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Faut-il arrêter de penser pour être heureux ?

Publié le 27/02/2008

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"Un imbécile heureux" : cette expression suggère que l'absence de pensée serait la condition sine que non pour être heureux, atteindre cet état de satisfaction complète ou nous rien nous manque, ou le corps comme l'esprit se trouvent comblés de façon durable. En effet, penser, activité incessante qui nous caractérise en tant qu'homme, se définit comme un dialogue intérieur, impliquant donc le questionnement d'où naît l'inquiétude et l'angoisse de ne pas pouvoir répondre à tout. Or, l'imbécile, par son inconsciences, ignore ce vertige qui trouble notre esprit : il peut donc jouir l'âme tranquille de ce que la vie lui apporte et atteindrait ainsi ce que les philosophes grecs considèrent comme l'essentiel du bonheur : l'ataraxie, l'absence de trouble de l'âme. Pourtant, en renonçant à penser, ne risque-t-on pas de se fourvoyer dans un bonheur illusoire ou de laisser passer des occasions d'être heureux, faute de ne les reconnaître comme telles? Devons nous alors sérieusement renoncer à penser pour parvenir à un bonheur réel? L'imbécilité est-elle la véritable sagesse, l'authentique chemin à suivre pour accéder enfin au bonheur? En quoi d'abord la pensée est-elle un obstacle justifiant qu'on l'abandonne pour parvenir au bonheur? Pour autant, est-il si évident que l'absence de pensée conduise à coup sûr au bonheur? De quel bonheur l'imbécile est-il capable? S'il ne faut alors pas renoncer à penser, dans quelle mesure cette activité peut-elle être un instrument au service de notre bonheur?

 

La pensée semble être une activité qui rende nécessairement l'homme malheureux, justifiant qu'on y renonce pour être heureux. Pourquoi précisément?

« à une existence malheureuse.

Cependant, peut-on ériger l'absence de pensée en condition impérative du bonheur? Vivre dans l'inconscience, dans l'insouciance absolue, tel l'animal ou l'enfant est définitivement impossible pourl'homme, comme le suggère Nietzsche.

On ne peut vivre dans l'instant pur car nous sommes des être temporels.

Laconscience est en effet "un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé etl'avenir"(Bergson).

Penser, être conscient, ce n'est pas un état, mais un mouvement perpétuel de l'esprit, appuyésur la mémoire, le passé, et anticipant, tendant vers l'avenir.

Nier cette épaisseur de durée qui caractérise enpropre la conscience, reviendrait à nier ce qui nous définit proprement comme humain.

On peu se dire que le"bonheur instantané" de l'enfant ou de l'animal n'a pas de sens, n'existe pas puisqu'il n'est pas pensé et exprimé,connu et reconnu comme tel. Si l'on ne peut réellement renoncer à la pensée, à la conscience, quel sens donner alors à cette injonction? L'hommepeut refuser l'inquiétude de la réflexion, l'angoisse de ne pas voir de réponse en s'en détournant, en se divertissant,par une passion, par une occupation quelconque.

Non pas qu'il ne pense plus, mais il se contente alors de penser àdes choses insignifiantes, qui le distraient, l'amusent plaisamment en occupant son esprit.

Quel bonheur atteint-onalors.? est-il bien réel? Il s'avère que non , car cette renonciation à penser s'apparente à une fuite de soi dans desdésirs inessentiels, dans des plaisirs qui nous réjouissent mais finissent par nous ennuyer, par nous décevoir car ilsn'étaient que prétextes pour occuper notre désir de ne pas faire face au réel, à notre condition.

C'est un bonheurillusoire, rêvé, fantasmé qu'on ne saurait ériger en obligation absolue puisqu'il ne mène pas à un bonheur véritable,tout au plus à un consentement léger qui finira par nous lasser. Mais puisque le bonheur est indéterminé, pourquoi ne pas s'en remettre au divertissement après tout? N'est-ce pasune façon légitime de concevoir le bonheur? Que vaut objectivement ce bonheur? En fuyant les décisionsangoissantes que nous devons pourtant prendre, en ne réfléchissant pas au sens, à la valeur de nos actes et àleurs conséquences, en suivant nos désirs irréfléchis, nous nous remettons alors au hasard, à la chance pour réalisernotre bonheur.

Or la fortune peut aussi être mauvaise.

De plus, nous risquons de faire les mauvais choix, et d'êtreensuite accablés de regrets qui entraîneront notre désespoir, puis de remords, en songeant que "nous aurions du ypenser avant".

En résultera un sentiment d'indignité, de mépris pour soi-même, pour l'inconséquence, la lâcheté dontnous avons fait preuve en ne réfléchissant pas avant d'agir, en renonçant à notre liberté pour la confier au hasard,au jugement des autres ou à nos désirs de jouissance immédiate.

Ce renoncement au fardeau existentiel de laliberté toujours possible conduit à une existence inauthentique, à l'attitude de "mauvaise foi" selon Sartre, ou laconscience se ment à elle-même, fait comme si elle n'était pas libre, au risque de devoir un jour devoir répondre etse repentir de cet abandon.

Il semble dès lors stupide et indigne de préférer une vie livrée entièrement au hasard,fondée sur le mensonge et l'aliénation aux jugements d'autrui à une vie adéquate à notre nature d'être pensant. L'absence de pensée ne peut pas être une condition du bonheur, puisque c'est au sens propre impossible, et quedétourner notre pensée de ce qui est douloureux dans l'existence nous conduit à un bonheur provisoire et illusoire,mensonger, qu'on ne saurait préférer.

Penser se révèle finalement une obligation dans la quête du bonheur.

Dansquelle mesure alors peut-elle être un bon moyen pour nous y conduire? Nous pouvons, par la pensée, nos jugements, apprendre en tout lucidité à nous contenter de notre sort sans céderau désespoir.

L'homme doit travailler à "changer ses désirs plutôt que de l'ordre du monde" comme le noteDescartes, apprendre à ne pas regretter d'être mortel, à ne pas maudire le sort qu'il souffre, tomber malade, carcela fait partie de sa condition.

Ces méditations doivent nous amener à réaliser que certaines choses ne dépendentpas de nos.

Mais si nous ne pouvons les changer matériellement, nous pouvons apprendre à changer notrejugement, notre représentation à leur propos.

C'est ce que recherche Marc-Aurèle dans les Pensées pour soi-même,qui sont des exercices spirituels dont la finalité est de développer la force de caractère, la capacité à accepteravec joie, sans tristesse, ce qui est inéluctable dans l'existence.

Arriver à prendre les choses par humour et légèretéest également un bon exercice de détachement.

La pensée permet donc à l'âme de retrouver la sérénité, le calmeindispensable pour être heureux, et de se concentrer sur ce qui est en notre pouvoir. En outre, l'examen de soi, même s'il ne permet pas de donner une recette universelle pour le bonheur, nous permetde mieux nous connaitre nous-mêmes et de travailler à la recherche de ce qui nous rend heureux personnellement,indépendamment des désirs communs, des conceptions divertissantes et impropres du bonheur.

Que le bonheur soitun idéal de l'imagination ne veut pas dire qu'il soit imaginaire, mais que ces éléments, étant tirés de l'expérience,sont relatifs, particuliers.

Le bonheur ne saurait donc se définir de façon identique pour tous.

Mais on peut, par uneréflexion rationnelle s'efforcer de trouver autant que possible ce qui nous contente vraiment. Enfin, la pensée, placée sous la détermination de la raison, s'efforce de calculer les risques, de prévoir lesconséquences, de mesurer les enjeux des décisions pour agir au mieux, en évitant de repentir.

C'est en recherchantune conduite autonome, gouvernée par la raison, que l'on peut, selon Spinoza parvenir au contentement de soi leplus grand possible.

De l'accomplissement d'un acte libre se dégage" une joie née de ce que l'homme considère sapropre puissance d'agir".. »

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