J'ai dit: "Mort aux vaches!
Publié le 04/11/2013
Extrait du document
«
chef
del'hôpital Ambroise−Paré, unprince delascience etun homme dumonde, acrié: "Mort auxvaches!" nous
sommes bienforcés dereconnaître queMatra estenproie àla maladie del'obsession, et,sile terme n'estpastrop fort,
au délire delapersécution.
"Et alors même queCrainquebille auraitcrié:"Mort auxvaches!" ilresterait àsavoir sice mot a,dans sabouche, le
caractère d'undélit.
Crainquebille estl'enfant natureld'unemarchande ambulante, perdued'inconduite etde boisson, il
est néalcoolique.
Vouslevoyez iciabruti parsoixante ansdemisère.
Messieurs, vousdirez qu'ilestirresponsable."
Maître Lemerle s'assitetM.
leprésident Bourriche lutentre sesdents unjugement quicondamnait JérômeCrainquebille
à quinze joursdeprison etcinquante francsd'amende.
Letribunal avaitfondé saconviction surletémoignage del'agent
Matra.
Mené parleslongs couloirs sombres duPalais, Crainquebille ressentitunimmense besoindesympathie.
Ilse tourna vers
le garde deParis quileconduisait etl'appela troisfois:
"Cipal!...
Cipal!...Hein?cipal!..."
Et ilsoupira:
"Il ya seulement quinzejours,sion m'avait ditqu'il m'arriverait cequ'il m'arrive!..."
Puis ilfit cette réflexion:
"Ils parlent tropvite, cesmessieurs.
Ilsparlent bien,maisilsparlent tropvite.
Onpeut pass'expliquer aveceux...
Cipal,
vous trouvez pasqu'ils parlent tropvite?"
Mais lesoldat marchait sansrépondre nitourner latête.
Crainquebille luidemanda:
"Pourquoi quevous merépondez pas?"
Et lesoldat gardalesilence.
EtCrainquebille luidit avec amertume:
"On parle bienàun chien.
Pourquoi quevous meparlez pas?Vous ouvrez jamaislabouche avezdonc paspeur qu'elle
pue?"
IV.
APOLOGIE POURM.LEPRÉSIDENT BOURRICHE
Quelques
curieuxetdeux outrois avocats quittèrent l'audienceaprèslalecture del'arrêt, quanddéjàlegreffier appelait
une autre cause.
Ceuxquisortaient nefaisaient pointderéflexion surl'affaire Crainquebille quineles avait guère
intéressés, etàlaquelle ilsne songeaient plus.SeulM.Jean Lermite, graveuràIV.
APOLOGIE POURM.LEPRÉSIDENT
BOURRICHE
8
Crainquebille, Putois,Riquetetplusieurs autresrécitsprofitables l'eau−forte, quiétait venu d'aventure auPalais, méditait
sur cequ'il venait devoir etd'entendre.
Passant sonbras surl'épaule demaître Joseph Aubarrée:
"Ce dont ilfaut louer leprésident Bourriche, luidit−il, c'estd'avoir susedéfendre desvaines curiosités del'esprit etse
garder decet orgueil intellectuel quiveut toutconnaître.
Enopposant l'uneàl'autre lesdépositions contradictoires de
l'agent Matraetdu docteur DavidMatthieu, lejuge serait entrédansunevoie oùl'on nerencontre queledoute et
l'incertitude.
Laméthode quiconsiste àexaminer lesfaits selon lesrègles delacritique estinconciliable aveclabonne
administration delajustice.
Sile magistrat avaitl'imprudence desuivre cetteméthode, sesjugements dépendraient desa
sagacité personnelle, quileplus souvent estpetite, etde l'infirmité humaine,quiestconstante.
Quelleenserait
l'autorité? Onnepeut nierquelaméthode historique esttout àfait impropre àlui procurer lescertitudes dontila besoin.
Il suffit derappeler l'aventure deWalter Raleigh.
"Un jour queWalter Raleigh, enfermé àla Tour deLondres, travaillait, selonsacoutume, àla seconde partiedeson
Histoire duMonde, unerixeéclata soussafenêtre.
Ilalla regarder cesgens quisequerellaient, etquand ilse remit au
travail, ilpensait lesavoir trèsbien observés.
Maislelendemain, ayantparlédecette affaire àun deses amis quiyavait
été présent etqui même yavait prispart, ilfut contredit parcetami surtous lespoints.
Réfléchissant alorsàla difficulté
de connaître lavérité surdes événements lointains,quandilavait puseméprendre surcequi sepassait soussesyeux, il
jeta aufeu lemanuscrit deson histoire.
"Si les juges avaient lesmêmes scrupules queSirWalter Raleigh, ilsjetteraient aufeu toutes leursinstructions.
Etils n'en
ont pas ledroit.
Ceserait deleur part undéni dejustice, uncrime.
Ilfaut renoncer àsavoir, maisilne faut pasrenoncer à
juger.
Ceuxquiveulent quelesarrêts destribunaux soientfondés surlarecherche méthodique desfaits sont de
dangereux sophistesetdes ennemis perfidesdelajustice civileetde lajustice militaire.
Leprésident Bourriche al'esprit
trop juridique pourfairedépendre sessentences delaraison etde lascience dontlesconclusions sontsujettes à
d'éternelles disputes.Illes fonde surdes dogmes etles assied surlatradition, ensorte quesesjugements égalenten
autorité lescommandements del'Église.
Sessentences sontcanoniques.
J'entendsqu'illestire d'un certain nombre de
sacrés canons.
Voyez,parexemple, qu'ilclasse lestémoignages nond'après lescaractères incertainsettrompeurs dela
vraisemblance etde l'humaine vérité,maisd'après descaractères intrinsèques, permanentsetmanifestes.
Illes pèse au
poids desarmes.
Ya−t−il riendeplus simple etde plus sage àla fois? Iltient pour irréfutable letémoignage d'ungardien.
»
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