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Dans un des Dialogues des morts anciens avec les modernes publiés par Fontenelle en 1684, un physicien, après avoir raconté une anecdote qui montre le danger des idées reçues, conclut que, « pour trouver la vérité, il faut tourner le dos à la multitude, et que les opinions communes sont la règle des opinions saines, pourvu qu'on les prenne à contre sens ». Vous expliquerez cette pensée et vous vous demanderez dans quelle mesure elle annonce, par le sens comme par le ton, l'esprit philo

Publié le 17/02/2011

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fontenelle

Dans ses Dialogues des morts Fontenelle rapporte l'histoire de Straton, racontée par Justin; les esclaves de Tyr s'étant révoltés convinrent de choisir comme roi celui d'entre eux qui apercevrait le premier le lever du soleil. « Toute cette multitude avait les yeux attachés sur la partie orientale du ciel, d'où le soleil devait sortir : mon esclave seul, que j'avais instruit de ce qu'il avait à faire, dit Straton, regardait vers l'Occident. Vous ne doutez pas que les autres ne le traitassent de fou. Cependant, en leur tournant le dos, il vit les premiers rayons du soleil qui paraissaient sur le haut d'une tour fort élevée, et ses compagnons en étaient encore à chercher vers l'Orient le corps même du soleil. « Straton en tire alors le précepte cité. Fontenelle qui allait bientôt soutenir la cause des modernes dans ses Digressions sur les anciens et les modernes et se consacrer à la vulgarisation scientifique dans ses Entretiens sur la pluralité des mondes annonce bien ici, comme dans son Histoire des oracles, l'esprit philosophique du XVIIIe siècle. Mais sa thèse est-elle autre chose qu'un paradoxe?

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« Il déclare cependant prudemment lorsqu'il s'agit de réformer un État : « La seule résolution de se défaire de toutesles opinions qu'on a reçues auparavant en sa créance n'est pas un exemple que chacun doit suivre.

» C.

— Prendre les opinions communes à contresens. Si Fontenelle n'est pas le premier à affirmer la nécessité d'une attitude critique à l'égard des opinions communes, ilest plus paradoxal en prétendant qu'elles « sont la règle des opinions saines pourvu qu'on les prenne à contresens ».L'histoire des sciences permettrait d'illustrer la thèse de Fontenelle par plusieurs exemples.

Alors que l'opinioncommune (qui avait pour elle l'autorité et semblait confirmée tant par les savants que par le témoignage de nossens)' considérait avec Ptolémée que la terre est immobile au centre de l'univers et que le soleil se déplace autourd'elle, c'est en prenant le contre-pied de ce système que Copernic et Galilée soutiendront que la terre se déplaceautour du soleil.C'est de même en rejetant l'idée que la nature a horreur du vide que Pascal sera conduit à expliquer les effets de lapesanteur de l'air.

Sans pouvoir en apporter la preuve, Fontenelle admettait, contrairement aux idées admises, lapluralité des mondes habités.

Et c'est contre la croyance générale à la génération spontanée (admise par Diderotdans le Rêve de d' Alembert), que Pasteur réalisera ses importantes découvertes.Dans le domaine de l'art, l'originalité et le renouvellement, sinon la vérité et le progrès, supposent une rupture àl'égard des règles, qui heurte le goût commun ou les traditions admises.

Ainsi dans la querelle des Anciens et desModernes, Fontenelle rejette l'imitation des modèles unanimement admirés ; l'histoire plus récente de la peinturemontre un renouveau par la rupture avec la longue tradition d'un réalisme attaché à la vérité et d'un art figuratif.Enfin dans le domaine moral, réformer les moeurs, c'est choisir d'aller à contre-courant, de même qu'au point de vuesocial et politique, c'est rejeter l'ordre établi et adopter une attitude révolutionnaire.Il serait certainement exagéré de prêter à la pensée de Fontenelle des conséquences aussi hardies; pourtant il n'estpas douteux qu'elle annonce l'esprit du xviiie siècle, et les rapprochements que nous pourrons établir avec lesPhilosophes permettront d'en préciser la portée. II - UNE PENSÉE QUI ANNONCE L'ESPRIT PHILOSOPHIQUE 1.

Par le sens. A.

Objection préalable ?La défiance dont Fontenelle fait preuve à l'égard de la multitude n'est-elle pas en contradiction avec la confiancedont témoignent les philosophes à l'égard du bon sens, « la chose du monde la mieux partagée », et avec lestendances démocratiques qu'on prête généralement au XVIIIe siècle?Le bon sens, sans la méthode, ne conduit pas toujours à la vérité : Voltaire lui-même en est la preuve dans sapolémique contre Buffon.

D'autre part, de même que Descartes ne se fie pas à la pluralité des voix pour décider dela vérité, les Philosophes ne croient pas le peuple suffisamment éclairé pour échapper aux préjugés.

(D'ailleurs ladémocratie ne demande pas au peuple de se prononcer sur la vérité, mais sur ses préférences et ses intérêts). B.

L'esprit philosophique est bien un esprit critique, de libre examen, et un esprit révolutionnaire. a) A l'égard des moeurs : Non seulement les voyages contribuent à révéler d'autres usages et à ébranler ainsi certains préjugés, mais lesécrivains, pour contraindre leurs compatriotes à ouvrir les yeux sur leurs propres usages, imaginent des personnagesqui apportent un regard neuf et ne partagent pas les idées reçues.

Les Persans de Montesquieu obligeront peut-êtrele lecteur à se demander : « Comment peut-on être Français? » Candide ou l'Ingénu de Voltaire nous font partagerl'étonnement d'une âme naïve ou d'un bon sauvage en face de la civilisation dont Rousseau avait dénoncé plussystématiquement les méfaits en prenant le contre-pied de la confiance qui lui était généralement accordée.b) Au point de vue philosophique et religieux, tous les auteurs dénoncent les préjugés et les superstitions commel'avaient fait Bayle et Fontenelle.

Montesquieu dans sa Préface de l'Esprit des lois affirme : « Je n'ai point tiré mesprincipes de mes préjugés, mais de la nature des choses » et se croirait le plus heureux des mortels s'il pouvait aiderles hommes à « se guérir de leurs préjugés ».

Bien qu'il admette les préjugés « que le jugement ratifie quand onraisonne » (Art.

Préjugés du Dict.

philosophique), c'est sans doute chez Voltaire que se manifeste le plusconstamment la dénonciation des idées reçues : non seulement dans son oeuvre d'historien où son esprit critiques'applique à détruire des légendes comme celle du passage du Rhin, mais surtout dans le domaine religieux.

Dans leSouper de Zadig chacun se croit assuré de détenir la vérité en invoquant l'ancienneté d'une croyance acceptée partous : « Il y a trente-cinq mille ans que nous en usons ainsi et personne n'y trouve à redire.

Assurément noussommes vos anciens...

Tout le monde vous dira que c'était un être divin.

C'est assurément une très grandeimpiété...

» Seul contre tous Zadig leur oppose son bon sens et leur fait admettre qu'ils sont tous d'accord, mais seméprennent sur le sens de leurs croyances.Voltaire s'attache surtout à dénoncer le fanatisme qui découle de l'attachement aveugle aux idées reçues.

L'affaireCalas lui sera l'occasion d'en montrer le danger et de faire triompher la vérité en dénonçant la sentence des jugesdont la « certitude » reposait plus sur des préjugés que sur le témoignage des faits.. »

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