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Dans quelle mesure le langage est-il un moyen de maîtrise et de domination ?

Publié le 06/03/2009

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langage

Nous avons jusqu'ici parlé de « langage « ; mais il convient de distinguer dans le langage, comme le fit Saussure, la langue de la parole : la langue est le code linguistique, la parole l'utilisation, la mise en oeuvre individuelle de ce code. La parole réalise en quelque sorte la langue. Quand je parle, je profère une parole, un discours, et je m'exprime dans une langue particulière. Cette distinction ne nous était guère utile tant que nous analysions les rapports entre le langage et la pensée, c'est-à-dire tant que nous nous placions à un niveau d'abstraction où parole et langue tendent à se confondre. Cette distinction, en revanche, nous aidera à mieux cerner en quoi le langage est un instrument de maîtrise et de domination des hommes.  

Première partie : Le langage, moyen de maîtrise et de domination de la nature • Le langage, condition de la pensée. • Le langage, organisation du monde • Le langage, condition de l'action et fonction vitale • Le langage comme obstacle épistémologique et limite à la connaissance scientifique

Deuxième partie : Le langage, moyen de maîtrise et de domination de l'homme • L'acte de la parole • La rhétorique, ouvrière de persuasion. • Langue et domination.

 

langage

« symbolisante devient plus objectif que le monde de la pure perception.

"Les premiers mots dont l'enfant fait unusage conscient peuvent être comparés au bâton à l'aide duquel un aveugle tâte son chemin" (Cassirer).L'instrument interne fait exister d'une manière vraiment objective l'objet qu'il touche.

Toute l'expérience, qui n'étaitqu'un tissu de signaux expressifs, est transformée progressivement en un monde réel d'objets-concepts » (L'Animal,l'homme, la fonction symbolique, p.

100).

Le monde que l'homme perçoit est donc celui de la langue qu'il parle, etl'on peut dire en un sens que l'on habite sa propre langue.

On conçoit également que dans ces conditions deshommes parlant des langues différentes évoluent dans des univers dissemblables, puisque « à chaque languecorrespond une organisation particulière des données de l'expérience » (A.

Martinet), chaque langue étant « unsystème qui opère une sélection au travers et aux dépens de la réalité objective » (Trier).Ainsi donc, le langage structure et organise le monde, nous permettant ainsi de le maîtriser.

Ce que confirment lescritiques mêmes qui ont été portées contre le langage par Nietzsche et Bergson. • Le langage, condition de l'action et fonction vitalea) Pour Bergson, il existe au-delà du langage une pensée pure qui est la pensée intuitive, « vision directe de l'esprit».

Le langage est une manière de prisme, propre à la pensée conceptuelle, qui masque ou déforme la réalité, car lemot, parce qu'il « dépasse l'individuel et appartient au genre » (Brice Parain) est incapable d'exprimer la réalité danstoutes ses nuances ; bien au contraire, il la fige et la morcelle.

Mais si la pensée, et avec elle la réalité, « demeureincommensurable avec le langage » (Essai sur les données immédiates de la conscience, p.

124), le langage n'enreste pas moins un outil nécessaire, car il constitue une condition de l'action : il nous permet de nous diriger àtravers la réalité mouvante et d'avoir prise sur elle en lui imposant précisément une certaine constance et unecertaine ordonnance.

Les mots sont ainsi des repères et des appuis pour la conscience agissante. b) La critique bergsonienne du langage rejoint celle de Nietzsche, mais cette dernière est encore plus radicale.

«L'importance du langage dans le développement de la civilisation, observe Nietzsche, réside en ce que l'homme y asitué, à côté de l'autre, un monde à lui, un lieu qu'il estimait assez solide pour, s'y appuyant, sortir le reste dumonde de ses gonds et s'en rendre maître.

Dans la mesure même où l'homme a cru aux concepts et aux noms deschoses comme à autant de vérités éternelles, il a vraiment fait sien cet orgueil avec lequel il s'élevait au-dessus del'animal : il s'imaginait réellement tenir dans le langage la connaissance du monde.

L'artiste du verbe n'était pasassez modeste pour croire qu'il ne faisait qu'attribuer des dénominations aux choses, il se figurait au contraireexprimer dans ses mots le suprême savoir des choses ; le langage est en fait la première étape dans la quête de lascience.

» (Humain, trop humain, I, 11.) Le langage est ainsi, comme l'art ou la science, une illusion qui cache lavéritable nature des choses, la Vérité originaire, illusion vitale car « on ne peut pas vivre avec la Vérité ». • Le langage comme obstacle épistémologique et limite à la connaissance scientifiqueD'un point de vue moins métaphysique que celui de Nietzsche et Bergson, on peut remarquer que si le langagepermet la connaissance et la science, et qu'il est de ce fait un moyen de maîtrise et de domination de la nature, ilpeut constituer en lui-même une entrave au développement de la connaissance scientifique :a) Selon Bachelard, le langage forme un « obstacle épistémologique ».

Le mot, observe-t-il, « permet d'exprimer lesphénomènes les plus variés.

Ces phénomènes, on les exprime : on croit donc les expliquer » (La Formation de l'espritscientifique, p.

73).

Ainsi, pour expliquer la dissolution de Pair dans l'eau, le chimiste Réaumur compara l'air à uneéponge et crut avoir fait progresser la pensée scientifique en disant que l'air est un corps spongieux. b) Un problème plus grave a été posé par le développement de la physique quantique.

En effet, comme le rappelleW.

Einsenberg, « en physique, notre travail consiste à poser des questions concernant la Nature dans le langageque nous possédons et à essayer de tirer d'une expérience une réponse grâce aux moyens dont nous disposons »(Physique et philosophie, p.

50).

Or les progrès de la microphysique (en particulier avec les « relations d'incertitude») ont conduit à des résultats qui remettent complètement en cause nos représentations classiques et que l'on neparvient précisément plus à « se représenter ».

« C'est pourquoi, nous dit Einsenberg, l'on a parfois suggéré qu'ilfaudrait s'écarter totalement des concepts classiques et qu'un changement révolutionnaire des concepts utiliséspour décrire les expériences pourrait peut-être nous ramener à une description non statistique et complètementobjective de la Nature.

Mais cette hypothèse repose sur une erreur d'interprétation : les concepts de physiqueclassique ne sont qu'un raffinement des concepts de la vie journalière et sont une partie essentielle du langage quiforme la base de toutes les sciences de la nature » (id., p.

48).

En transformant la formule de Weisâcker, nouspourrions dire « la Nature a précédé le langage, mais le langage a précédé les sciences de la Nature ».

Ainsi l'hommeest-il prisonnier de son langage qui, paradoxalement, lui ouvre et lui ferme la compréhension du monde. Transition Mais si « le langage est la grande médiation entre l'homme et le monde » (Ricoeur) et par là un moyen de maîtrise etde domination de ce monde, il est aussi la grande médiation « entre l'homme et l'homme ».

Est-il donc également unmoyen de maîtrise et de domination sur l'homme ? C'est ce qu'il nous reste maintenant à examiner.

Deuxième partie : Le langage, moyen de maîtrise et de domination de l'homme Nous avons jusqu'ici parlé de « langage » ; mais il convient de distinguer dans le langage, comme le fit Saussure, lalangue de la parole : la langue est le code linguistique, la parole l'utilisation, la mise en oeuvre individuelle de cecode.

La parole réalise en quelque sorte la langue.

Quand je parle, je profère une parole, un discours, et jem'exprime dans une langue particulière.

Cette distinction ne nous était guère utile tant que nous analysions les. »

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