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La musique de 1920 à 1929 : Histoire

Publié le 08/01/2019

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histoire

PARIS, PARADIS DES COMPOSITEURS. Si la période qui va de la moitié du xixe siècle à la Grande Guerre a marqué le développement des écoles nationales, les années vingt voient resurgir cet internationalisme qui avait fait la grandeur de la musique européenne au siècle des Lumières: les compositeurs reprennent le voyage sans craindre de sacrifier une identité régionale désormais bien affirmée. Paris connaît alors un développement sans précédent des sociétés de concert. Dans les cafés de Montparnasse, les musiciens du monde entier viennent partager la vie et les interrogations des peintres et des poètes, et sur les boulevards des Années folles souffle un air de liberté propice à la création. Les premiers échos du jazz, l’émigration russe, le succès des ballets modernes, la coexistence des derniers mécènes aristocratiques et des premières aides institutionnelles, les commandes occasionnées par les innombrables expositions, inaugurations et commémorations: ces facteurs expliquent que le Paris de l’entre-deux-guerres soit, avant même Berlin et Vienne, la principale métropole musicale du monde.

LE «SON FRANÇAIS», DE SATIE À VA-RÈSE. Orpheline de Debussy, la musique française est dominée au début des années vingt par trois personnages contrastés: le vétéran Albert Roussel, surdoué de l’orchestration, le dadaïste mystique Erik Satie et le néo-impressionniste Maurice Ravel. C’est un commun respect pour Satie qui réunit la nouvelle vague représentée par les «Six»: Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Taille-ferre. Brassant idées poétiques, audaces instrumen-taies et influences populaires, ils restent pourtant fi-dèles, plus que Satie, au perfectionnisme formel hérité du siècle précédent. Ils sont «de tous les coups» - expositions, ballets, scène lyrique, concerts expérimentaux, liturgie chrétienne ou judaïque, cinéma... A cette profusion quelque peu «mondaine» s’oppose le travail solitaire en profondeur d’Edgar Varèse, élève de Roussel émigré aux États-Unis. C’est d’ailleurs avec ses Amériques qu’il fait entrer la musique française dans le siècle de l’universel, délaissant la tradition européenne pour une recherche radicale sur le son brut.

 

 

LA RÉVOLUTION DODÉCAPHONIQUE. Dans tous les domaines de l’art, l’heure est à la redéfinition des règles de la création. En musique, le triomphe de l’ultrachroma-tisme - avec Mahler, Bruckner et le premier Schônberg - et de la dissonance - avec Debussy et Stravinski - a mené à un point de non-retour les compositeurs soucieux d’innovation. D’où la nécessité de revenir aux données physiques et surtout mathématiques qui régissent l’organisation des sons. En donnant aux douze degrés de la gamme une valeur égale, l’école de Vienne rompt avec cinq siècles de musique tonale européenne et ouvre un champ presque illimité à la

 

composition musicale. Arnold Schônberg est le père de cette théorie qui sera rarement un système exclusif pour ses disciples. Alban Berg et Anton Webern ne l’adoptent d’ailleurs que pour mieux exprimer leur personnalité et leur différence de sensibilité avec le maître. En dehors de Vienne, la musique dodécaphonique ne sera vraiment reconnue qu’après 1945, même si ses œuvres les plus pures et les plus émouvantes datent de cette genèse des années vingt.

 

 

L’EXPRESSIONNISME LYRIQUE. Comme le romantisme dont il est la suite et l’exacerbation, l’expressionnisme tend vers une synthèse des arts: appliqué le plus souvent aux peintres germaniques rassemblés notamment au sein de la Brücke et du Blaue Reiter, le terme désigne dans les années vingt une tendance générale recouvrant la poésie, le théâtre, le cinéma et la musique. Certains comme Arnold Schônberg partagent d’ailleurs leur temps entre la musique et la peinture. C’est peut-être dans l’opéra que l’expressionnisme atteint sa forme la plus complète et paroxystique: quoi d’étonnant à cela puisque rien ne sépare vraiment le chant du cri qui, depuis le peintre norvégien Edvard Munch et Van Gogh, est la principale manifestation de ce mouvement impétueux et inorganisé. Principalement germanique et nordique dans les arts plastiques, le nihilisme expressionniste trouve dans l’art lyrique un certain prolongement en Europe centrale et méridionale. Mais ce sont avant tout les chefs-d’œuvre de Hindemith et de l’école de Vienne qui portent la marque de cette révolte contre la condition humaine.

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LA REMONTEE DU MISSISSIPPI. 1920 marque à peu de temps près le passage de la préhistoire à l’histoire du jazz: si les premiers disques de l’Original Dixieland Jass Band datent de 1917, comme la fermeture du quartier réservé de La Nouvelle-Orléans, ce n’est qu’au début des années vingt que les grands solistes et orchestres de couleur commencent à enregistrer. Or seul le disque peut restituer vraiment cette musique instantanée, dont seule la forme pianistique - le ragtime - était déjà connue en Europe par des transcriptions approxima-tives. Grâce au 78 tours, le blues et le jazz instru-mental s’imposent rapidement, sous une forme très élaborée dont l’influence sera sensible sur toute la musique populaire américaine, mais aussi en Europe où de nombreux compositeurs sont fascinés par leur fraîcheur mélodique et leur instrumentation. Après Sidney Bechet dont Ernest Ansermet avait reconnu le génie dès 1919, King Oliver, «Jelly Roll» Morton, Louis Armstrong, Fletcher Henderson, Duke Ellington et Leon «Bix» Beiderbecke s’affirment comme les créateurs singuliers de la première musique authentiquement américaine.

LA RENAISSANCE DE HARLEM. Jusqu’à la Grande Guerre, le nord de Manhattan était le quartier résidentiel des juifs new-yorkais. Dans les années vingt s’y installe une population de couleur chassée du Sud par l’exode rural et l’aggravation des lois racistes. Une élite d’artistes et d’intellectuels souvent formés dans les écoles et universités va être à l’origine d’une période faste, dénommée par la suite «Harlem Renaissance». Aux côtés d’écrivains comme Langston Hughes ou Claude McKay, les musiciens jouent un rôle essentiel dans cette vie culturelle intense et principalement nocturne, qui attire chaque soir la bourgeoisie blanche en quête de sensations fortes. D’innombrables bars et cabarets accueillent des pianistes virtuoses, des chanteuses de blues, mais aussi des revues fastueuses animées par les premiers big bands. La plus fameuse et la plus exotique est celle du Cotton Club, où un pianiste et compositeur de génie, Duke Ellington, invente soir après soir sa jungle music. Triomphe de l’absurde: seuls les Blancs sont admis dans la salle et les artistes ne pénètrent dans ce temple de la culture afro-américaine que par la porte de service.

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