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Etre libre, est-ce n’en faire qu’à sa tête ?

Publié le 27/02/2008

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Etre libre se conçoit habituellement comme faire ce que l’on veut. En effet, il semble que la liberté consiste à agir à sa guise, sans contrainte. Ce mot, dérivé du Latin «Libertatem» signifie « Etat de l’homme libre », lui-même dérivé de « Liber » (« Homme libre », par opposition à « Esclave »). Il s’agit de la possibilité qu’a l’homme d’agir de manière autonome, sans être soumis à la fatalité ou au déterminisme biologique ou social. C’est obéir à la loi que l’on s’est soi-même prescrite. En apparence, la traduction empirique de la liberté, qui est une conception spirituelle, est un acte quelconque qui n’est pas entravé par quelque chose ou par quelqu’un. Encore faut-il voir que la réalisation de  cet acte est commandée par un vouloir. Pourtant, une telle liberté, totale et absolue, ne peut être effective dans nos sociétés au risque d’empiéter sur la liberté des autres. Peut-on alors être vraiment libre ou est-ce une illusion ? Peut-on affirmer à la fois que l’homme est libre et qu’il est soumis à des lois ? Est-ce contradictoire de dire que l’être humain subit un déterminisme tout en jouissant de la capacité de décider de ses actes ? C’est ce que nous verrons en étudiant en premier lieu, le fait que la liberté repose sur ce qui nous est imposé, avant de voir que faire ce qu’il nous plaît serait une forme de manque de responsabilité, pour finir sur la thèse que la responsabilité et la prudence sont indispensables à la liberté. Tout d’abord, nous pouvons constater que les lois de la société ont un caractère d’obligation et non de nécessité. Chacun peut les enfreindre, et, dans la mesure du possible, ne pas s’y soumettre. Nous pouvons aller plus loin en disant que la liberté est même compatible avec l’existence de lois, mais « Il n’y a pas de liberté là où il n’y a pas de loi, ou là où quelqu’un est au-dessus des lois » selon Rousseau. Ainsi, sans lois en effet, règnerait la loi du plus fort, donc la violence et un Etat de non-droit. Or, être libre, c’est jouir de droits garantis par la loi. Si ces lois sont injustes, elles ne peuvent garantir une égalité devant la loi, donc sans égalité, il ne peut y avoir de liberté. Mais ceci n’est pas inévitable étant donné que ce sont les êtres humains, qui, dans la mesure du possible, établissent les lois sociales, de par un régime démocratique par exemple, où tout citoyen peut participer à l’élaboration des lois. Le citoyen d’un tel Etat jouit alors de la liberté d’autonomie, car selon Rousseau « L’obéissance à la loi que l’on s’est prescrite est liberté ». Mais ce ne sont pas que les lois qui sont imposées à l’homme, les déterminismes qui pèsent sur lui font de même, à la seule exception que l’homme en est parfois ignorant ; a contrario, il est bien conscient que les lois lui sont imposées. Il est confortable de penser qu’il est libre, mais ce n’est qu’une illusion, car il ignore les déterminismes qui pèsent sur lui. Citons l’exemple de l’homogamie, le fait que l’on ne se marie que rarement hors de son cercle social prouve que les comportements individuels ne sont pas entièrement la résultante du libre-arbitre des individus, mais que leurs actions découlent d’un conditionnement, issu dès la naissance par le milieu social qui exerce une contrainte sur l’individu et pèse fortement sur son devenir. La liberté est alors une illusion parce que les lois de l’esprit sont out aussi nécessaires que celles du corps et de la nature : tout arrive selon des causes, jamais par hasard, jamais librement. L’homme croit ainsi ne pas être assujetti aux lois de la nature, cette liberté le valorise, et là où on se croit libre il y a un déterminisme mais nous en sommes inconscients. Seulement, cette illusion ne tient pas longtemps devant les découvertes de la psychanalyse selon Freud. L’inconscient est une remise en cause de notre liberté lorsqu’il s’avère actif, et ce, à notre insu. Nous pensons en être les auteurs, or parfois, c’est notre inconscient qui est à l’origine de nos actions. L’homme ne fait qu’exécuter  ce que son inconscient le pousse à faire. Ainsi, dans ses prétendus choix, il est véritablement contraint, il n’est pas sujet mais objet, le jouet d’un déterminisme  et d’une liberté que l’homme se vante à tort d’avoir. Dès lors, nous pouvons donner une réponse négative  à la question « Etre libre, est-ce n’en faire qu’à sa tête ? » puisque faire ce qu’il nous plait serait une forme de manque de responsabilité. En effet, l’aspect absurde de la liberté se révèle alors. Peut-être y a-t-il une raison, comme faire quelque chose d’excentrique, sortir de l’ordinaire. Ce désir de faire ce que l’on veut est là parce que nous avons envie de se sentir exister, de vivre tout simplement, étant donné que faire quelque chose d’original est un désir de reconnaissance, qu’on parle de nous. Quelqu’un de mystérieux devient alors extraordinaire par ce geste. Il s’agit pourtant d’une attitude faible et contestable puisqu’il n’y a aucune forme de responsabilité. Cette attitude-là  fait référence à l’affirmation de Carmen dans l’opéra de Georges Bizet, disant « Ce que je veux, c’est être libre et faire ce qu’il me plait ». Cette citation montre le lien entre liberté, volonté et faire. Or le fait de faire, qui revient à une action, pourrait se voir comme une contrainte par rapport à la volonté : on ne fait pas toujours ce que l’on veut, ce que l’on désire. Par exemple, la tragédie est une bonne invitation à la lucidité, un appel à la responsabilité. Etre libre, ce n’est pas toujours faire ce que l’on veut, étant donné qu’il y a de l’involontaire dans le volontaire. Il faut réfléchir aux conséquences de nos actions, même si nous ne sommes pas totalement maîtres des conséquences de nos actions. Il y a de l’involontaire dans le volontaire et c’est cela que nous devons assumer, nous sommes obligés de l’accepter, certaines de nos actions sont irrévocables. Agir « pour rien », expérimenter la liberté en agissant en dehors de toute motivation est un comportement faible et contestable, car il est toujours facile de trouver un motif à une action, de se prouver libre par une action. L’absence de motif n’est qu’une apparence puisqu’il y a un désir sous-jacent qui a motivé cette action, le fait de se prouver sa liberté. C’est cette notion d’acte gratuit qui est contestable, il s’agit d’une illusion qui est due à l’ignorance des motifs qui nous ont poussé à agir, un acte incensé, sans motif valable. Ainsi, la véritable liberté, ce n’est pas du tout être déterminé par rien, mais être déterminé par ce que la raison ou l’entendement nous montre. Pour qu’il y ait véritablement liberté, la responsabilité et la prudence sont indispensables, car justement, la liberté implique la responsabilité, donc la morale. Mais pour que celle-ci ait un sens, il faut poser la liberté, car, sans liberté, on ne pourrait plus parler de louange ou de blâme, de mérite ou de mal. Nous pouvons ici nous interroger sur la nature des rapports de l’homme avec ses actes, puisqu’il s’agit d’une question de responsabilité. Le fait d’être libre de ses actes implique cette notion de responsabilité, étant donné que les actes ont été commis librement et sans contraintes. C’est justement parce que l’homme est libre que les notions de blâme et de louange ont encore un sens. Si l’homme était forcé par une nécessité, s’il n’était pas libre, alors comment le tenir pour responsable ? Comment reprocher à quelqu’un quelque chose qu’il n’a pas voulu délibérément faire ? Nous pouvons donc en déduire que si l’homme n’est pas libre, il ne peut être tenu pour responsable. Ainsi, la liberté est directement liée à l’imputabilité des actes, elle s’oppose à la nécessité. Mais être libre ne se caractérise pas par faire ce que l’on veut sans réfléchir, la liberté sous-entend une réflexion et une qualité qui est la prudence. L’homme prudent est l’homme qui délibère, qui réfléchit aux conséquences de ses actions. Il s’agit d’une attitude réfléchie, posée, prévoyante, et cette prudence est une vertu pour pouvoir véritablement être libre. Elle est ce qui nous permet de nous orienter dans l’existence, même si rien n’est jamais sûr dans le monde. Ainsi, sans prudence et sans responsabilité, la liberté ne peut exister, car cette capacité pour un humain de se dire l’auteur de son action nécessite une maîtrise de soi qui passe par cette prudence et cette responsabilité. A travers cette avancée sur le thème de la liberté, nous avons vu que tenter de trouver une réponse à la question « Etre libre, est-ce n’en faire qu’à sa tête ? » nécessite une recherche approfondie pour tenter  de résoudre un problème. Cette liberté n’est pas donnée une fois pour toute, sa réalité est opératoire. Il s’agit d’une angoisse que d’être libre, devant l’imprévisibilité des conséquences, l’irréversibilité de l’action, il y a une mise en péril de soi. Malgré une certaine base que sont les lois, l’homme se sent libre et a pour but  de faire ce que bon lui semble, or il n’est en réalité que l’objet d’un déterminisme qui guide son comportement vers tel ou tel choix.  Ce n’est que puéril et irresponsable de n’en faire qu’à sa tête, c’est n’être pas libre, puisque la responsabilité (donc la maturité) et la prudence, sont indispensables à la liberté. C’est ainsi qu’être libre ne saurait signifier n’en faire qu’à sa tête, d’où la nécessité d’une maîtrise de soi pour qu’il y ait liberté.

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