Devoir de Philosophie

D u citoyen suprême qui ne reçoit p oint d e limites étrangères.

Publié le 01/10/2013

Extrait du document

D u citoyen suprême qui ne reçoit p oint d e limites étrangères. O r, si elle est répartie entre plusieurs personnes, je n omme leur assemblée la cour souveraine, o u si elle est donnée à u n h omme, qui seul exerce la plus hau!e magistrature, il mérite le titre de prince et de souverain de l'Etat. Les marques de cette souveraineté sont le pouvoir de faire et d'abroger des lois, de déclarer la guerre e t de conclure la paix, connaître e t juger d irectement o u i ndirectement tous les procès ; élire tous les officiers, magistrats e t conseillers. E n u n m ot, je reconnais p our souverain d 'une ville celui qui p eut légitimement faire ce q u'il n'appartient à aucun, citoyen, ni même à plusieurs en corps, d'entreprendre. C ar l 'Etat seul a le pouvoir de faire ce à quoi ni u n particulier ni une faction n 'ont a ucun droit de penser. Je ,tiens donc que celui qui use légitimement de ce pouvoir de l'Etat, en est le souverain. XIX. Que si l'on fait comparaison d'une ville à un homme, celui qui y exerce la puissance souveraine, est à l'égard de cette ville-là, ce qu'est l'âme humaine dans le corps d'une personne. Presque tous ceux qui comparent l'État et les sujets à u n h omme et à ses membres disent que le souverain est dans la république, ce q u'est la tête au corps d 'une personne. Mais j'aimerais mieux dire ensuite de mes raisonnements, que cette puissance souveraine (soit qu'elle se rassemble toute en u n ~eul h omme, o u qu'elle soit distribuée à une cour) est dans l'Etat comme son âme, plutôt que comme la tête de son corps. C ar l'âme est ce q ui donne à l 'homme la faculté de vouloir et de refuser ; de même que le souverain est celui duquel dépend la volonté de toute la république. Mais je comparerais à la tête le conseil, o u le premie,r ministre, duquel le souverain se sert au gouvernement de l'Etat et d ont il p rend l'avis aux affaires importantes ; car, c'est à la tête de d onner conseil et à l'âme de commander. 515 H obbes XX. Que la puissance souveraine ne peut pas être révoquée légitimement, quoique ce soit du consentement de ceux qui l'ont établie. P eut-être q ue quelqu'un voudra inférer d u r aisonnement que je vais mettre ensuite, que la souveraineté p eut être ôtée à celui qui l'exerce, d u c onsentement unanime de tous les sujets. La souveraineté a été établie par la force des pactes que les sujets o nt faits entre eux : or, comme toutes les conventions e mpruntent leur force de la volonté de ceux qui contractent, elles la perdent aussi d u c onsentement de ces mêmes personnes : mais, encore que ce r aisonnement fût véritable, je ne vois pas bien quel juste sujet il y aurait de craindre p our les souverains. Car, puisqu'on suppose que tous les particuliers se s ont obligés mutuellement les uns aux autres, s'il arrive q u'un seul d'entre eux soit d'avis contraire, tous les autres ensemble ne devront p oint passer outre. C e serait faire tort à u ne personne, que de conclure contre son avis ce q u'on s'est obligé par u n pacte exprès de ne conclure p oint sans elle. O r, il est presque impossible que tous les sujets, jusqu'au dernier, conspirent contre leur souverain, et s'accordent tous, sans aucune exception, à le dégrader. Il n 'a d onc pas à craindre qu'il puisse être légitimement dépouillé de son autorité. Toutefois, si l 'on accordait ceci, que le d roit des souverains dépend de la seule convention que les sujets o nt faite entre eux, i l leur pourrait aisément arriver d'être démis de leur charge sous quelque prétexte de justice. Car, i l y e n a plusieurs qui estiment q u'en u ne assemblée légitime de t out le peuple, o u en une délibération séditieuse, la plus grande voix le d oit emporter, c'est-à-dire, que le c onsentement d u plus grand nombre doit être pris p our celui de tous en général. Mais cela est faux : car, ce n 'est pas une chose naturelle, que de faire passer la plus grande opinion p our la volonté de toute une assemblée, et encore moins dans u n t umulte. C e procédé vient de l'institution politique, et n 'a lieu que lorsque la cour o u le prince souverain convoquant une assemblée de tous ses sujets, ordonne, à cause de leur trop grand nombre, que 516 D u citoyen quelques députés parleront p our tous et que leurs voix seront recueillies, afin de prendre leurs sages avis. Car, il ne faut pas s'imaginer que le souverain ait fait venir ses sujets p our disputer avec eux de ses droits et de la puissance, si ce n 'est qu' ennuyé des affaires il déclare ouvertement qu'il a dessein de quitter l'empire. O r, d 'autant q ue plusieurs sont dans cette erreur, qu'ils prennent l'avis d u plus grand nombre, o u m ême celui de quelques-uns seulement, l' opi~ion desquels ils approuvent, p our le c onsentement de t out l 'Etat en général ; il p ourrait, dis-je, sembler à ceux-là, que la puissance souveraine peut être légitimement supprimée, pourvu que cela arrive dans une grande assemblée, en c omptant les suffrages des particuliers. Mais bien que la souveraineté ait été établie par les conventions que les particuliers o nt faites les uns avec les autres, le d roit de l'empire ne dépend pas de cette seule obligation, car o n s'oblige réciproquement à celui qui le possède. Et o n suppose, que chaque particulier, contractant avec son voisin, a tenu ce langage : « Je transfère m on d roit à celui-ci, à condition que vous lui transfériez aussi le vôtre. « Après quoi, le d roit que chacun avait d'user de ses forces p our son bien propre, demeure transféré t out entier p our l 'intérêt c ommun à cette personne, o u à cette cour à laquelle o n a transmis la souveraineté. D e sorte qu'outre les conventions mutuelles des particuliers entre eux il se fait une donation de droit, laquelle o n est obligé de faire valoir au souverain. E t ainsi la puissance souveraine est appuyée de deux côtés, de l'obligation des sujets les uns envers les autres, et de celle d ont ils s'obligent directement à la république. Cela étant, je conclus que le peuple, p our e n si g rand nombre qu'il s'assemble et qu'il conspire contre le souverain, n 'a p oint d roit de lui ôter sa puissance, s'il ne consent lui-même à ce qu'elle lui soit ôtée. 517

« Hobbes XX.

Que la puissance souveraine ne peut pas être révoquée légitimement, quoique ce soit du consentement de ceux qui l'ont établie.

Peut-être que quelqu'un voudra inférer du raisonnement que je vais mettre ensuite, que la souveraineté peut être ôtée à celui qui l'exerce, du consentement unanime de tous les sujets.

La souveraineté a été établie par la force des pactes que les sujets ont faits entre eux : or, comme toutes les conventions emprun­ tent leur force de la volonté de ceux qui contractent, elles la perdent aussi du consentement de ces mêmes personnes : mais, encore que ce raisonnement fût véritable, je ne vois pas bien quel juste sujet il y aurait de craindre pour les souverains.

Car, puisqu'on suppose que tous les particuliers se sont obligés mutuellement les uns aux autres, s'il arrive qu'un seul d'entre eux soit d'avis contraire, tous les autres ensemble ne devront point passer outre.

Ce serait faire tort à une personne, que de conclure contre son avis ce qu'on s'est obligé par un pacte exprès de ne conclure point sans elle.

Or, il est presque impos­ sible que tous les sujets, jusqu'au dernier, conspirent contre leur souverain, et s'accordent tous, sans aucune exception, à le dégrader.

Il n'a donc pas à craindre qu'il puisse être légitime­ ment dépouillé de son autorité.

Toutefois, si l'on accordait ceci, que le droit des souverains dépend de la seule convention que les sujets ont faite entre eux, il leur pourrait aisément arriver d'être démis de leur charge sous quelque prétexte de justice.

Car, il y en a plusieurs qui estiment qu'en une assemblée légi­ time de tout le peuple, ou en une délibération séditieuse, la plus grande voix le doit emporter, c'est-à-dire, que le consentement du plus grand nombre doit être pris pour celui de tous en géné­ ral.

Mais cela est faux : car, ce n'est pas une chose naturelle, que de faire passer la plus grande opinion pour la volonté de toute une assemblée, et encore moins dans un tumulte.

Ce pro­ cédé vient de l'institution politique, et n'a lieu que lorsque la cour ou le prince souverain convoquant une assemblée de tous ses sujets, ordonne, à cause de leur trop grand nombre, que 516. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles