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La liberté de penser consiste-t-elle à penser n'importe quoi ?

Publié le 01/02/2004

Extrait du document

Angle d’analyse

La liberté de penser est revendiquée comme un droit, que ce soit au sein d’une communauté (famille, entreprise, etc.), ou à l’intérieur d’un Etat. Tous les totalitarismes impliquent la volonté du pouvoir de contrôler les esprits, de nier la liberté individuelle jusqu’à sa racine la plus profonde, la liberté de penser. En dépit de l’enjeu politique manifeste qu’elle représente, la notion de liberté de penser n’est pas si aisée à comprendre, dès lors qu’on cherche à la distinguer de la liberté d’expression. On sait parfaitement comment l’Etat peut contrôler les différents moyens d’expression (les médias). Mais comme expliquer l’idée d’un contrôle exercé sur cette activité intérieure et muette de chacun qu’est la pensée ?  On se rend compte, à travers le « consiste-elle « que c’est la question de la définition précise et légitime de la liberté de penser en tant que telle qui est en jeu dans cette question. Il s’agit donc de savoir si notre capacité à penser tout et n’importe quoi correspond, par excellence, à ce qu’on appelle (et ce à quoi on tient tant)  « liberté de penser «.  C’est donc la définition de la liberté de penser, conformément à son essence, qui est ici mise à la question. Si effectivement, cette capacité technique qui fait que je peux penser tout et n’importe quoi (même finalement ce que je ne pense pas réellement…) témoigne d’une liberté, définie comme une capacité infinie de la volonté qui peut se déterminer pour « tout et n’importe quoi « justement, est-ce pour autant l’expression l’essence de la liberté de penser. Il faut ainsi rappeler qu’on peut difficilement séparer, même si elles sont distinctes, la liberté de penser et la liberté d’expression. Car en effet, notre liberté de penser ne prend vraiment sens et forme que pour autant qu’on peut l’exprimer. Or dire tout et n’importe quoi, de manière indifférente, est-ce que cela prouve, de manière effective, que je suis libre de penser ? Problématique     On s’interroge ici clairement sur la définition de la liberté de penser. Il s’agit de savoir si cette dernière réside, comme on le pense communément, dans une capacité à penser tout et n’importe quoi de manière indifférente. Peut-on, en droit, définir cette liberté si fondamentale et si chère à l’individu, comme le pouvoir penser tout ce qu’on veut, indifféremment ? N’est-ce pas bien au contraire une négation de cette liberté de penser que d’en faire une simple capacité du « tout et n’importe quoi « ? N’est-ce pas dans la réflexion de la pensée sur elle-même que s’exprime le plus essentiellement notre liberté de penser ?

« y a de liberté et moins il y a de sécurité.

Pourtant il n'est pas vrai non plus que l'on puisse sacrifier la liberté au nomde la sécurité.Plus près de nous, l'exemple des sectes nous donne à réfléchir à l'égard de la liberté de penser.

Penser ce que l'onveut est une chose, l'imposer aux autres en est une autre.

De manière générale, on mesure bien le danger qu'il y a àautoriser toute pensée à délirer et à divulguer son délire.

La pensée, lorsqu'elle est publique, est comme l'acte : elledoit tomber sous le coup de la loi.

La loi n'est pas nécessairement juridique, elle peut être aussi morale.

Ce sont lesreligions qui condamnent les « mauvaises pensées ».

Le croyant risque de tomber sous le coup de la faute s'ilconfond liberté et licence, pensée de l'autre et convoitise de l'autre.

La religion soumet donc la liberté de penser àun droit de regard du confesseur.

Dans la religion catholique par exemple, la mauvaise pensée est appelée «péché »,exactement au même titre que l'action et que l'omission, lorsqu'elles sont dénaturées.L'aspect moral d'une limitation de la pensée débouche sur la culpabilité lorsqu'une mauvaise pensée est entretenueavec délice dans le secret d'une interdiction transgressée.

Sous le regard de Dieu, il serait donc possible de secompromettre en faisant un usage libre de notre pensée.

Pourtant, la spiritualité est parfois considérée elle-mêmecomme l'illustration d'une pensée à ce point libre qu'elle va jusqu'à inventer une instance divine supérieure (cf.Nietzsche).

[III.

La liberté de penser est pourtant nécessaire] Condamner une mauvaise pensée, garantir la sécurité de tous, c'est important.

Mais l'homme ne doit pas sous-estimer la faculté de donner libre cours à une pensée, quand bien même celle-ci serait condamnable puisqu'elle peuts'avérer être libératrice et finalement curative.

La psychanalyse nous offre l'exemple d'une guérison par la parole quipasse nécessairement par une pensée à ce point libre qu'elle doit pouvoir échapper à tout contrôle et toutecensure.

Le principe de l'« association libre » consiste à laisser le patient s'exprimer sans aucune espèce de retenue,afin que son discours puisse révéler malgré lui un sens caché qui sera peut-être l'expression même d'un traumatisme.Ici, la liberté de penser sans mesure ni tabou, est condition de possibilité de toute guérison.

La pensée devient alorslibératrice et permet au patient de livrer les mystères et les secrets de son inconscient, sans que lui-même puisseavoir une quelconque maîtrise de son discours.

Refuser à la pensée la possibilité de se libérer, c'est accentuer,augmenter et finalement aggraver le refoulement.

Le refoulement est une défense face à un traumatisme qui, loin desoulager le patient, finit par aggraver l'abcès.

On comprend donc qu'il est urgent dans ces cas-là de laisser lepatient user de la liberté de penser ce qu'il veut, ce qui lui plaît.

Certains diront qu'ici la volonté n'est pas l'oeuvred'une vigilance consciente, mais qu'elle est le fruit d'une sélection inconsciente.

Quoi qu'il en soit, la liberté depenser ce que l'on veut s'apparente dans son principe à un remède.

La liberté de penser est donc salutairepuisqu'elle vient soulager celui qui souffre.

La pensée peut en effet être source de souffrance au point de perturberl'équilibre psychique d'un individu.

Du reste, exercer librement sa faculté de penser, son imagination, c'est garantir labonne constitution d'une identité, d'une personnalité.Enfin, n'oublions pas qu'une pensée de l'absurde est parfois digne de l'éloge.

La pensée peut être de deux sortes :elle peut être logique pour former un raisonnement, mais elle peut être aussi intuitive, poétique et créative.

En cesens, elle échappera à toute rationalité.

Les courants artistiques, tel que le surréalisme par exemple, font l'éloged'une pensée qui échappe à toute rationalité et qui situe sa liberté dans l'absence de tout formalisme, de toutacadémisme.

Mais plus encore, considérons avec attention la folie : elle est spécifiquement humaine et pourtant ellerésulte d'une décadence de la raison.

La folie participe donc à l'humanité tout en l'abîmant.

La pensée de l'absurdepeut devenir une absurdité de la pensée, lorsque la volonté finit par s'oublier dans les bras de la licence et del'inconscience. [Conclusion] En définitive, au terme de notre réflexion, il est important de constater que la liberté de penser n'est pas àcondamner catégoriquement.

Elle est certes risquée, mais elle est la condition d'une possibilité de progrès pourl'esprit humain.

En un mot, penser ce que l'on veut revient à garantir une liberté de penser qui doit veiller cependantà ne pas compromettre la liberté de penser.

Penser la liberté, c'est déjà exercer sa liberté de penser.C'est pourquoi il est apparu avec force qu'un exercice libre de la pensée était salutaire pour la condition humaine,qu'il s'agisse de poésie, d'art ou de psychanalyse.

Mais n'oublions pas qu'en abusant de sa liberté de penser,l'homme peut toujours tomber dans un délire qui le conduira à ruiner son humanité.

Pourtant, s'il n'évacue pas sondélire, l'homme est névrosé.

On comprend ainsi pourquoi la liberté de penser, d'un enjeu moral puis politique, estdevenue finalement un enjeu existentiel. CITATIONS: « Toute personne a droit à la liberté de penser, de conscience et de religion.

» Déclaration universelle des droits de l'homme, 1948. « Voilà que j'entends crier de tous côtés : "Ne raisonnez pas !" L'officier dit : "Ne raisonnez pas, faites vosexercices!" Le percepteur : "Ne raisonnez pas, payez!" Le prêtre : "Ne raisonnez pas, croyez !" [...] Dans tous cescas, il y a limitation de la liberté.

» Kant, Qu'est-ce que les Lumières ? 1784. « L'État qui enlève aux hommes la possibilité de communiquer publiquement leurs pensées leur ôte en même temps. »

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