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Etre maître de soi, est-ce une visée illusoire ?

Publié le 11/04/2009

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Etre maître de soi, est-ce une visée illusoire ?

 Etre maître de soi c’est faire référence à une liberté, une autonomie de l’individu considéré alors comme modéré, tempérant et non soumis à la puissance du désir. La maîtrise de soi est alors une vertu qui fait de l’homme un être pleinement responsable et utile pour la communauté. Il s’agit pour lui de tendre vers cet idéal que représente le sage, c’est-à-dire celui dont l’âme et le corps vivent en harmonie et lui permet alors de se vouer à la sagesse, c’est-à-dire la partie la plus haute de son âme. Cette vertu est la sophrosunè. Cependant, comme on le remarque, il s’agit bel et bien d’un idéal, c’est-à-dire d’un désir d’atteindre une condition humaine parfaite. Mais est-ce simplement possible ? N’est-ce pas viser une condition extra-humaine ? L’homme est en effet cet être de passion et de désir comme le raisonner pleinement ? La référence au sage semble nous confirmer cet usage de l’idéal. Ce désir  serait alors une illusion, c’est-à-dire une représentation n’ayant pas de valeur cognitive. Mais justement, est-ce bien cela ? Cet idéal n’est-il pas aussi une exigence de la raison : un devoir moral ?

            Si être maître de soi est un désir du bien, de la sagesse et de la tempérance (1ère partie), on peut s’interroger effectivement sur la possibilité de son effectivité (2nd partie), mais quand bien même il s’agirait d’un idéal, cet idéal n’en serait peut-être pas moins régulateur, c’est-à-dire positif, relevant de la morale (3ème partie).

  • I – Etre maître de soi : l’accession à la sagesse
  • II – Illusion et idéal
  • III – Idéal régulateur et valeur morale

« II – Illusion et idéal a) Platon lui-même dans l' Alcibiade ne fait-il pas dire à son interlocuteur éponyme par l'intermédiaire de Socrate : « connais-toi toi-même » tel que cela apparaît sur le fronton du temple de Delphes.

Or se connaître soi-même est ledépart de l'éducation du naturel philosophe en tant qu'il pourra effectivement maîtriser ses désirs donc agir enécoutant simplement son âme, c'est-à-dire la partie rationnelle de son être.

Il pourra alors être éclairé par le savoirqu'il aura acquis du réel et ainsi agir mieux pour l'ensemble de la cité.

Or si être maître de soi-même est un but,force est de constater que le vrai philosophe devrait être un Dieu en tant que ce dernier est son modèle, c'est-à-dire d'un être parfait et sagesse.

Or la philosophie est amour de la sagesse mais ne suppose pas nécessaire lamaîtrise complète de soi.

Etre maître de soi est alors un idéal qui semble bien difficile à atteinte.

C'est pourquoi onpourrait presque parler de « visée illusoire » dans la mesure où le philosophe recherche une idée de la sagesse maisne peut avoir accès véritablement qu'à son image.

Bien plus, comme le rappelle le mythe du Phèdre en 246a, l'âme humaine à travers l'analogie du cocher et des deux chevaux, n'est pas l'équivalent de l'attelage de Zeus et neprogresse pas aussi facilement dans la plaine de la vérité.

Etre maître de soi est donc un idéal.b) Mais bien plus, à l'aune d'une compréhension psychanalytique de l'individu peut-on encore parler d'une maîtrisede soi avec la présence d'un inconscient ? Si être maître de soi c'est être conscient des appétits et des causes denotre action, il faut tout de même remarquer que la conscience est pour l'inconscient un épiphénomène.

Elle estépiphanie de l'inconscient.

L'homme est ainsi déterminé par son « ça » et son « surmoi » selon la seconde topique deFreud .

Dans le Moi et le ça , Freud définit au sens précis du terme l'inconscient : « L'inconscient désigne pour la psychanalyse le psychisme refoulé.

» L'inconscient désigne donc aussi des éléments latents mais nonnécessairement comme c'est le cas de l'activité de censure qui bien qu'inconsciente n'est ni refoulé ni latente.L'existence de l'inconscient n'est qu'une hypothèse ; or ce qui justifie l'hypothèse de l'inconscient ce sont des faitspsychiques aperçus de nous mais qui ne peuvent pas être expliqués par la conscience comme les rêves, les lapsus,les actes manqués etc.

Il s'agit donc d'attester ou plus exactement, cette hypothèse permet d'inférer donc desupposer une cause non constatée en elle-même à des faits constatés et saisis comme effets.

Il s'agit doncd'indices qui on valeur de preuve.

L'hypothèse de l'existence d'une vie psychique joue donc un double rôle : elle estun principe d'intelligibilité des faits psychiques observés et aberrants pour la conscience ; mais surtout, elle est unprincipe de réalité dans la mesure où elle permet non seulement de comprendre mais pose ou suppose l'existenced'un quelque chose qui a des effets et qui est la cause réelle des faits constatés.

En ce sens, bien loin de rendrevain tout effort de lucidité envers soi-même c'est justement en vue d'être lucide que l'on doit poser cettehypothèse.

Car comme il le propose dans Une difficulté de la psychanalyse : « Qu'une chose se passe dans ton âme [et] que tu en sois de plus averti, voilà qui n'est pas la même chose ».c) Dès lors être maître de soi est une illusion, un but inatteignable.

Mais pour reprendre la critique de Nietzsche dans la Généalogie de la morale : faire preuve de maîtrise de soi c'est se soumettre à un idéal ascétique, c'est-à- dire se refermer au monde, et refuser les passions.

C'est donc nier la vie même.

A cette volonté de néant, Nietzschepropose le développement d'une volonté de puissance, principe de vie, c'est-à-dire la prise en compte de sesémotions.

A une maîtrise de soi faible et moribonde, Nietzsche substitue un déchaînement de la puissance vitale :les passions, la vie.

Comme le note très bien Pierre Lasserre dans la Morale de Nietzche : « L'homme est fait d'une multiplicité de tendances, d'affections, d'impulsions, de mobiles, puissances discordantes qui le déchireraient bienvite et le feraient périr de son propre désordre, s'il ne se les représentait nettement dans des rapports desubordination et de dépendance qui assignent à chacune d'elles son rang, sa dignité, sa valeur.

Il faut qu'il se soitassez discipliné, rendu assez maître de lui-même pour être assuré que l'aveugle mouvement de ses sensibilités et deses instincts ne viendra pas, à tout instant, briser la ferme ligne d'une tenue dont la vue du barbare, de l'inéduqué,suffirait à lui faire connaître le haut prix.

L'homme moral, c'est donc l'homme discipliné, châtié, maître de soi ».

Transition : Ainsi on peut effectivement dire qu'être maître de soi est une visée illusoire en tant qu'elle est non seulementimpossible et constitue en cela un idéal, mais surtout parce qu'elle est dangereuse pour la vie elle-même.

Cetascétisme est une volonté de néant.

Cependant, quand bien même cet idéal serait inatteignable, n'est-ce pas undevoir pour l'homme que d'essayer de l'atteindre : un devoir moral ? III – Idéal régulateur et valeur morale a) Tout d'abord, il convient de distinguer correctement l'illusion de l'idéal.

Si tous deux font référence à quelquechose qui n'est pas, force est de constater que l'idéal a une connotation morale tandis que l'illusion apparaît icipleinement négative, comme une fantaisie de l'imagination.

Or l'idéal est comme le définit Kant dans la Critique de la raison pure une idée régulatrice de l'entendement.

C'est-à-dire qu'il s'agit d'une idée normative pour l'entendement, c'est-à-dire une représentation fournie par la raison qui doit servir de guide à l'action.

Dès lors, il s'agit bien d'unevisée, mais qui n'est pas illusoire, mais plutôt asymptotique, c'est-à-dire régulatrice.

L'idéal est ici une exigence dela raison : une exigence morale.b) Comme Kant nous le montre dans ses Leçons d'Ethique être maître de soi ou exiger la perfection morale de l'homme, c'est-à-dire qu'il soit maître de lui-même et autonome ce n'est pas en demander trop à l'homme maissimplement exiger de lui et de la définition de la morale une rigueur que n'ont pas les morales indulgentes qui semettent au niveau des capacités de l'homme pour fonder leurs morales : « L'éthique peut proposer des lois demoralité qui sont indulgentes et qui s'ordonnent aux faiblesses de la nature humaine, et ainsi elle s'accommode àcette nature en ne demandant rien de plus à l'homme que ce qu'il est en mesure d'accomplir.

Mais l'éthique peut. »

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