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La machine fournit-elle un modèle pour comprendre le vivant ?

Publié le 30/01/2004

Extrait du document

  • « Lorsque les hirondelles viennent au printemps, elles agissent en cela comme des horloges. « Descartes, Lettre au Marquis de Newcastle, 1646.
  • « Mettez une machine de chien et une machine de chienne l'une auprès de l'autre, et il en pourra résulter une troisième petite machine, au lieu que deux montres seront auprès l'une de l'autre, toute leur vie, sans jamais faire une troisième montre. « Fontenelle, Lettres galantes, 1742.
  • « La pensée du vivant doit tenir du vivant l'idée du vivant. « Canguilhem, La Connaissance de la vie, 1952.
  • « La vie est [...] la liberté s'insérant dans la nécessité et la tournant à son profit. « Bergson, L'Énergie spirituelle, 1919.

C'est Descartes qui fonde l'approche mécaniste du vivant : il s'agit de comprendre l'organisme non plus à partir de fins imaginées (Aristote), mais à partir des causes constatables (ne plus dire par exemple que l'oeil est fait pour voir, mais décrire les processus par lesquels l'oeil transforme un stimulus visuel en influx nerveux). Il faut pour cela réduire le fonctionnement du corps vivant à un ensemble de mécanismes physiques et chimiques afin de pouvoir en dégager des lois. Ainsi, la biologie moderne se rapproche de plus en plus de la physique, et la biologie moléculaire semble achever le projet cartésien d'une mécanique du vivant : lorsqu'on l'analyse, la vie se résume finalement à des échanges chimiques et physiques... qui sont aussi valables pour l'inerte !

« Ce point de vue, non scientifique et donc non mécaniste amène à se poser plusieurs questions: Ainsi laconnaissance scientifique du vivant rencontre des difficultés qui relancent le questionnement métaphysique.

Qu'est-ce que la vie ? La vie est-elle ontologiquement distincte de la matière ? Quel est la part du hasard et de lanécessité ? La vie obéit-elle à une fin ? [II.

Situation historique du mécanisme] - Prenant ses distances à l'égard d'Aristote, Descartes affirme l'hétérogénéité de l'âme et du corps : il n'y a d'âmeque dans l'homme (et non, comme l'affirmait Aristote, dans tout vivant).

En son absence, le corps humain estcomparable à tout autre, et réductible à un modèle mécanique. Le corps humain, comme le corps de l'animal, est une machine perfectionnéecréée par Dieu.

Bien qu'infiniment plus complexe que nos machines, sonfonctionnement se laisse expliquer de la même manière.

Les corps sontcomposés de nerfs et de muscles, comparables à des petits tuyaux, danslesquels circule une matière subtile : les esprits animaux.

Lorsque noustouchons un objet par exemple, nous en prenons une conscience tactile parl'effet de ces esprits animaux qui remontent jusqu'au cerveau par l'entremisedes nerfs, et viennent heurter la "glande pinéale", siège de l'âme.

Il en estainsi de tout le système sensorimoteur.

Si je veux me mouvoir, un grandnombre d'esprits animaux seront canalisés vers les muscles qui serontsollicités pour accomplir ce mouvement.

La lumière, les odeurs, les sons, lesgoûts, la chaleur se propagent jusqu'à notre esprit par l'intermédiaire de nosnerfs qui canalisent ces particules.

La faim, la soif, le sommeil, la veille, lerêve se produisent de la même manière : un déplacement d'esprits animaux àl'intérieur des canalisations de la machinerie complexe de notre corps.

Il existecependant une différence de mille entre un corps humain et un corps animal.Aucun animal n'use jamais de signes, ou d'un quelconque langage pourexprimer une pensée.

On peut concevoir un automate qui réponde par laparole à certains messages simples : crier si on le touche, ou prononcerquelques phrases simples, mais aucun automate ne sera jamais en mesured'agencer une parole qui réponde au sens de ce qu'on lui dit.

Enfin, si uncorps animal ou un automate peut accomplir un nombre limité de tâches,parfois même mieux que nous, il ne peut aller au-delà.

Ce qui montre qu'ils agissent par la disposition de leursorganes, et non par connaissance.

Ils sont dépourvus de pensée ou d'esprit.

Il n'y a que l'homme à disposer de cetinstrument universel qu'est la raison et qui lui sert en toute occurrence afin d'agir comme il convient.

Chaque organede la machinerie animale, tout au contraire, est spécialisé.

Il lui faudrait - ce qui est impossible - un nombre infinid'organes pour faire autant de choses que notre raison nous le permet. - Voulant initier une étude géométrique de la matière, Descartes ne cherche plus les principes du vivant au-delà dela physique.

La métaphysique intervient pour l'analyse de l'âme, non pour celle du corps, qui relève de la mécanique: pression, traction, gonflement, etc.- Il est de surcroît possible de décomposer la machine organique sans référence à une intention qu'elle réaliserait.- Cependant Descartes veut ignorer que la machine implique un concepteur, et il est obligé de considérer que lescorps-machines dépendent de l'action initiale de Dieu ; il ne parvient donc pas à séparer totalement l'étude du corpsde la métaphysique (qui fonde toute science). [III.

Le corps-machine et ses limites] - Le modèle mécaniste a été contesté par Kant, qui souligne que le vivant est capable d'auto-organisation etpossède des qualités spécifiques (conservation et reproduction, autoréparation et autorégulation).- La finalité, de plus, concerne plus efficacement la machine que l'organisme, où l'organe est plurifonctionnel, alorsqu'un élément mécanique a un programme limité.

L'organisme a ainsi « plus de potentialités » (Canguilhem) : il réagitde façon diversifiée à son environnement ou à ses propres accidents.

Il peut être malade (changeant ses propresnormes) ou monstrueux : une machine ne peut être ni monstrueuse, ni malade (la panne n'est pas la maladie).- Le modèle mécaniste a une justification philosophique (contre Aristote) et historique.

Il est limité par rapport à latotalité du vivant : on ne peut comparer à une machine qu'un corps lui-même complexe - l'animal ou l'homme(l'anatomie commence à être connue au XVII° siècle.

Mais les organismes simples remplissent toutes les fonctionsvitales de façon plus souple que la machine.

Il y aurait ainsi dans le modèle mécaniste une tendance àl'anthropocentrisme : dans le vivant on privilégie l'homme. [Conclusion] L'image du corps-machine a rempli une fonction momentanée dans l'histoire de la biologie.

Elle a été ce queBachelard nomme une « bonne image », puisqu'il n'en reste rien.

Faut-il en inverser les termes, pour se demander sila machine n'est pas l'équivalent d'un organe artificiel ?. »

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