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Examinez cette pensée de William James : « A quelque point de vue qu'on se place, le primat monstrueux conféré aux concepts universels a de quoi surprendre. Que les philosophes depuis Socrate aient lutté à qui mépriserait le plus la connaissance du particulier, et vénérerait le plus la connaissance du général, voilà qui passe l'entendement. Car enfin, la connaissance la plus vénérable ne doit-elle pas être celle des réalités les plus vénérables ! Et y a-t-il une réalité précieuse qui n

Publié le 13/03/2011

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socrate

   Ce texte extrait du Précis de Psychologie de W. James est un des rares passages de l'ouvrage où transparaissent les idées métaphysiques de l'auteur du « Pragmatisme «. Dans un chapitre relatif à la « Fabrication des concepts « James, refusant de choisir entre les nominalistes et les conceptualistes, saisit l'occasion qui lui est offerte de critiquer la « superstition de l'abstrait «. Ce qu'il admire, c'est que « des pensées diverses puissent se fixer sur le même objet «. Quant à la nature plus ou moins abstraite, plus ou moins générale de l'objet en question, elle n'implique nullement pour être saisie un progrès correspondant dans l'échelle des fonctions mentales. L'auteur refuse donc d'admettre que la capacité de parvenir à des notions plus abstraites soit le signe d'un niveau intellectuel plus élevé. De telles indications qui résument à peu près le contexte psychologique du passage proposé à notre explication trouvent leur source bien plutôt que leur aboutissement dans l'idée fondamentale de ce passage lui-même : à savoir le refus de considérer le type de réalité dégagé par le concept* abstrait comme représentatif d'une forme supérieure de l'être. C'est là, en effet, une thèse qu'aucun lien nécessaire ne rattache aux considérations psychologiques exposées ci-dessus, mais qui s'explique en revanche de manière très complète par les idées métaphysiques de James.   

socrate

« reproche de scepticisme contre ceux qui, rejetant les perceptions dans le monde des apparences et transféranttoute la réalité à quelque grand être dissimulé derrière les ombres de la caverne, concluent à une perpétuelleduperie comme s'il était une autre réalité que la série des impressions particulières. De ses occupations de médecin, de ses travaux effectués au laboratoire de Physiologie, James tire également legoût du concret, mais il en tire autre chose encore : le sentiment de la valeur présentée par des expériencesparticulières, par la succession des notations de détail avant toute interprétation unificatrice.

Intuitions du réeldispersées sans doute, fragmentaires et dont la mise en relation seule permettra de tirer une conclusion, mais uneconclusion qui laissera dans une large mesure se perdre la certitude naïve et directe des témoignagesantérieurement obtenus. Or, une telle orientation ramène James à rejoindre la pensée Berkeleyenne par un autre biais.

Pour James commepour Berkeley, l'expérience est foncièrement discontinue ; chaque constatation étant retenue pour elle-même etnon à titre d'élément d'une totalité à venir, ces perceptions dont nous parlions tout à l'heure et qui constituentl'essence des choses, s'individualiseront si bien que l'Univers ne sera plus défini par son unité, mais par la collectiond'expériences dont chacune « n'a besoin que de soi pour exister », expériences non seulement scientifiques, maisaussi bien morales, mystiques, religieuses qui, en l'absence de toute activité de relation, s'isoleront comme autantde substances.

Ce sera là, à la fois, l'empirisme de James, — puisque la Science sera définie par la succession denotations originales, non par leur organisation, — et l'essence de sa philosophie pluraliste, qui brisant le lien entre lesparties de l'Univers tient ce dernier pour multiple radicalement dans son essence. Mais si l'Univers est multiple pour notre action puisqu'il est à chaque instant ce que nous faisons de lui, s'il estmultiple dans sa nature intime en l'absence d'un lien intérieur aux éléments perceptifs, de quel droit parler de lavaleur d'une généralité qui irait au rebours de la Réalité, qui prétendrait rejoindre l'absolu dans l'Un, lorsque Tout estplusieurs, lorsque chaque expérience se définit par son irréductible originalité, et, pour reprendre la grande formulede Lachelier, « absolument indépendante de celle qui la précède, naît de rien, comme un monde ». La racine de toutes ces erreurs se trouve, d'après James, dans la vieille et inexacte définition de la vérité : «Adéquation de l'esprit aux choses ».

Il en résulte qu'une fois achevé le travail de l'esprit, une fois l'équilibre atteintpar la satisfaction de la tendance unificatrice propre à la raison, on expliquera cette impression, somme toutesubjective, d'arrêt nécessaire, par la soumission de l'esprit à la nature d'une Réalité extérieure à elle.

« Le vrai, écritBossuet, coexiste avec l'Etre.

» Mais comment ne pas voir que la conclusion obtenue ainsi est exactement inversede la solution poursuivie et qu'en fait, au lieu de copier la Vérité sur la Réalité, c'est la Réalité qu'on définit par lestraits de la Vérité, c'est-à-dire de la satisfaction mentale.

De là à tenir le Réel pour un, pour abstrait et généraldans son essence comme l'Etre Parménidien, il n'y a qu'un pas, mais on voit combien ce pas est injustifié. Tel est le faisceau de raisons expliquant la critique entreprise par James du primat accordé à l'abstrait etl'étonnement éprouvé par le philosophe américain devant le mépris attaché à la connaissance des chosesparticulières.

On voit que ces raisons tiennent à l'essence même de la thèse pragmatiste.

Discuter leur valeurcommanderait donc une discussion, dans leur ensemble, de la philosophie de l'action et de la métaphysiquepluraliste.

Or il est bien évident qu'une telle analyse critique dépasserait le cadre de notre étude.

Mais tout au moinspouvons-nous peut-être nous demander si les principes invoqués suffisent à justifier pleinement cette suprématiedes connaissances particulières sur les connaissances générales, du multiple sur l'un, que James prétend établir. Et d'abord à une telle suprématie, James n'a pas été tout à fait fidèle.

La réalité conscientielle en effet est un typede réalité auquel l'auteur du Précis de Psychologie ne semble pas avoir eu l'intention d'attribuer une natureexceptionnelle dans le domaine de l'Etre.

Or la conscience n'est-elle pas pour James essentiellement une, n'est-ellepas un courant que nulle coupure ne vient briser ? Il semble bien que James lui-même ait senti une tellecontradiction puisqu'au lieu d'admettre l'unité radicale de la conscience à la manière d'un Bergson, par exemple, il acomposé son courant d'éléments substantifs et d'éléments transitifs, ces derniers, simples instruments de passageentre notions venant trop à point pour dissimuler un pluralisme un peu honteux. En outre, ces perceptions particulières, « ces connaissances vénérables et précieuses » jusqu'à quel point sont-elles si particulières ? Sang doute James, encore une fois à la manière de Berkeley, voudrait-il ne retenir en dehorsde telles perceptions qu'un type de généralité : celui d'une substance hypothétique, idée générale et vide qu'on nesaurait guère qualifier autrement que par des attributs négatifs.

Mais véritablement un psychologue aussimerveilleusement subtil que James pouvait-il oublier que les perceptions dites particulières sont pleines degénéralité, que non seulement, comme l'a fait remarquer Höffding, un objet quelconque est encore une Idéegénérale par sa relation avec l'infinie variété des aspects présentés par cet objet, mais chaque aspect le plus fugitifd'une chose, chaque nuance entrevue par l'artiste sont encore des organisations extrêmement complexes qui, sansl'intervention des catégories les plus générales de la pensée, ne sauraient aboutir à des expériences.

La collectiondes expériences pures, elle ne se trouve ni dans les faits scientifiques, constructions à moitié théoriques delaboratoire, ni dans les notations artistiques imprégnées de jugements de valeur, ni même dans les perceptions lesplus insaisissables de la vie coutumière, mais dans le chaos impensable des sensations. Enfin et surtout si l'action, pour être efficace, ne doit pas se borner à l'application de règles générales, mais adapterla réalisation de telles règles aux modalités des cas particuliers, il n'en est pas moins vrai que la détermination deces règles reste l'essentiel.

Sans doute l'action ne saurait se parfaire que par une adaptation toujours plusrigoureuse au détail de son objet, mais elle ne saurait exister tout court sans une série de recettes générales lui. »

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