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Commandement et obéissance de SPINOZA

Publié le 05/01/2020

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spinoza

Commandement et obéissance

SPINOZA (1632-1677)

 

En dissociant liberté et volonté d'une part, obéissance et esclavage d'autre part, Spinoza entend montrer ici que la véritable liberté est d'agir dans son intérêt propre, soit en vivant sous la conduite de la raison, soit en obéissant à une loi raisonnable.

 

Une opinion vulgairement répandue nomme esclave celui qui agit sur l’ordre d’un autre, et homme libre celui qui se conduit comme il le veut. Cette manière de voir n’est pas tout à fait conforme à la vérité. En fait, l’individu entraîné par une concupiscence personnelle au point de ne plus rien voir ni faire de ce qu’exige son intérêt authentique est soumis au pire des esclavages. Au contraire, on devra proclamer libre l’individu qui choisit volontairement de guider sa vie sur la raison. Quant à la conduite déclenchée par un commandement, c’est-à-dire l’obéissance, bien qu’elle supprime en un sens la liberté, elle n’entraîne cependant pas immédiatement pour un agent la qualité d’esclave. Il faut considérer avant tout, à cet égard, la signification particulière de l’action. A supposer que la fin de l’action serve l’intérêt non de l’agent, mais de celui qui commande l’action, celui qui l’accomplit n’est en effet qu’un esclave, hors d’état de réaliser son intérêt propre. Toutefois dans toute libre République et dans tout Etat où n’est point pris pour loi suprême le salut de la personne qui donne les ordres, mais celui du peuple entier, l’individu docile à la souveraine Puissance ne doit pas être qualifié d’esclave hors d’état de réaliser son intérêt propre. Il est bien un sujet. Ainsi la communauté politique la plus libre est celle dont les lois s’appuient sur la saine raison. Car, dans une organisation fondée de cette manière, chacun, s’il le veut, peut être libre, c’est-à-dire s’appliquer de tout son cœur à vivre raisonnablement. De même, les enfants, bien qu’obligés d’obéir à tous les ordres des parents, ne sont cependant pas des esclaves ; car les ordres des parents sont inspirés avant tout par l’intérêt des enfants. Il existe donc, selon nous, une grande différence entre un esclave, un fils, un sujet, et nous formulerons les définitions suivantes : l’esclave est obligé de se soumettre à des ordres fondés sur le seul intérêt de son maître; le fils accomplit sur l’ordre de ses parents des actions qui sont dans son intérêt propre ; le sujet enfin accomplit sur l’ordre de la souveraine Puissance des actions visant à l’intérêt général et qui sont par conséquent aussi dans son intérêt particulier.

 

SPINOZA, Traité des autorités théologiques et politiques, trad. M. Francès, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 1954, pp. 832-833.

spinoza

« obligé de se soumettre à des ordres fondés sur le seul intérêt de son maître; le fils accomplit sur l'ordre de ses parents des actions qui sont dans son intérêt propre; le sujet enfin accomplit sur l'ordre de la souveraine Puissance des actions visant à l'intérêt général et qui sont par conséquent aussi dans son intérêt particulier.

SPINOZA, Traité des autorités théologiques et politiques, trad.

M.

Francès, coll.

«Bibliothèque de la Pléiade», 1954, pp.

832-833.

POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE Comment peut-on être libre tout en obéissant? À cette question, Rousseau, on l'a vu, répond que «l'obéissance à loi qu'on s'est prescrite est liberté».

La réponse de Spinoza est ici légèrement différente.

Certes celui qui vit «volontairement sous la conduite de la raison» est libre au plus au haut point.

Mais celui qui obéit peut être dit libre, si l'ordre auquel il obéit est donné dans son intérêt.

C'est donc la notion d'intérêt propre qui constitue ici le facteur décisif.

C'est que la liberté est moins dans l'exercice d'un vouloir que dans l'exercice d'un pouvoir.

Ést libre celui qui développe sa puissance d'exister et d'agir.

Or il n'est pas toujours nécessaire, pour cèla, de faire appel à la raison.

Le texte précédent l'a rappelé : le désir de se conserver, pour un individu donné, s'exprime «dans la mesure de l'effort qui lui est propre».

Il es.t par conséquent inutile de demander à quelqu'un de comprendre pourquoi il doit agir comme on le lui demande, s'il n'est pas en mesure de le faire.

C'est, par exemple, le cas de l'enfant, mais aussi des sujets, c'est-à­ dire des hommes soumis à la souveraine Puissance d'une République.. »

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