Devoir de Philosophie

Etude sur le divertissement les pensées de Pascal

Publié le 14/12/2013

Extrait du document

pascal
ETUDE DU DIVERTISSEMENT « Ils ont un instinct secret qui les porte à chercher le divertissement et l'occupation au dehors, qui vient du ressentiment de leurs misères continuelles ; et ils ont un autre instinct secret, qui reste de la grandeur de notre première nature, qui leur fait connaître que le bonheur n'est en effet que dans le repos, et non pas dans le tumulte ; et de ces deux instincts contraires, il se forme en eux un projet confus, qui se cache à leur vue dans le fond de leur âme, qui les porte à tendre au repos par l'agitation, et à se figurer toujours que la satisfaction qu'ils n'ont point, leur arrivera si, en surmontant quelques difficultés qu'ils envisagent, ils pensent s'ouvrir par là la porte du repos. Ainsi s'écoule toute la vie. On cherche le repos en combattant quelques obstacles ; et si on ne les a surmontés, le repos devient insupportable, car, ou l'on pense aux misères qu'on a, ou à celles qui nous menacent. Et quand on se verrait même assez à l'abri de toutes parts, l'ennui, de son autorité privée, ne laisserait pas de sortir du fond du coeur, où il a des racines naturelles, et de remplir l'esprit de son venin. » Pascal (Pensées 139, éd. Brunschvicg) La rédaction des Pensées, en particulier de la première partie, est subordonnée à ce souverain dessein , Cautionner une telle quête suppose que corrélativement l'on découvre à quel vide effroyable son refus exposerait, Aussi doit-on renoncer à toute pensée du seuil, c'est-à-dire à toute démarche qui aboutirait à quelque compromis satisfaisant à la fois le croyant, l'indifférent, le mondain, le libertin...Ce refus du compromis obéit à une stratégie qui consiste à provoquer des rapprochements entre des termes (valeurs, facultés, personnes...) que tout -ou presque- sépare. De tels rapprochements, parce qu'ils deviennent vite insoutenables, nous prédisposent immanquablement à chercher au-delà de notre raison invalidée le dépassement des contradictions : la raison humiliée, c'est l'illumination par la foi qui s'impose. Les lignes consacrées au divertissement n'échappent pas à ce mouvement : dans le paragraphe 139, deux inclinations humaines sont mises en regard sans que leur conjonction puisse nous satisfaire. On tentera, dans cette brève étude, de faire apparaître que cette conjonction douloureuse, signe manifeste d'une nature déçue, est également révélatrice d'une première nature qui ne s'est point tue en nous. Le sujet humain est soumis dans son devenir à une double contrainte, celle de deux instincts, aux fins et aux origines radicalement distinctes ; toutefois, malgré leur différence originelle, ces deux instincts vont se manifester d'une façon quelque peu identique ; l'un « porte à chercher le

pascal

« notre condition faible et mortelle et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près » (Br.

139), malheur inhérent à la condition humaine : c’est lui qui fait les esclaves, les vaincus de la vie.

Il apparaît donc que le premier instinct interrogé par Pascal est l’oeuvre du ressentiment, lui-même effet du malheur de notre condition humaine ; dans la mesure où cette instinct n’est pas immédiat dans sa cause, dans la mesure où sa cause est le signe identifiable du malheur d’une humanité désormais pécheresse, cet instinct laisse à l’homme une certaine réflexivité qui va déterminer une réaction autre que dans le cas d’une contrainte arbitraire et spontanée : de ce point de vue, le divertissement n’est pas l’objet d’une démarche aveugle propre à un sujet ignorant de son état.

Quant à l’ « autre instinct secret », Pascal en indique clairement la source : il « reste de la grandeur de notre première nature », il est le trait d’union avec cet état antérieur au monde de la faute et de l’expiation, il est la signature de notre appartenance révolue à l’Eden, il est une trace indélébile toujours-déjà-là alors même que l’élan qui « porte à chercher le divertissement » s’acquiert et se développe dans le cours d’une existence butant sur sa propre finitude.

Cet « autre instinct secret », lui, ne s’acquiert pas, il fut imprimé en l’homme comme marque de son essence première tant qu’elle n’eut point à céder la place à cela même qui l’altéra : « … il y a eu autrefois dans l’homme un véritable bonheur, dont il ne lui reste que la marque et la place toute vide… » (Pensées, Br.

489).

Par opposition à l’impulsion qui fait agir au titre du ressentiment éprouvé, ce second instinct met en mouvement par sujétion immédiate à ce qui, en chacun, persiste comme la marque en creux d’une nature ignorant tout du ressentiment .

L’instinct qui excite le ressentiment est l’indice de notre misère présente, l’autre instinct est l’indice de notre grandeur passée, grandeur de notre condition initiale, de notre « vraie nature » de « notre première nature » ; quant à envisager une grandeur présente , au mieux elle ne pourrait être qu’en puissance, donc indéterminée et, par là, susceptible d’actuations diverses que seule la grâce divine pourrait soustraire à l’inanité.

Tout cela nous suggère un premier bilan.

Le premier élan est signe de notre état actuel, misérable et borné, le second est signe d’un retour –impossible- à un état révolu, bienheureux et sublime.

En nous tend donc à se déployer un jeu de forces étranges, s’exerçant selon deux directions distinctes : nous sommes poussés d’un côté à fuir une situation accablante, de l’autre à faire retour vers un monde à jamais perdu. Il convient présentement de considérer avec soin tout ce que l’homme poursuit dans le déploiement de cette singulière compulsion. L’impulsion que déclenche le « ressentiment » de « misères continuelles » porte chacun d’entre nous à « chercher le divertissement et l’occupation au dehors ».

Un tel mouvement n’est pas réductible à une pure activité machinale, car, lié au ressentiment, il est par là-même différent d’un simple comportement instinctif, par définition aveugle (c’est-à-dire se manifestant quelles que soient les circonstances) : il est significatif d’une réaction à des conditions (nos « misères continuelles » ) que l’on ne supporte pas.

Comme toute réaction, cette réaction tend à diminuer voire à supprimer l’intensité d’une tension par quelque antidote : à l’intériorité du ressentiment va s’opposer l’extériorité du divertissement, au ressentiment qui aigrit l’homme est censé s’opposer le divertissement qui l’égaie.

Ainsi, la conscience rongée par le ressentiment d’un état misérable 3 espère trouver son bonheur dans la quête de ce qui la soustrait à elle-même, « le divertissement et l’occupation au dehors ».

L’un et l’autre sont l’objet d’une démarche consacrant le passage à l’en dehors de soi ; par « le divertissement et l’occupation au-dehors », l’homme cherche moins à. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles