au moyen d'un élixir, une substance au sujet de laquelle Giabir ne donne pas de précisions. Bref, Giabir découvre le rôle de la balance et s'approche beaucoup de l'approche quantitative de la recherche chimique moderne. Mais il ne réussit pas à la faire sienne. Sur le plan pratique, l'alchimie arabe obtient de nombreux succès, avec l'invention de nouvelles méthodes expérimentales, comme la distillation à sec, et l'extension du nombre de recettes pour obtenir les substances les plus variées, comme les esprits qui se volatilisent, les corps métalliques, les pierres, les vitriols, le borax et les sels selon la nomenclature proposée par un autre grand alchimiste arabe, Abu Bakr Muhammad ibn Zakariya al-Razi. L'alchimie arabe, sur le plan théorique et sur le plan pratique, présente donc des caractères originaux de proto-science. Tandis que dans l'Occident chrétien, l'alchimie a dégénéré en une pratique magique et qu'en Chine, il y a confusion entre la chimie et l'alchimie, dans le monde arabe (y compris l'Espagne), la science alchimique réaffirme son indépendance vis-à-vis des philosophies mystiques. Giabir et al-Razi, certes, croient dans la transmutation. Mais ils n'en font pas le centre de leur pensée, qui, beaucoup plus souvent, se consacre à la chimie de substances 5 naturelles, de substances utilisables, dans certains cas, dans la pratique médicale concrète. À la fin du Xe siècle, Abu'Ali al-Husain ibn Abdallah ibn Sina, connu en Occident sous le nom d'Avicenne (980 - 1037), le plus grand médecin de l'Islam (et l'un des plus grands alchimistes), réfute ouvertement la thèse de la transmutation et de la tendance, aristotélicienne, vers la perfection. Les alchimistes, soutient-il, peuvent obtenir d'excellentes imitations de l'or, propres à tromper même l'oeil le plus expert. Mais ce sont précisément des imitations. L'essence de la nature des métaux et des autres substances ne varie pas. Le cuivre reste cuivre et ne pourra jamais devenir ni s'approcher de l'or. Comme le remarque Henry Leicester, le scepticisme lucide d'ibn Sina atteint finalement l'Occident chrétien et contribue dans une grande mesure à l'évolution de l'alchimie en une véritable science chimique. VERS LA NAISSANCE DE LA SCIENCE CHIMIQUE L'ALCHIMIE EN OCCIDENT L'alchimie, avons-nous dit, ne survit pas à l'écroulement de l'Empire romain d'Occident. L'art chimique appliqué est, au moins en partie, oublié, car, dans ce qu'on appelle les « siècles obscurs » du Haut Moyen Âge, ce n'est pas seulement la demande de culture qui disparaît, mais c'est aussi la demande de biens matériels. Les exigences de la société féodale sont réduites au minimum. Après l'an mille, toutefois, s'amorce une lente reprise. Aussi bien sur le plan culturel à proprement parler, que sur le plan des applications. Le savoir conquiert une nouvelle dignité. Après 1144, année où apparaît en Europe la traduction latine du Morienus effectuée par Robert Chester, on commence à traduire de l'arabe les textes les plus variés, qui permettent la redécouvertes des classiques grecs. Sont traduits également les textes alchimiques, qui permettent la redécouverte de l'alchimie, dans la version élargie et actualisée développée par les Arabes. Les Européens entrent en contact avec toutes les versions arabes de l'alchimie, aussi bien les versions mystiques que les versions rationalistes. Si bien que, en Europe aussi, on commence à chercher la pierre philosophale qui permet de réaliser la transmutation des métaux vils en or, et qui est aussi la panacée de tous les maux et un élixir de longue vie. C'est ainsi qu'apparaissent les alchimistes escrocs, qui cherchent, comme un millénaire auparavant à Alexandrie d'Égypte, à écouler pour de l'or leurs superbes imitations, au point que, par la bulle Spondet pariter, le pape Jean XXII bannit l'alchimie et excommunie les alchimistes, auxquels Dante, par ailleurs, consacre une fosse entière dans son Enfer. Mais c'est grâce à la filière rationaliste qui se réclame des grands alchimistes arabes qu'en Europe aussi, se répandent le scepticisme méthodique et l'approche (proto)scientifique. Ainsi, le moine anglais Roger Bacon (1214 - 1293), dès le XIIIe siècle, prône la nécessité de l'expérience et de la méthode mathématique dans l'étude des phénomènes naturels. Ce scepticisme méthodique timide a la possibilité de s'exprimer dans les nouveaux centres du savoir, les universités. Entre-temps, l'art chimique appliqué connaît lui aussi une impulsion. En Italie, la production des verres est perfectionnée. Et à Salerne, la célèbre école médicale, en 1100, raffine l'art de la distillation et découvre un nouvel esprit que Paracelse, au XVIe siècle, appellera l'alcool. Entre-temps, on découvre les acides minéraux forts : 6 l'acide sulfurique, l'acide nitrique et, plus tard, l'acide chlorhydrique. Cela permet aux nouveaux chimistes de mieux dissoudre les substances et d'obtenir des réactions en solution inédites. En Orient, Constantinople se sauvegarde de l'énième attaque arabe, grâce à la découverte du « feu grégeois », un produit qui brûle et incendie les navires sans pouvoir être éteint par l'eau. Bientôt, avec un retard de plusieurs siècles par rapport à la Chine, le salpêtre est découvert, puis, la poudre à canon. Certains historiens considèrent que la chimie a joué un rôle décisif dans ces siècles-là. La découverte du feu grégeois, en effet, a retardé la fin de l'Empire de Byzance. Tandis que la découverte de la poudre a accéléré la fin de la société féodale. À la Renaissance, la chimie s'apprête à devenir une véritable science. Mais l'impulsion la plus grande de cette profonde transformation culturelle ne vient pas, au XIVe et au XVe siècles, de l'alchimie, qui est désormais fermée sur elle-même, mais du développement des études médicales et naturalistes, vivement intéressées par la chimie appliquée et parfois par une approche quantitative. Nicolas de Cuse (1041 - 1064), vers la moitié du XVe siècle, propose de peser la terre et les graines, puis les plantes après leur croissance et enfin les cendres obtenues par la combustion de ces plantes, non seulement pour démontrer que la terre se transforme en organisme vivant végétal, mais aussi pour mesurer combien de terre se transforme. Les médecins, à commencer par Giovanni da Rupescissa, sont de plus en plus intéressés par l'utilisation de substances chimiques comme médicaments. Il est vrai que de nombreux médecins sont aussi alchimistes, puisque l'alchimie promet l'élixir de longue vie pour l'homme, tout autant que la transmutation des métaux en or. Mais il est vrai aussi que la iatrochimie, c'est-à-dire le nouvel art qui consiste à utiliser des substances chimiques comme médicaments, a un caractère d'application plus marqué que son caractère mystique. Le XVe siècle est celui du tournant culturel décisif en Europe, grâce à l'invention de l'imprimerie, qui permet la diffusion rapide et massive du savoir ; grâce à la découverte de l'Amérique, qui ouvre de nouveaux horizons intellectuels, plus encore que géographiques ; du fait de la chute de Constantinople, avec la fuite en Occident des chercheurs byzantins porteurs de leurs précieux textes grecs, qui en résulte. La culture scientifique en tire un bénéfice immédiat. Dès le début du XVIe siècle, André Vésale (1514 - 1564) refonde complètement l'anatomie et Nicolas Copernic (1473 - 1543) l'astronomie. Les progrès de la chimie sont plus lents et moins visibles. Toutefois, pour la première fois, on tente de décrire de façon claire et complète, au plan fondamental, l'ensemble des méthodes et des recettes, comme le fait Hieronymus Brunschwig d'abord dans son Petit livre de la distillation paru en 1500, puis, de façon plus large et systématique, dans le Grand livre de la distillation paru en 1512. Quelques années plus tard, Giovan Battista Della Porta (1535 1625) décrit dans le détail les méthodes de distillation des huiles essentielles, et leur rendement. Vannoccio Biringuccio da Siena décrit la chimie des substances explosives dans son De la pirotechnia. Des manuels analogues sont publiés, surtout en Allemagne, dans le domaine de la minéralogie et de la métallurgie. On y trouve la description des minéraux, la façon de...
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« 2 LES THÉORIES CHIMIQUES La chimie, comme science, n’est née que récemment, entre le XVI e et le XVII e siècle.

Et pourtant, il existe une histoire de la chimie, beaucoup plus ancienne, qui ne concerne pas seulement la chimie appliquée, à laquelle nous avons fait allusion. Il existe aussi une histoire très ancienne de la chimie théorique, qui accompagne et, parfois, qui précède les études d’astronomie et de mathématiques. Les premières théories chimiques sont une conséquence du « problème des origines », c'est-à-dire, de la tentative de donner une explication, rationnelle, à l’origine du monde.

La plupart des peuples antiques s’aperçurent très tôt qu’il existe deux possibilités : ou bien le monde a été créé ex nihilo , du néant, ou bien il doit son origine à une substance primordiale .

Dans ce dernier cas, il a certainement connu une série de transformations (chimiques). Les juifs, comme nous le savons, adhérèrent à la première hypothèse : Dieu créa le Ciel et la Terre à partir du néant.

Mais le néant est difficile à concevoir.

C’est pourquoi la plupart des autres peuples préférèrent la deuxième hypothèse : l’origine à partir d’une substance primordiale.

Pour les Babyloniens, dont le sort était lié au Tibre et à l’Euphrate, cette substance primordiale ne peut être que l’eau.

Mais, quelle que soit la confiance que l’on nourrit dans les capacités de la matière à se transformer (chimiquement), il est difficile de rendre compte, au moyen d’une seule substance d’origine, des oppositions que nous trouvons dans la nature, le chaud et le froid, l’humide et le sec, la lumière et l’obscurité, la haine et l’amour.

Voilà pourquoi en Orient, ainsi qu’en Mésopotamie et en Égypte, le problème de l’origine est résolu par les cosmologies de l’opposition, dans lesquelles on trouve plus d’une substance d’origine et de complexes théories d’interactions. Les différentes cultures de l’origine cosmique ont été assimilées, puis développées de façon très originale par les Grecs.

Le Ionien Thalès (624 - 545 av.

J.-C.), auquel la tradition fait remonter l’origine de la pensée rationnelle grecque, considérait l’eau comme la substance primordiale, précisément comme les Babyloniens.

Mais, à la différence de ses voisins raffinés, Thalès a cherché une explication rationnelle, nous dirions aujourd’hui de nature chimique ou physique, à ses transformations. L’eau peut devenir de l’air par évaporation, et, poursuit Thalès, elle peut devenir un solide par congélation.

Tous les états connus de la matière, conclut Thalès, tirent leur origine de l’eau. Les disciples de Thalès, en particulier Anaximandre (611 - 547 av.

J.-C.) et Anaximène (580 - 528 av.

J.-C.), accordèrent une importance plus grande à la cosmologie des opposés, qui trouva ensuite en Héraclite (550 - 480 av.

J.-C.) son plus grand théoricien, tandis qu’Anaxagore (499 - 428 av.

J.-C.) introduisait la notion de « graines », minuscules particules incréées et indestructibles, dont les interactions, guidées par un nous , une intelligence extérieure, expliquent l’évolution de la matière. Empédocle d’Agrigente réduisit le nombre infini de graines d’Anaxagore à quatre atomes seulement.

Et il abandonna l’idée d’un nous extérieur, en expliquant la chimie cosmique par deux caractéristiques qui règlent l’interaction des atomes et de leurs composés : la philia , l’attirance, et la neixos , la répulsion.

La philia tend à faire se combiner les atomes.

La neixos , au contraire, tend à les séparer.

Empédocle peut être considéré comme le père de la théorie de l’affinité chimique.

Démocrite (460 - 370 av.

J.-C.) et Leucippe peuvent être considérés comme les précurseurs audacieux de la théorie cinétique.

Les atomes, soutiennent-ils, se meuvent au hasard dans l’espace vide.

Leurs chocs, fortuits, donnent naissance aux différentes. »

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