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Emmanuel Kant, la Religion dans les limites de la simple raison

Publié le 31/01/2020

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Emmanuel Kant, la Religion dans les limites de la simple raison

On peut ramener toutes les religions à deux : celle qui recherche des faveurs (religion de simple culte) et la religion morale, c’est-à-dire de la bonne conduite. D'après la première, l’homme se flatte que Dieu peut bien le rendre éternellement heureux sans qu’il ait à vrai dire besoin de devenir meilleur (par la rémission des péchés); ou encore, si cela ne lui semble pas possible, il se flatte que Dieu peut bien le rendre meilleur sans qu’il ait autre chose à faire qu’à l’en prier; ce qui, en présence d’un Être qui voit tout, n’étant autre chose que désirer, serait en réalité ne rien faire ; en effet, si le simple désir suffisait, tout le monde serait bon.

Mais, suivant la religion morale (et parmi toutes les religions publiques qu’il y eut jamais, seule la religion chrétienne a ce caractère), c'est un principe fondamental que chacun doit, selon ses forces, faire son possible pour devenir meilleur, et ce n’est que lorsqu'il n’a pas enfoui la mine qui lui a été donnée en propre (Luc, XIX, iz - 16), lorsqu’il a employé sa disposition originelle au bien, pour devenir meilleur, qu’il peut espérer que ce qui n’est pas en son pouvoir sera complété par une collaboration d’en haut. Et il n’est pas absolument nécessaire que l’homme sache en quoi elle consiste; peut-être même ést-il Inévitable que, si la manière dont elle se produit a été révélée à une certaine époque, d’autres hommes, à une autre époque, s’en feraient chacun une idée différente et certes en toute sincérité. Mais alors le principe suivant garde sa valeur : « il n’est pas essentiel, ni par suite nécessaire à quiconque, de savoir ce que Dieu fait ou a fait pour son salut » ; mais bien de savoir ce que lui-même doit faire pour se rendre digne de ce secours.

Traduction J. Gibelin, Vrin, 1972, p. 75.

Dans ce texte, Kant distingue deux grandes catégories de religion. Selon lui, il faut séparer les religions purement cultuelles des religions avant tout éthiques. Il analyse successivement ces deux aspects de la religion et prend parti pour la religion morale en montrant son adéquation avec la limitation nécessaire de la connaissance humaine.

kant

« 166 .

~ COMMENTAIRE DE TEXTE de s'améliorer moralement en pratiquant les vertus ou en accomplissant de bonnes actions (lignes 3-4).

C.

Une autre version de ce genre de religion paraît plus soucieuse de progrès éthiques.

Le croyant y aspire à devenir meilleur, mais il croit que seule la divinité peut accomplir cette transformation morale.

li se tourne alors vers la prière.

La prière prend ici la place du respect des rites, mais le but reste le même : obtenir de la divi­ nité la faveur du salut ou de la vertu morale.

La religion de la seule prière est aussi, pour Kant, une «religion de simple culte)).

D.

Kant dénonce Je caractère illusoire du salut et de l'amendement moral par la simple prière.

Le seul effort que consent, en effet, à faire le fidèle est de former un souhait, un désir.

Or, les bonnes intentions sont les conditions nécessaires mais pas suffisantes du salut et de la vertu.

-2.

Une religion pour l'homme: la religion morale (de la ligne 9 à la fin du texte) A Les principes de la religion morale : chacun doit s'efforcer, selon sa puis­ sance, de devenir meilleur.

L'attitude du croyant est ici radicalement différente.

li n'attend rien de la divinité.

li est lui-même capable de se réformer.

li devient, si ce n'est l'auteur, du moins l'acteur de son salut Du même coup, son rapport à la divi­ nité change.

Il ne prend plus la forme d'un échange Qe respecte tes lois pour que tu me donnes le salut), mais celle d'une espérance : je m'efforce d'adopter une « bonne conduite )) (ligne 2), et peut-être obtiendrai-je une aide divine.

B.

Notez que ce type de religion est profondément teinté d'humanisme chré­ tien.

li présuppose, en effet, une « disposition originelle au bien » (ligne 13).

Et il reprend l'idée d'un salut par les « œuvres )), c'est-à-dire par les bonnes actions.

C.

L'.homme est ici incapable de réaliser son salut par ses propres forces.

De cette façon, Kant écarte l'hypothèse d'une contrainte exercée par l'homme sur la divinité.

Si le salut découlait de nos seules bonnes actions, nous pourrions forcer Dieu à nous accorder le salut Mais, à la différence de la religion de la simple prière, le croyant n'est pas dispensé des bonnes actions.

D.

Toutefois, sa propension à s'améliorer moralement lui-même est garan­ tie par la faiblesse de sa connaissance.

Il est incapable de connaître les intentions de la divinité à son égard.

Sa vision est restreinte aux limites de la simple raison.

Il sait que la moralité contribue à son salut mais ignore dans quelle mesure .

• Discussion Vous pouvez tout d'abord critiquer la simplification qu'opère Kant dans ce texte.

Toute religion est-elle nécessairement soit« cultuelle», soit« morale))? Toute religion ne participe-t-elle pas inéluctablement et indissolublement de ces deux catégories? De plus, les différences entre religions ne sont peut-être pas essentiel­ lement morales.

Plus que l'attitude éthique des fidèles, ce qui distingue une religion d'une autre peut être l'organisation sociale dans laquelle elle prend place, ou bien l'héritage historique et culturel qu'elle représente, comme le note Bergson dans Les deux sources de la morale et de la religion.. »

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