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Ferdinand Alquié vous semble-t-il avoir bien défini l'amour surréaliste quand il écrit : « L'amour, entendons l'amour passion, prend d'emblée, dans les préoccupations surréalistes, la première place. En lui se retrouvent tous les prestiges de l'Univers, tous les pouvoirs de la conscience, toute l'agitation du sentiment: par lui s'effectue la synthèse suprême du subjectif et de l'objectif, et nous est restitué le ravissement que les déchirements surréalistes semblaient rendre impossible

Publié le 12/04/2009

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amour

Texte riche, qui recouvre un nombre assez important de thèmes relatifs à l'amour surréaliste. L'idée centrale est cependant que l'amour, et donc la femme, constitue pour les surréalistes comme un intercesseur privilégié entre eux et les grandes révélations : « C'est de l'amour que les surréalistes attendent la grande révélation. « On peut distinguer plusieurs niveaux dans cette révélation, niveaux que permet de parcourir successivement le texte d'Alquié : au niveau le plus élémentaire, la femme apparaît comme un intermédiaire avec le monde et ses merveilles, « les prestiges de l'univers «, comme dit Alquié; à un niveau plus profond, elle est la «synthèse «, tout au moins promise et espérée, des grands « déchirements surréalistes « ( « la synthèse suprême du subjectif et de l'objectif «); enfin au terme de l'espoir surréaliste, la femme est peut-être Dieu, ou tout au moins la pierre angulaire du monde. Ainsi se bâtira le plan : I. La femme et les prestiges de l'univers. II. La femme et l'absolu. III. La femme, pierre angulaire du monde.    

amour

« chose que l'eau (p.

99), c'est d'une manière immanente, au niveau d'une nature avec laquelle elle a fait une alliancequasi charnelle : son grand mythe, mythe qui sera repris dans Arcane 17 (p.

64-65, Col.

10/18), c'est celui deMélusine, c'est-à-dire de la femme-serpent qui a fait alliance avec l'univers et est fondamentalement double,Mélusine au-dessous du buste, « en communication providentielle avec les forces élémentaires de la nature », etMélusine au-dessus du buste, « ses bras sont l'âme des ruisseaux qui chantent et parfument».

Bref, la femmetransmet à l'homme l'âme des choses, les grandes forces profondes du monde. 3 Une nature jaillissant à ras du sol.

Mais la femme ne se borne pas à transmettre, elle est aussi la magicienne quifait jaillir : on a l'impression que, dans les yeux de Nadja, le réel s'enflamme.

Nadja est le diable: elle met le feu etrêve d'incendie.

Bien que femme des ruisseaux souterrains, elle est un génie du feu, d'un feu au ras du sol, d'un feuvégétal.

Pour Jacqueline Lamba, le surgissement est plus directement floral, elle fait surgir le tournesol, les plantesdu marché aux fleurs, c'est dans la végétation tropicale des Canaries que l'amour de Breton et de Jacqueline atteintson apogée (cf.

L'Amour fou et aussi le poème intitulé L'Union libre, « Ma femme à la chevelure de feu de bois »,notamment le dernier vers « Aux yeux de niveau d'eau de niveau d'air, de terre et de feu »).

Il semble donc que laplace de la femme dans la nature soit à ce niveau où la flamme se fait végétation, la végétation flamme (thème déjàcher à Apollinaire, cf.

Le Brasier et Fiançailles).

On peut donc se demander dans quelle mesure la femme ne réussitpas à unir des contraires, comme la vie qui crée et le feu qui détruit. II La femme et l'absolu Lorsque Ferdinand Alquié note que la femme est « synthèse suprême du subjectif et de l'objectif », qu'elle faitdisparaître « les déchirements surréalistes », ne lui assigne-t-il pas le rôle si important dans la quête surréaliste de «point suprême » d'où s'abolissent toutes les antinomies? La femme mènerait donc à l'Absolu, si l'on prête à ce motnon pas son sens transcendant et idéaliste, mais son sens étymologique de « complet, qui forme en soi-même untout, qui n'est pas disloqué ».

La femme donne l'impression de pouvoir vivre en dehors des contingences, et surtoutde faire vivre hors d'elles. 1 La liberté des commencements.

La femme est indépendante des contingences parce qu'elle semble naître à toutmoment, elle est liberté pure, commencement surgissement : « Elle va la tête haute, contrairement à tous lesautres passants» (Nadja, p.

71); «Que s'y mire-t-il à la fois obscurément de détresse et lumineusement d'orgueil? »(p.

72); « J'ai pris, du premier au dernier jour, Nadja pour un génie libre» (p.

128).

C'est que la femme se saitéternelle renaissance.

Elle se situe toujours en avant comme l'amour qu'elle propose : du point de vue de l'homme, ledernier visage aimé est toujours le premier, toujours unique, ceci non par frivole donjuanisme, mais parce que c'estla nature même de l'amour (cf.

L'Amour fou, p.

10.

Gallimard). 2 Le hasard objectif.

Découvrir l'amour d'une femme, c'est en effet obtenir miraculeusement la rencontre entre lanécessité intérieure de celui qui aime, et une nécessité extérieure et naturelle, c'est réconcilier la Nature et laPersonne, l'objectif et le subjectif, comme dit Alquié.

En d'autres termes, dans son état habituel l'homme al'impression que les lois de son monde mental sont indépendantes de celles du monde naturel; aimer, c'est avoir labrusque impression que cette double série de lois vient à coïncider : l'existence se met à vivre par la grâce d'un êtresur le même rythme que le monde mental.

Aussi Breton ne demande pas à la femme aimée de nouvelles idées, nesollicite pas d'elle un nouveau secret spirituel, mais n'attend d'elle que d'être une existence dont l'objectivité rejointsa subjectivité à lui, Breton.

D'où la fameuse phrase de Breton à X (Nadja, p.

183): «Tu n'es pas une énigme pourmoi.

Je dis que tu me détournes pour toujours de l'énigme.

» La femme n'est pas énigme, en dépit de son ambiguïté,parce qu'elle ne renvoie à rien d'autre qu'elle-même, réconciliant d'une manière tangible la Nature et l'Esprit.

Ce queHegel voyait pour la fin des temps, Breton prétend le trouver dans son existence par l'amour. 3 La perpétuelle promesse.

Cependant la réconciliation n'est jamais vraiment totale (s'il en était autrement, Bretonn'irait pas de Nadja à X, de X à Jacqueline, de Jacqueline à Élisa), il subsiste toujours une énigme ou, si l'on veut, lafemme est toujours promesse d'autre chose qu'elle-même, elle sécrète en permanence des mythes non encoreréalisés : Breton rencontre Nadja dans la rue et la « reconnaît » brusquement comme s'il l'avait toujours connue,mais il n'a jamais rencontré cette femme nue dans un bois qui aurait arrêté le temps et mis fin à la quête littérairede Breton.

Donc Nadja fait rêver de la femme nue, mais elle n'est pas la femme nue dans un bois, elle se borne àrenvoyer au mythe de la forêt amoureuse ou de l'amante silve sans être elle-même ce mythe.

De même Élisa n'estpas Mélusine, mais renvoie au mythe de Mélusine.

Donc une fois de plus (une fois de plus depuis Platon), l'amourapparaît comme promesse d'autre chose, révélation de désirs profonds, plus que satisfaction de ces désirs.

Une foisde plus donc l'amour débouche sur une esthétique : la femme comme le beau est ce qui promet, mais, suivant lafameuse formule de Claudel, c'est la promesse qui ne peut être tenue. 4 La théorie de la beauté.

Pourtant cette promesse, à la différence de la promesse platonicienne, ne renvoie pas àun monde supérieur et antérieur, à ce « Ciel antérieur où fleurit la beauté », dont parle Baudelaire, elle ne renvoiequ'à nos désirs et à nos passions.

Contrairement à l'idée que s'en fait Baudelaire, la femme a apporté à Breton laconviction que la beauté est passionnelle, c'est-à-dire naturelle.

D'où les grandes images de L'Amour foureprésentant une passion fixée, saisie, immobilisée sans perdre son élan: la locomotive bloquée dans la forêt vierge,(p.

13), les cristaux, les coraux, les cactus (poussée sauvage qui semble immobile à force de lenteur de la part de lanature).

Nous reviendrons à propos du sujet n° 58 sur ces caractéristiques de la beauté surréaliste, mais nousvoulons citer tout de suite quelques lignes de la très pertinente analyse de Simone de Beauvoir dans Le Deuxièmesexe, parce que ces lignes montrent bien les rapports de la femme et du beau chez les surréalistes (Gallimard, 1949,tome I.

p.

359-361): « Cette femme unique, à la fois charnelle et artificielle, naturelle et humaine, a le même. »

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