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Est-il souhaitable de limiter ses désirs ?

Publié le 31/03/2011

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   Le désir est la recherche d'un objet que l'on imagine, ou que l'on sait être source de satisfaction. Le désir est donc accompagné de souffrance, d'un sentiment de manque ou de privation. Et, pourtant, il semble refuser la satisfaction, puisque, à peine assouvi, il s'empresse de renaître. Ces désirs insatiables peuvent être reconnus comme étant à l’origine de la misère de l’homme, dans sa quête du bonheur tout comme en étant un moteur de vie. Devons-nous encourager le désir ou au contraire le limiter en vue d’un épanouissement personnel ? Le problème est de savoir quel est le rapport entre l’homme et ses désirs. Faut-il envisager un cadre pour nos désirs ? Et si oui, comment penser ce cadre ?

    Le désir est la recherche de la réduction d'une tension issue d'un sentiment de manque et en ce sens on ne désire que ce dont on manque. Quand on a trouvé des objets ou des buts considérés comme une source de satisfaction, on va tendre vers eux. Le désir est tantôt considéré positivement puisque l'on voit  l'objet désiré comme source de plaisir ou de contentement, voire de bonheur, tantôt considéré négativement comme une source de souffrance, une forme d'insatisfaction. On oppose souvent le caractère naturel du besoin au caractère artificiel du désir. Manger, boire, dormir seraient des besoins naturels, d’origine corporelle, tandis que manger un met raffiné serait un désir artificiel (trouvant sa source dans l’imagination).    Le besoin se traduirait par un manque dont la satisfaction est nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme. En revanche, le désir serait contingent, on pourrait choisir de le satisfaire ou non. Ne pas satisfaire un besoin fondamental entraîne une carence. Ne pas satisfaire un désir se traduit pas une frustration. La sagesse serait donc peut-être de se limiter au strict nécessaire, de rechercher la paix et la sérénité grâce à la satisfaction des besoins, de renoncer à la poursuite des désirs, qui maintiennent l'âme dans l'inquiétude et la déception ? C'est ce que préconise Épicure, dans Lettre à Ménécée, qui établit une hiérarchisation des désirs.  N’étant pas tous souhaitables, il faut procéder à un « tri ». En distinguant les désirs naturels des désirs vains, puis les désirs naturels nécessaires et les désirs naturels possibles. Cette classification n'est pas séparable d'un art de vivre, où les désirs font l'objet d'un calcul visant à atteindre le bonheur.

    Au contraire Platon, dans Le Banquet, procède à une classification radicalement différente. Il condamne ainsi les plaisirs du corps qui troublent l’âme et entravent le seul désir souhaitable : le désir de vérité. Ce désir, érigé par Platon comme désir suprême, se voit gêné par de faux désirs, sources d’illusion et qui créent un obstacle a la philosophie. Néanmoins cette condamnation des désirs corporels n’est elle pas à  moduler ? En effet, les passions issues des faux désirs de Platon, ne sont pas mauvaises et peuvent être canalisées, par l’art par exemple, et devenir bénéfiques selon Hegel, dans Esthétique. Pour ce philosophe, ces passions ne sont dangereuse pour l’homme dès lors qu’elles sont en lui et dominent sa raison, il est alors animaliser. Il faut donc extérioriser et objectiver les passions afin de purifier l’esprit et lui rendre sa lucidité et sa raison, c’est alors que le sujet peut prendre conscience de lui. C’est le principe de catharsis qui vise à l’épuration des passions par le moyen de représentation dramatique. Mais le fait de désirer ne pourrait-il pas être le moteur de l’homme et non un élément néfaste ?

    S’opposant à Platon, Spinoza, dans Ethique, considère le désir (ou plus généralement le conatus comme effort pour persévérer dans son être) comme « essence même de l’homme ». Pour le philosophe, l’essence de l’homme est de désirer c'est-à-dire de vouloir et de juger bon ce qu’il désire. En réalité, la fin n'est rien d'autre que le désir lui-même en tant que cause d'une chose. De ce fait le philosophe réfute la thèse de l’indépendance de la capacité à juger par rapport aux désirs et la liberté de la volonté. Il  rejette les notions de bien et mal au profit de celles d’utile et de nuisible. Spinoza écrit : « nous n’avons pas l’appétit ni le désir de quelque chose parce que nous jugeons que cette chose est bonne ; mais qu’au contraire nous jugeons qu’une chose est bonne parce que nous nous efforçons vers elle ».  Cette conception rend les désirs personnels, propres à chacun. Le désir même est donc vital pour l’homme et pour l’affirmation de soi. Nietzsche, quant à lui, pense qu’il faut vouloir le désir car vivre c’est vouloir. Celui qui restreint ses désirs s’empêche de vivre et rejette son humanité. Mais dans une hypothétique limitation de nos désirs nous pouvons nous poser la question de la relation entre le réel et l’imaginé.

    Contrairement aux classiques, Rousseau affirme, dans La Nouvelle Héloïse, que l’imagination est une « force consolante » reçu du ciel  qui rapproche l’homme de son désir. On est plus heureux en désirant quelque chose qu’en le possédant. Notre imagination idéalise l’objet désiré, provoquant ainsi une déception plus ou moins consciente, lors de l’acquisition de cet objet. C’est l’expression même de la tension entre le réel et le désir qui constitue la difficulté d’être. De là l’imagination apparait comme un chemin salvateur dans la dure existence de l’homme. C’est pourquoi un homme n’ayant pas de désirs perd alors la volonté même de vivre. Hegel dit que : « rien ne s’est fait dans le monde sans passions ».

   Nous pouvons donc conclure que quoi que l’ on fasse, on ne peut jamais s'arrêter de désirer, sauf à vouloir renoncer de vivre. Par conséquent, la question du souhait de limiter nos désirs est légitime mais il faut savoir que vivant nous ne cesserons jamais de désirer. Cependant désirer, en restant maître de ses choix et non pas en étant dépendant de désirs imposés comme c’est le cas dans la société de consommation. Reste alors à savoir conduire notre existence de la façon la plus épanouissante possible, en jouant de cette faculté qu’est la décision comme l'écrit Freud : \"On peut en effet agir sur le monde extérieur afin de le modifier, et y créer exprès les conditions qui rendront la satisfaction possible. Cette sorte d'activité devient alors le suprême accomplissement du \"Moi\", l'esprit de décision qui permet de choisir quand il convient de dominer les passions et de s'incliner devant la réalité, ou bien quand il convient de prendre le parti des passions et de se dresser contre le monde extérieur. Cet esprit de décision est tout l'art de vivre \".

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