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DEMOCRATIE GREQUE

Publié le 17/01/2013

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DEMOCRATIE GRECQUE / DEMOCRATIE MODERNE - perspectives D'après Cornélius CASTORIADIS : LA CITÉ ET LES LOIS (Ce qui fait la Grèce, 2 ; Séminaires 1983 - 1984 ; Seuil 2008) Introduction : dans les séminaires retranscrits dans le livre "La cité et les lois", Cornélius CASTORIADIS (CC) décrit et analyse la démocratie grecque antique, et plus spécialement la démocratie athénienne, dans une approche à la fois historique et philosophique. Cette analyse offre des perspectives sur la démocratie et la politique moderne. "Je ne propose absolument pas la démocratie athénienne comme modèle, je dis qu'il y a là pour nous un germe de réflexion." Sommaire1 Repères historiques .................................................................................................................................1 Institutions démocratiques athéniennes....................................................................................................2 Fondements de la Démocratie Grecque...................................................................................................3 La polis grecque - communauté politique................................................................................................6 La question de l'esclavage........................................................................................................................8 Démocratie directe contre démocratie représentative............................................................................10 Autres réflexions sur la politique...........................................................................................................13 REPÈRES HISTORIQUES Avant la démocratie, les villes grecques antiques sont sous des régimes "aristocratiques", i.e. qu'elles sont dirigées par des aristoi (les "meilleurs"), qui sont en général les membres de familles nobles, revendiquant un héros pour ancêtre ; par la suite il s'agit des citoyens riches (enrichis grâce au développement économique à partir du VIIe s. avant J.C.). Les principes démocratiques ou pré-démocratiques émergent à partir de 750 avant J.C., date qui correspond : a) à la date probable de fixation des poèmes homériques, qui contiennent les germes de ces principes. b) au début de la deuxième vague de colonisation grecque : des communautés grecques vont s'installer en Italie et en Sicile. Ces Grecs quittent leurs cités alors en train de se constituer pour aller fonder ailleurs d'autres cités. Ces mouvements ne semblent pas guidés par la nécessité économique (il semble même au contraire que la colonisation soit plutôt l'effet de la prospérité de la métropole que la pauvreté ; ils ne semblent pas guidés non plus par des raisons militaires) ; Ils s'auto-instituent : ils décident eux-mêmes de leur organisation et de leur législation ; il n'y a ni subordination politique de la colonie à la métropole, ni plaquage des institutions métropolitaines dans les colonies. Dès l'arrivée sur les nouveaux territoires, les colons définissent par une décision initiale qui est citoyen et qui participe à la vie de la colonie. Même si les colons exportent bien de leur métropole d'origine leurs dieux, leur langue, leurs coutumes, leurs conceptions sur le juste et l'injuste, elles établissent leurs propres lois, en s'inspirant naturellement des lois de leur pays d'origine. On pense que la terre de la colonie était partagée en lots égaux entre les nouveaux habitants (à l'exception peut être du fondateur, l'apoikistès ou oikistès). Un processus "naturel" de différenciation socio-économique et de concentration de la richesse a cependant peu à peu crée des inégalités (en quelques générations), qui provoquera des crises (staseis). Peu après, les premiers tyrans apparaissent : ils seront comme des chefs que se donneront les citoyens pauvres pour limiter le pouvoir des oligoi, les riches. Sparte Entre 700 et 650 : c'est probablement là qu'il y a eu pour la première fois instauration de quelque chose qui ressemble à un régime d'égalité ; les Spartiates instaurent une communauté d'égaux / semblables (homoioi). La société s'organise autour de 2 rois (qui ont des fonctions essentiellement militaires et religieuses) ; un conseil des anciens (la gerousia ; qui joue rôle très important assez semblable à celui du Sénat chez les romains) ; une assemblée d'hommes libres (l'appella) ; un collège de 5 magistrats (les éphores). Mais la société spartiate ne va évoluer que dans le sens d'une oligarchie croissante (il s'agit pour CC d'une situation "figée" : il n'y a pas vraiment de création historique à Sparte, pas de dynamique du dèmos). Si les questions importantes lui sont soumises, l'assemblée est plutôt une assemblée de ratification des décisions de l'oligarchie constituée par les éphores et les 2 rois. L'assemblée ne s'exprime pas par un vote à main levée, 1 Mes commentaires personnels sont en bas de page. G. DEBOUT - septembre 2008 1 / 14 mais par acclamation : les spartiates crient, et les éphores décident si les cris "pour" sont plus forts que les cris "contre"... (et il leur arrive de tricher...) alors que le citoyen athénien lève la main, se fit connaître et donne son avis. Athènes Le véritable début de la démocratie athénienne se situe au VIIe siècle, dit "siècle des réformes", période d'effervescence politique et institutionnelle. Les régimes aristocratiques sont renversés et remplacés par des "tyrannies" (la première en 657 à Corinthe). Le turannos est un chef du peuple, bien que presque toujours d'origine aristocratique. Il rabaisse le pouvoir de l'aristocratie en instaurant une sorte d'égalité. La tyrannie bénéficie de l'appui de la masse des citoyens, de "ce qui apparaît dorénavant comme une catégorie décisive dans la vie des cités grecques : les hoplites". Depuis 680 : élection des thesmothètes ("législateurs") parmi les archontes. 620 : désignation d'un premier législateur, Dracon. 594 : archontat de SOLON, qui introduit des éléments démocratiques, notamment l'Héliée, un tribunal du peuple. 508 : la "réforme de Clisthène" constitue un tournant, en amenant l'instauration d'un régime que nous pouvons légitimement appeler démocratique. 462 : la réforme d'Ephialte abolit les dernières restrictions au pouvoir du dèmos. Le régime perdure jusqu'à la guerre du Péloponèse (431-404), remportée par Philippe de Macédoine. Dès lors toutes les cités de la Grèce principale vont être dominées par les rois macédoniens, Philippe puis Alexandre. Athènes conservera cependant au IVe siècle des traits démocratiques, certains étant même renforcés par rapport à l'époque classique. Chios 570 : mention d'une boulè dèmosiè : conseil du dèmos, qui est à la fois un conseil élu par le peuple qui doit décider des affaires qui importent au peuple, et une cour d'appel judiciaire. Iles Eoliennes Vers 580 : instauration d'une sorte de régime communiste avec collectivisation des terres. Remarque : CC insiste sur le fait que, contrairement à une idée répandue, Rome n'a jamais été une démocratie ; elle a toujours été une oligarchie, même pendant la période dite républicaine. INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES ATHÉNIENNES Assemblée, conseil et tribunaux * L'Ekklèsia : assemblée du peuple, à laquelle tous les citoyens participent ; elle est chargée de voter les lois (nomoi) et les décrets (psèphismata). Tout le monde a le droit de parler et de proposer telle ou telle décision. Elle se réunit à certains jours fixes. * La boulè : conseil formé de 500 citoyens tirés au sort ; elle joue en quelque sorte le rôle de filtre par rapport à l'assemblée : elle en fixe l'ordre du jour et examine "en première instance" les propositions de lois. (les décrets ou psèphismata, eux , étaient votés directement par le peuple ; la distinction entre lois et décrets s'est cependant peu à peu effacée au IVe siècle : le dèmos finit par décider de tout et légifère par décrets, la Boulè perdant donc de ses prérogatives. Cette évolution est une bonne chose pour ARISTOTE, considérant que le grand nombre est moins facilement corruptible que le petit. * Les tribunaux : leurs membres sont tirés au sort. Le principal tribunal est l'Hèliaia, qui comprend 500 juges / jurés, qui prêtent serment avant de rendre la justice. Les jurés de l' Hèliaia ont à connaître à la fois la question de fait (quid factis) et celle de droit (quid juris). Ils sont donc très différents des jurés de la justice occidentale moderne, qui ne portent un jugement que sur les actes, la qualification juridique de ces actes et la détermination de la peine étant du ressort de la magistrature permanente / professionnelle. On déduit du principe du tirage au sort que le citoyen athénien était forcément au courant des lois. Magistrats et "experts" * Des magistratures fixes sont elles aussi tirées au sort ; CC évoque en particulier les 9 archontes (fonction dont sont exclus les thètes, la 4ème classe de citoyens). Pour les magistratures les plus importantes, chaque magistrat a l'obligation de rendre compte de ses activités devant un corps spécial (en général la boulè). G. DEBOUT - septembre 2008 2 / 14 * Des "experts", magistrats spécialisés / spécialistes, sont désignés par voie d'élection. Ces "experts" élus peuvent être révoqués par l'assemblée (elle peut même les accuser et les condamner). On peut pointer en particulier le poste de stratège (chef de guerre), particulièrement important. * Les prytanes : chaque mois on tire au sort 30 membres de l'une des tribus (avec une rotation mensuelle entre les tribus, qui sont au nombre de 10). Les représentants de chaque tribu exercent le pouvoir pendant 36 jours en exerçant les magistratures suprêmes. Chaque jour l'un des prytanes est tiré au sort pour être le chef des prytanes (epistatès tôn prutaneon), sorte de président de la république. Pendant 24 heures il a le sceau de la cité et personnifie la polis ; il a entre autres le pouvoir d'accepter ou de refuser qu'une proposition de loi soit portée devant l'Ekklèsia. N'importe quel citoyen athénien peut être désigné à ce poste. * Il existe un appareil technico-administratif ou technico-exécutif très important à Athènes, notamment aux V e et IVe siècles. Cet appareil est constitué d'esclaves : ce sont des esclaves qui sont chargés de la comptabilité et des finances publiques, qui conservent les archives de la cité, etc. Ils n'exercent en droit aucune fonction politique ; placés sous la supervision de magistrats citoyens, ils ne sont que les rouages d'un mécanisme administratif. "Contrôles de constitutionnalité" des lois Il existe plusieurs types de contrôle : * La procédure de graphè paranomôn : un citoyen peut accuser un autre citoyen d'avoir proposé et fait adopter une loi illégale (sic) ; un tribunal de 501, 1001 ou 1501 citoyens se réunit alors pour examiner la question (il s'agit de citoyens tirés au sort, et non de juges permanents). Le Tribunal peut faire retirer la loi et condamner la personne, qui encourt une forte amende, voire dans des cas extrêmes la peine de mort. Dans cette procédure, le peuple est en quelque sorte instance d'appel contre lui-même. * L'institution apaté tou dèmou est une accusation pour tromperie du peuple. Un citoyen peut être traîné devant les tribunaux pour avoir incité le dèmos à voter une mesure en présentant des informations fallacieuses. * Les tribunaux peuvent également invoquer la clause nomon mè epitèdeion theinai, qui signifie soit la loi n'est pas bonne ou pas adaptée au cas à traiter. La tragédie CC met l'accent sur la dimension civique et collective de la tragédie, qui apparaît chez lui comme une institution de la démocratie athénienne (Philippe RAYNAUD / PR). On ne peut concevoir l'apparition de la tragédie telle qu'elle a existé à Athènes autrement que dans le contexte de la cité démocratique. Pour CC, il existe une dimension politique de la tragédie, d'abord dans ses fondements ontologiques, et ensuite dans le rôle qu'elle joue dans les institutions d'autolimitation de la démocratie. Elle montre que nous ne sommes maîtres ni de nos actes, ni de la signification de nos actes. Et elle rappelle également que la collectivité doit constamment tenter de maîtriser son hubris, sa démesure. Indépendamment "de la question de l'autolimitation, la tragédie athénienne est surtout autoprésentation d'une communauté politique par elle-même à elle-même." Les premières tragédies sont créées à Athènes vers 500. La tragédie se diffuse alors et des pièces sont jouées à partir de 350 en dehors de l'Attique et dans le reste de la Grèce. FONDEMENTS DE LA DÉMOCRATIE GRECQUE La démocratie, un processus dynamique "La démocratie grecque n'est à aucun moment un 'état de choses' mais bel et bien un processus historique par lequel certaines communautés s'auto-instituent, de façon plus ou moins explicite, comme communauté de citoyens libres". "L'auto-institution ne peut être véritablement que permanente, il n'y a pas de société bonne, de société juste et libre une fois pour toutes, il s'agit d'un processus de création historique où la société a constamment la possibilité de remettre en question ses lois et ses institutions." "Athènes est à la fois le sujet d'une création historique et cette création historique elle-même." Elle ouvre "une perspective, un projet d'avenir qui n'est visiblement pas la simple répétition de ce qui a déjà été fait. L'avenir sera autocréation, et non pas fatalité ou programme à accomplir."2 Si l'auto-institution est bien un processus dynamique, on peut comprendre que la polis, en tant qu'institution,, demeu...

« mais par acclamation : les spartiates crient, et les éphores décident si les cris "pour" sont plus forts que les cris "contre"… (et il leur arrive de tricher…) alors que le citoyen athénien lève la main, se fit connaître et donne son avis.

Athènes Le véritable début de la démocratie athénienne se situe au VII e siècle, dit "siècle des réformes", période d'effervescence politique et institutionnelle.

Les régimes aristocratiques sont renversés et remplacés par des "tyrannies" (la première en 657 à Corinthe).

Le turannos est un chef du peuple, bien que presque toujours d'origine aristocratique.

Il rabaisse le pouvoir de l'aristocratie en instaurant une sorte d'égalité.

La tyrannie bénéficie de l'appui de la masse des citoyens, de "ce qui apparaît dorénavant comme une catégorie décisive dans la vie des cités grecques : les hoplites". Depuis 680 : élection des thesmothètes ("législateurs") parmi les archontes. 620 : désignation d'un premier législateur, Dracon.

594 : archontat de SOLON, qui introduit des éléments démocratiques, notamment l' Héliée , un tribunal du peuple. 508 : la "réforme de Clisthène" constitue un tournant, en amenant l'instauration d'un régime que nous pouvons légitimement appeler démocratique.

462 : la réforme d'Ephialte abolit les dernières restrictions au pouvoir du dèmos .

Le régime perdure jusqu'à la guerre du Péloponèse (431-404), remportée par Philippe de Macédoine.

Dès lors toutes les cités de la Grèce principale vont être dominées par les rois macédoniens, Philippe puis Alexandre.

Athènes conservera cependant au IV e siècle des traits démocratiques, certains étant même renforcés par rapport à l'époque classique.

Chios 570 : mention d'une boulè dèmosiè : conseil du dèmos, qui est à la fois un conseil élu par le peuple qui doit décider des affaires qui importent au peuple, et une cour d'appel judiciaire. Iles Eoliennes Vers 580 : instauration d'une sorte de régime communiste avec collectivisation des terres. Remarque : CC insiste sur le fait que, contrairement à une idée répandue, Rome n'a jamais été une démocratie ; elle a toujours été une oligarchie, même pendant la période dite républicaine.

INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES ATHÉNIENNES Assemblée, conseil et tribunaux * L' Ekklèsia : assemblée du peuple, à laquelle tous les citoyens participent ; elle est chargée de voter les lois ( nomoi ) et les décrets ( psèphismata ).

Tout le monde a le droit de parler et de proposer telle ou telle décision.

Elle se réunit à certains jours fixes.

* La boulè : conseil formé de 500 citoyens tirés au sort ; elle joue en quelque sorte le rôle de filtre par rapport à l'assemblée : elle en fixe l'ordre du jour et examine "en première instance" les propositions de lois.

(les décrets ou psèphismata , eux , étaient votés directement par le peuple ; la distinction entre lois et décrets s'est cependant peu à peu effacée au IV e siècle : le dèmos finit par décider de tout et légifère par décrets, la Boulè perdant donc de ses prérogatives.

Cette évolution est une bonne chose pour ARISTOTE , considérant que le grand nombre est moins facilement corruptible que le petit.

* Les tribunaux : leurs membres sont tirés au sort.

Le principal tribunal est l' Hèliaia, qui comprend 500 juges / jurés, qui prêtent serment avant de rendre la justice.

Les jurés de l' Hèliaia ont à connaître à la fois la question de fait ( quid factis ) et celle de droit ( quid juris ).

Ils sont donc très différents des jurés de la justice occidentale moderne, qui ne portent un jugement que sur les actes, la qualification juridique de ces actes et la détermination de la peine étant du ressort de la magistrature permanente / professionnelle.

On déduit du principe du tirage au sort que le citoyen athénien était forcément au courant des lois.

Magistrats et "experts" * Des magistratures fixes sont elles aussi tirées au sort ; CC évoque en particulier les 9 archontes (fonction dont sont exclus les thètes, la 4 ème classe de citoyens).

Pour les magistratures les plus importantes, chaque magistrat a l'obligation de rendre compte de ses activités devant un corps spécial (en général la boulè ).

G.

DEBOUT – septembre 2008 2 / 14. »

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