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Introduction philo des sciences. Commentaire_Henri Poincaré, La Science et l’hypothèse. pp.159-161

Publié le 02/05/2014

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Commentaire : Henri Poincaré, La Science et l'hypothèse. pp.159-161 « Les faits tout nus ne sauraient donc nous suffire... ». Dans une ouverture vigoureuse, le passage des pages 159-161, semble reprendre une des principales thèses de La Science et l'hypothèse en attaquant un réalisme naïf pour qui les lois sont des relations entre propriétés objectives, conçues comme des universaux et possèdent la permanence d'une « réalité en soi » indépendamment de toute observation. Pour autant la variété et la richesse des positions de Poincaré, ont pu justement être qualifiées de réalisme structural et Poincaré soutient explicitement, dans le texte suivant, que les faits ont une existence indépendante de notre esprit : "Les faits sont les faits, et s'il arrive qu'ils soient conformes à une prédiction, ce n'est pas un effet de notre libre activité (...).Tout ce que crée le savant dans un fait, c'est le langage dans lequel il l'énonce" (Poincaré, La valeur de la science). Le présent texte, qui met en jeu plusieurs thèses révélant le foisonnement des idées en accord avec les révolutions scientifiques majeures de l'époque, invite à parcourir quantité de notions, objet de débats et recherches passionnés avec ses contemporains (Duhem, Russell, Nicod) et entre scientifiques et philosophes postérieurs. Une lecture cursive, interrogeant l'environnement historique de production des idées de Poincaré et dans la mesure du possible la réception qui en a été faite devrait permettre d'évoquer les différentes thèses auxquelles Poincaré s'est opposé ou qu'il a adoptées, sous certaines conditions toujours, et à l'image des philosophes de l'antiquité plus dans une démarche pragmatique de réponses à des questions actuelles que dans une démarche doctrinale. Si Poincaré affirme que « les faits tout nus ne sauraient donc nous suffire ; c'est pourquoi il nous faut la science ordonnée ou plutôt organisée », c'est d'abord, en suivant l'insertion du texte dans son contexte immédiat, qu'aussi intéressant que soit la connaissance du fait en elle-même, elle ne constitue pas une connaissance généralisable, en soi et son intérêt scientifique s'accroît dans la mesure où le fait nous permet de connaître autre chose que lui-même en tant que fait isolé. Ainsi une bonne expérience sera « celle qui nous permet de prévoir, c'est à dire celle qui nous permet de généraliser. Car sans généralisation, la prévision est impossible. » Les faits sont donc nécessaires mais non suffisants; le chapitre IX «Les hypothèses en physique  », dans lequel se trouve notre texte et qui ouvre la quatrième et dernière partie de La science et l'hypothèse consacrée à la nature, l'explique de la façon la plus simple et imagée qui soit : « On fait la science avec des faits comme une maison avec des pierres, mais une accumulation de faits n'est pas plus une science qu'un tas de pierre n'est une maison ». Plusieurs idées rejoignent ce thème  à commencer par celui, clairement énoncé de la conception du monde, du langage, des idées préconçues et de la salutaire concurrence de théories contradictoires. En découle alors, de façon moins directement évidente l'idée de ce que la construction repose avant tout sur la structuration qui met en rapport les matériaux. L'objet de la science n'est pas tant le matériau isolé que les rapports entre les choses. De la prééminence des relations et des structures résulte par ailleurs que si l'accumulation n'est pas une méthodologie scientifique, la progression de la science fait que les théories, même après leur réfutation par les bâtisseurs peuvent s'avérer des pierres angulaires en ce que les rapports exprimés par des équations dans l'une, celle de Fresnel par exemple qui attribuait la lumière aux mouvements de l'éther, restent vrais malgré le changement théorique, comme le passage à la théorie de Maxwell dans l'exemple . Dès l'introduction, La Science et l'hypothèse dénonce l'in-faillibilisme des «  gens du monde », observateurs superficiels pour qui la vérité scientifique est hors d'atteinte du doute, la logique de la science infaillible, les erreurs éventuelles des savants venant de leur méconnaissance des règles. Les vérités mathématiques ne s'imposent pas à la nature, laissant un choix entre des solutions relativement peu nombreuses pour permettre l'accès à une compréhension de l'univers (ou au moins 'un coin de l'univers ') à partir de déductions mathématiques impeccables tirées de quelques expériences ; bien au contraire derrière un même phénomène une multitude d'explications sont possibles et toute explication repose sur une hypothèse dont le choix est déterminant. Poincaré distingue 3 sortes d'hypothèses : celles qui sont vérifiables, reconnues « vérités fécondes » une fois confirmées par l'expérience, d'autres, non littéralement vraies quoique sans pouvoir nous induire en erreur, sont utiles en ce qu'elles permettent de décrire des phénomènes qui eux sont vrais ; d'autres enfin (hypothèses mathématiques surtout) plus que de véritables hypothèses sont des définitions ou « conventions déguisées ». Le réel ne se transforme pas au fur et à mesure des révolutions scientifiques et qu'elles soient ou non confirmées par l'expérience, les généralisations issues des hypothèses du troisième type seront fécondes (pour peu qu'elles soient suffisamment peu nombreuses et identifiables de façon isolées pour savoir quelles prémisses sont condamnées ou validées) en ce qu'elles sont susceptibles d'atteindre un invariant objectif dont la connaissance sera lue comme permettant un progrès cumulatif de la science : «  au premier abord les théories nous semblent fragiles, et l'histoire de la science nous prouve qu'elles sont éphémères : elles ne meurent pas tout entière pourtant, et de chacune d'elles il reste quelque chose » (SH26). Chaque science détermine le type d'hypothèse et le langage nécessaire à son exercice et la portée des conventions ne sera pas identique en géométrie, en mécanique ou en mathématiques. Quel que soit le fait observé il faut pouvoir en tirer une conclusion, une explication qui aura recours à l'hypothèse, au raisonnement et au langage : « sauf à méconnaître complétement le véritable caractère de la science », l'hypothèse est inéluctable lorsque l'on interroge la nature et la rigueur du raisonnement scientifique comme celle de la convention. L'expérience qui nous permet de prévoir doit non seulement être généralisée mais cette généralisation même vient de ce qu'elle est adaptée, corrigée (par exemple dans l'interpolation de points à partir de points isolés donnés par l'expérience en réunissant ceux-ci par un trait continu). Un fait peut se généraliser d'une infinité de manière, un choix est nécessaire et la commodité oriente le choix vers la simplicité (dans l'interpolation pour tracer un trait continu entre les points donnés par l'observation on évitera par exemple les zigzags, les points anguleux). Dans une réponse aux critiques de Russell sur son ouvrage, Poincaré précise : « pour qu'une question ait un sens, il faut qu'on puisse concevoir une réponse qui ait un sens ». Or cette réponse ne peut qu'être faite avec des mots, et donc un langage extérieur aux choses réelles. Une preuve elle-même ne semble pas insuffisante de manière générale à fournir une compréhension globale d'une théorie : « Dans les édifices élevés par nos maîtres, à quoi bon admirer l'oeuvre du maçon si nous ne pouvons comprendre le plan d'architecte ? ». Non seulement il serait stérile mais surtout il est impossible d'expérimenter sans idées préconçues, dans la mesure où nous ne pouvons nous défaire de notre conception du monde, nous passer du langage, pétri d'idées préconçues, inconscientes qui plus est. La conception rationaliste selon laquelle la géométrie relèverait de connaissance a priori, est l'exemple pris par Poincaré pour affirmer que les axiomes géométriques sont des conventions : ils ne sont ni des principes intangibles évidents par eux mêmes ( une géométrie différente de celle d'Euclide serait impossible) ni des jugements synthétiques a priori ( ils s'imposeraient à nous avec une telle force qu'aucune proposition contraire ne serait concevable, les géométries non euclidiennes seraient impossibles) ni des faits expérimentaux ( la géométrie ne constituerait pas une science exacte mais serait soumise à une continuelle révision et « serait dès aujourd'hui convaincue d'erreur ») ; « les axiomes géométriques sont des conventions (...) notre choix, parmi toutes les conventions possibles est guidé par les faits expérimentaux ; mais il est libre et n'est limité que par la nécessité d'éviter toute contradiction. » ainsi « les postulats peuvent rester rigoureusement vrais quand même les lois expérimentales qui ont déterminé leur adoption ne sont qu'approximatives. Les axiomes de la géométrie ne sont que des définitions déguisées. »  Mais si les principes de la géométrie ne sont que des conventions, celles-ci ne sont pas arbitraires (ce n'est pas parce qu'on est libre de choisir que ce choix s'effectue sans raison) et « transportés dans un autre monde (que j'appelle le monde non euclidien) (...) nous aurions été amenés à en adopter d'autres. ». Le terme de convention désigne aussi un consensus sur des normes. Les idées préconçues inconscientes sont mille fois plus dangereuses que les autres, à l'instar de la vérité a priori ou expérimentale de la géométrie euclidienne ; fondée sur l'idée que la géométrie décrit la structure de l'espace en soi, elle sous entend une idée absolue, substantielle, de l'espace lui-même. L'utilisation d'autres langages ou conventions fait effet d'antidote : Il s'agit d'envisager deux théories contradictoires : deux géométries (Euclidienne et Lobatchevskienne), deux hypothèses (la terre tourne ou ne tourne pas), théories (Fresnel et Maxwell) en établissant leur équivalence du point de vue empirique (prédiction des mêmes phénomènes) ou structurel (analogie des rapports). Chacune peut être rigoureusement vraie pour son compte, c'est vouloir les départager qui « ne peut se poser » (SH 96), mais une théorie, une géométrie, une hypothèse peut être plus commode que l'autre (« il est plus commode de supposer que la terre tourne » (SH 76). Dès lors la question de savoir si la géométrie euclidienne est vraie n'a aucun sens. Une géométrie ne peut pas être plus vraie qu'une autre ; elle peut seulement être plus commode (à la fois car plus simple et parce qu'elle s'accorde avec nos possibilités de fabriquer des instruments de mesure). Elie During souligne l'influence de Poincaré sur les empiristes logiques et certains membres du cercle de Vienne ( Carnap, Schlick, Reichenbach) mais aussi Wittgenstein en écrivant « (qu') en tant que définitions déguisées, les axiomes expriment notre détermination à utiliser les mots d'une certaine manière, par exemple à ne jamais appeler triangle une figure dont la somme des angles est différente de deux angles droits » ; Il cite Schlick : « la géométrie est la grammaire du langage dans lequel nous décrivons les relations spatiales de la physique ». Notons néanmoins que Poincaré réfute un conventionnalisme global qui s'étendrait non seulement aux principes de la physique ou de la métrique mais à toutes les lois possibles. Selon Jules Vuillemin (SH, préface p 8) Poincaré montre que les conventions sont fondamentales dans le domaine moyen de la Géométrie et de la Mécanique rationnelle, mais que leur importance diminue tant dans le domaine de l'Arithmétique et de l'Analyse que dans le domaine expérimental de la Physique. En cela il se distingue de la position de Duhem de sous détermination de la théorie par l'expérience (ou de ce que nous appellerions aujourd'hui l'imprégnation théorique de l'expérience) et l'impossibilité d'une expérience cruciale (Poincaré cite au contraire l'Experimentum crucis de Francis Bacon au sujet des expériences d'un vrai maître comme Pasteur p 158). Si le rôle du langage est prépondérant en Géométrie (Exemple, à propos des axiomes spéciaux à la géométrie utilisés dans les géométries non euclidiennes, du dictionnaire permettant de 'traduire' les théorèmes de Lobatchevski en théorèmes de la géométrie ordinaire du genre « si un triangle curviligne a pour côté des arcs de cercle qui prolongés iraient couper orthogonalement le plan fondamental, la somme des angles de ce triangle curviligne sera plus petit que deux droits »); le rôle du langage est également prépondérant en Mécanique (la loi d'accélération et la règle de composition des sont des conventions non arbitraires), par contre c'est la puissance de l'esprit qui est responsable de la connaissance en Mathématiques pures. Dans le domaine expérimental de la physique ce sont les lois objectives plus que les conventions qui ouvrent l'accès à la connaissance, les hypothèses vraiment physiques consistent dans les lois de la nature. Mais en physique la généralité inductive « est toujours incertaine, parce qu'elle repose sur la croyance à un ordre général de l'univers, ordre qui est en dehors de nous. » L'induction mathématique, c'est à dire la démonstration par récurrence, s'impose au contraire nécessairement, parce qu'elle n'est que l'affirmation d'une propriété de l'esprit lui-même. (L'esprit a une intuition directe de sa puissance : il se sait capable de concevoir une répétition infinie d'un même acte dès que cet acte est une fois possible. L'expérience ne peut être pour lui qu'une occasion de s'en servir et par là d'en prendre conscience.). Le raisonnement par induction complète permet à la fois généralisation et ampliation des connaissances en produisant des vérités nouvelles que les prémisses ne contiennent pas analytiquement. «(...) grâce à la généralisation, chaque fait observé nous en fait prévoir un grand nombre, nous ne devons pas oublier que le premier seul est certain, que tous les autres ne sont que probables. Si solidement assise que puisse nous paraître une prévision, nous ne sommes jamais absolument sûrs que l'expérience ne la démentira pas. Mais la probabilité est généralement assez grande pour que pratiquement nous puissions nous en contenter. » Mieux vaut prévoir sans certitude que pas du tout. Toute généralisation étant une hypothèse, elle devra être dès que possible soumise à la vérification et l'unique critère de vérité sera l'accord avec l'expérience. Toutefois l'absolu manque de moyen de vérifications comparé à l'immensité des faits à prévoir implique de tirer  « de chaque expérience le plus grand nombre possible de prévisions et avec le plus haut degré de probabilité qu'il se pourra. Le problème est (...) d'augmenter le rendement de la machine scientifique. » Le lien de la science avec le réel mobilise dans la première partie du texte plusieurs positions quant à l'hypothèse, au langage, aux conventions, à l'expérience autour de l'idée que les faits tous nus ne sauraient nous suffire, mais les principes théoriques en eux mêmes n'apportent pas davantage d'information ; les vraies connaissances, que la théorie représente le mieux possible, viennent de l'expérience. Il nous faut bien la  science ordonnée ou plutôt organisée. La métaphore de la bibliothèque, relative au rapport de la physique expérimentale et de la physique mathématique reprend l'idée de ce que seule la physique expérimentale permet d'accroître la connaissance mais la physique mathématique est nécessaire non seulement « parce que l'on a à exprimer des lois numériques ; c'est parce que le phénomène observable est dû à la superposition d'un grand nombre de phénomènes élémentaires tous semblables entre eux ; ainsi s'introduisent tout naturellement les équations différentielles. » Les efforts des savants ont toujours tendu à résoudre les problèmes complexes donnés par l'expérience en un nombre très grand de phénomènes élémentaires (au lieu d'étudier toute la succession des phénomènes, en décomposant le phénomène dans le temps, reliant chaque instant à l'instant immédiatement antérieure ce qui permet d'écrire simplement « l'équation différentielle », en décomposant le phénomène dans l'espace afin de discerner le phénomène élémentaire localisable dans une région très petite de l'espace ou en décomposant le mouvement en mouvements simples ou à l'action de corps isolé). Le meilleur moyen d'arriver au phénomène élémentaire serait l'expérience mais ce n'est pas toujours possible et l'esprit doit devancer l'expérience en se laissant guider par l'instinct et la facilité. La connaissance du fait élémentaire permet de mettre le problème en équation et à en déduire le fait complexe observable et vérifiable par l'intégration mathématique qui permet de deviner le résultat d'une combinaison sans avoir à refaire cette combinaison pièce par pièce, elles évitent la répétition d'une même opération par une sorte d'induction. Mais cela est possible quand les phénomènes élémentaires que l'on combine obéissent à une même loi (combinaison du semblable au semblable). Dans la métaphore de la bibliothèque la physique mathématique aidera le lecteur à se servir des richesses de connaissances déjà accumulées et guidera la généralisation, laquelle peut se faire d'une infinité de manière. Nous avons vu plus haut que ce choix est guidé par la simplicité (cf. interpolation). Deux autres idées appuient la vision présentée par ce court texte : la première a trait aux probabilités qui impliquent d'admettre comme point de départ une hypothèse ou convention qui comporte toujours un certain degré d'arbitraire et requièrent par ailleurs la théorie des erreurs, laquelle implique de distinguer les erreurs systématiques, instrumentales notamment, et les erreurs accidentelles,. Cette question permet d'évoquer au moins la question holiste qui sera développée par Duhem, et la théorie de la réfutation ou de la confirmation. La seconde idée qui parcourt ce texte de façon sous-jacente, est celle que l'objet de la science n'est pas tant le matériau isolé que les rapports entre les choses, idée essentielle qui se retrouve à plusieurs reprises dans La Science et l'hypothèse. De la prééminence des relations et des structures résulte que si l'accumulation n'est pas une méthodologie scientifique, la progression de la science fait que les théories, même après leur réfutation par les bâtisseurs peuvent s'avérer des pierres angulaires en ce que les rapports exprimés par des équations dans l'une, celle de Fresnel par exemple qui attribuait la lumière aux mouvements de l'éther, restent vrais malgré le changement théorique, comme le passage à la théorie de Maxwell dans l'exemple : Les équations « nous apprennent, après comme avant, qu'il y a tel rapport entre quelque chose et quelque autre chose ; seulement ce quelque chose nous l'appelions autrefois mouvement, nous l'appelons maintenant courant électrique. Mais ces appellations n'étaient que des images substituées aux objets réels que la nature nous cachera éternellement. Les rapports véritables entre ces objets réels sont la seule réalité que nous puissions atteindre, et la seule condition, c'est qu'il y ait les mêmes rapports entre ces objets qu'entre les images que nous sommes forcés de mettre à leur place. » Des théories que l'on croyait définitivement condamnées par l'expérience « renaissent tout à coup de leurs cendres » car « elles exprimaient des rapports vrais et qu'elles n'avaient pas cessé de le faire quand nous avions cru devoir énoncer les mêmes rapports dans un autre langage. Elles avaient ainsi conservé une sorte de vie latente », telles les fluides de Coulomb, ridiculisés qui ont ressurgit de façon inattendue sous le nom d'électrons.  D'autres, comme le principe de Carnot, établies en partant d'hypothèses fausses pourront ainsi exprimer, à côté de rapports véritables, des rapports inexacts « débris de vieilles idées » qui seront émondés comme des branches mortes, « mais leur forme (c'est à dire l'essentiel) demeurait correcte. ». Les penseurs du cercle de Vienne, sur qui l'influence de Poincaré est importante, théoriseront une vision assez unanime selon laquelle l'histoire des sciences est cumulative, les connaissances acquises au cours du temps servant de base aux progrès futurs. Russell a d'abord critiqué la position de ce que notre connaissance est celle de structures non d'objets ou de qualités, avant de s'y rallier (SH, Introduction de Jules Vuillemin p 18). Des différences notables subsistent entre les deux scientifiques ; citons à titre d'exemple l'idée de ce que la science ne connaît que les relations entre les choses et non les choses elles mêmes : pour Poincaré elle dépend du fait qu'une assertion sur les choses est dépourvue de signification, alors que pour Russell, elle est affaire de psychologie et dépourvue de vérité objective. Ce « rendement de la science » sur lequel se clôture le texte est donc une démarche continue qui fait sonner comme bien injustifié le reproche qui a pu être fait à Poincaré de confirmer la « faillite de la science » ou d'élaborer une construction théorique «  sans aucun lien avec la réalité » . Autant le « réalisme naïf des « gens du monde » et le dogmatisme sûr de son accès à la véritable nature des choses sont mis à mal par sa présentation de l'importance des conventions, du langage , du pragmatisme (choix de la commodité et simplicité), autant le scepticisme n'est pas davantage justifiable et Poincaré affirme que «  douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes, qui l'une et l'autre nous dispensent de réfléchir. » Et comme nous l'avons vu l'histoire de la science nous prouve que les théories sont éphémères mais qu'elles ne meurent pas tout entière pourtant et de chacune d'elles il reste quelque chose. La succession des révolutions scientifiques fait que « chaque siècle se moquait du précédent, l'accusant d'avoir généralisé trop vite et trop naïvement , Descartes se moquait des ioniens ; Descartes à son tour nous fait sourire ; sans aucun doute nos fils riront de nous quelque jour.» écrivait Poincaré en introduction de La Science et l'hypothèse, mais comme disait Einstein avec qui il a travaillé : « Quiconque prétend s'ériger en juge de la vérité et du savoir s'expose à périr sous les éclats de rire des dieux puisque nous ignorons comment sont réellement les choses et que nous n'en connaissons que la représentation que nous en faisons. »

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