Comment une philosophie ancienne peut-elle être actuelle ?

« Dissertations 61 I - L 'inactualité de la philosophie a) Il semble qu'il faille ici choisir entre l'idée de la relativité historique de toute philosophie -de sorte que la philosophie non contemporaine serait simplement inactuelle et n'intéresserait que les historiens -d'une part, et l'idée d'une philosophie éternelle d'autre part.

Or une telle alternative ne repose-t-elle pas sur une opposition superficielle entre le passé et le présent considérés comme existant indépendamment l'un de l'autre ? b) On considère communément l'actuel comme ce qui est nouveau et, de ce fait même, comme meilleur, soit que l'on présuppose un progrès, soit que la nouveauté suffise à la faire préférer à l'ancien, ici réduit au primitif ou au démodé, au périmé ; l'impératif qui en découle : « il faut être de son temps », c'est-à-dire penser et vivre en accord avec celui-ci, a-t-il un sens pour la philosophie ? On entend par exemple dire que le stoïcisme ne correspond plus à notre temps, mais Épictète ou une philosophie quelconque ont-ils jamais été de leur temps ? La dimension essentiellement interrogative et donc critique de la pensée philosophique ne rend-elle pas celle-ci nécessairement inactuelle ou intempestive ? Socrate, qui n'a certes pas poussé comme un champignon, a-t-il jamais pour autant été « actuel » ? II -L'actualité comme permanence a) Il est d'autant plus difficile de penser l'actualité d'une philosophie en terme de contemporanéité chronologique que l'on admet le caractère rétrospectif de son travail à l'époque même où elle se constitue ; si elle a pour tâche de penser son temps, cela suppose en effet que celui-ci soit déjà révolu : « C'est seulement au début du crépuscule que la chouette de Minerve prend son vol », écrit ainsi Hegel, de sorte que « la philosophie vient toujours trop tard» (Principes de la philosophie du droit, Préface, Idées, Gallimard, 1968, p.

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La question de l'actualité se pose en des termes tout autres, si l'on revient à ce que dit l'étymologie : l'actuel, c'est ce qui est toujours en acte ou agissant, c'est-à-dire vivant.

Comment penser l'effet actuel de philosophies passées? Est actuel ce qui en elles est capable de perdurer (le cogito cartésien par exemple), à savoir ce que Hegel appelle leur principe, lequel est à distinguer du système qui se déploie à partir de chacun d'eux -système destiné en revanche à succomber à la critique des philosophies ultérieures.

b) Dans le cadre d'une histoire dialectique, le principe de toute grande philosophie est toujours présent comme moment de celles qui suivent.

Mais cette actualité se confond avec la permanence de sa présence.

Hegel pouvait ainsi écrire que la philosophie « n'a affaire qu'à de !'éternellement actuel.

Pour elle rien n'est perdu dans le passé, car l'Idée est présente, !'Esprit immortel, c'est-à­ dire qu'il n'est pas passé et qu'il n'est pas inexistant encore, mais il est maintenant. »