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COMPACT, premier « roman » de Maurice Roche

Publié le 23/02/2019

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COMPACT, premier « roman » de Maurice Roche (1965). Le roman est, à l'époque, inassimilable à ce qui se donnait à lire sous le label « Nouveau Roman », dont il se sépare nettement par le travail qu'il déploie sur la langue, quand celui-là travaille essentiellement sur les structures de la représentation et les modalités du montage narratif. La

 

présence insistante et organisatrice de ce qu'il faut bien appeler un récit (événements, personnages jouissant d'une certaine stabilité) empêche par ailleurs que l'on identifie ce texte, pourtant très scandé et très proche de la partition musicale, à ce que l'on appelait encore la « poésie ». Compact participe donc pleinement de la mise en place d'un nouveau cadre expressif, excédant les cadres génériques en usage. La fable qui tient le texte, si tant est qu'il y ait sens à vouloir l'isoler, pourrait se résumer ainsi : dans une ville imaginaire, un aveugle moribond marchande sa peau tatouée à un méphistophélique médecin japonais assisté de son secrétaire, un travesti ; coupé du monde par sa cécité, le « héros » est à la recherche de son identité et de son nom ; au terme de la quête, il les retrouve, en l'espèce d'« une texture de signes, de cicatrices, un tissu tactile » se décomposant. La recherche du ou d'un nom « aboutit à une figure cachée, dit l'auteur lui-même, qui est celle du crâne et qui, dans Circus, provoque la découverte du nom impossible à tracer». Mais cette histoire, linéaire si l'on veut, qui va d'un point à un autre dans Compact, et de Compact à Circus (1972) dans l'œuvre de Maurice Roche, dans le même temps qu'elle constitue et avance, explose, et la quête s'accomplit à travers une traversée des langues, des lexiques, des failles systématiquement exploitées (jeux de mots), qui imposent au récit le rythme de la rupture ; le tableau des variations pronominales dans le texte (je, tu, il, on...) correspond à des variations de notations typographiques ; six entrées typographiques se partagent la partition, plus une infinité de notations secondaires allant des caractères Braille aux enseignes lumineuses en passant par toutes sortes d'alphabets non romains. De cette traversée vers le nom, qui peu à peu transforme la temporalité romanesque (abstraite) en espace concret d'exploration, vers une spatialisation de plus en plus déchirante du texte, Compact est le premier moment. Circus continuera le geste en le radicalisant. L'œuvre de Maurice Roche est un opéra (à la fois

 

tragique et comique) dont Compact n'est que le premier « acte ».

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