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La science peut-elle tenir lieu de philosophie ?

Publié le 17/06/2009

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INTRODUCTION. - Jusqu'aux temps modernes, tout ce que l'homme pouvait connaître de lui-même ou de la nature appartenait au domaine de la philosophie : pour DESCARTES, la cinquième partie du Discours de la méthode, consacrée à la physique et à la biologie, relève de la philosophie, tout comme la quatrième, qui traite de la nature de l'âme, de l'existence de Dieu et de la réalité du monde extérieur. Mais peu à peu les sciences particulières se sont détachées de la philosophie : le physicien et le biologiste ne sont plus depuis longtemps considérés comme des philosophes; de nos jours, le psychologue et le sociologue, eux aussi, ont revendiqué l'indépendance de leur discipline. Dans ces conditions, il y a lieu de se demander ce qui reste pour le philosophe et si la connaissance scientifique ne peut pas tenir lieu de philosophie. Pour répondre à cette question, il convient d'abord d'examiner le domaine de cette connaissance et ses caractères essentiels. Après quoi seulement nous pourrons essayer de voir si elle suffit à résoudre les questions proprement philosophiques. I. — LA CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE. A. — Son domaine. Il y a une grande diversité parmi les sciences : que l'on compare la psychologie à la minéralogie et aux mathématiques. Certaines d'entre elles, et principalement les mathématiques, se divisent en de multiples branches ayant leur objet propre. Nous pouvons toutefois nous en tenir à la distinction classique des mathématiques, dont l'objet est essentiellement mental, c'est-à-dire construit par l'esprit, et des sciences de la nature (en y incluant les sciences de l'homme, qui lui aussi fait partie de la nature prise dans toute son extension), qui ont pour domaine tout ce qui est donné à l'observation. Cependant, lorsqu'on parle de la connaissance scientifique on songe beaucoup moins aux processus mentaux de l'élaboration mathématique qu'à ceux qui interviennent dans les sciences de la nature, particulièrement dans les disciplines qui utilisent avec le plus de rigueur la méthode expérimentale : la physique et la chimie. En définitive, une connaissance est scientifique dans la mesure où elle se rapproche du mode de savoir obtenu dans les sciences physiques. Pratiquement, nous pouvons donc prendre le terme de « connaissance scientifique « comme synonyme de « connaissance expérimentale «. Grâce à cette assimilation, il nous sera facile de caractériser la connaissance scientifique.

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« connaissances acquises, relativement aux différents ordres de phénomènes naturels ».

(Cours de Phil.

posit., t.

I,Première leçon) Mais un « corps de doctrine homogène » ne se réduit pas à un résumé.

Il constitue une synthèse,oeuvre d'une pensée créatrice qui fait intervenir des principes qui dépassent le donné des sciences particulières.

Delà des philosophies différentes qui toutes prétendent bien tenir compte des acquisitions des diverses sciences.Ces oppositions restent irréductibles, car l'expérience ne saurait intervenir comme arbitre entre des systèmes dontla valeur relative tient à leur cohérence interne plus qu'à leur accord avec les faits.

Nous avons donc là un domainede la pensée dans lequel la connaissance scientifique ne saurait suffire. B.

— Comme épistémologie. Malheureusement, en opposant la connaissance scientifique à la connaissance philosophique on déprécie cettedernière, qui risque de faire figure de fausse connaissance ou de connaissance illusoire.

C'est bien ainsi que laconçoivent, après les positivistes, les néo-positivistes contemporains qui, dans le domaine du réel, considèrentcomme dépourvue de sens une question à laquelle on ne peut répondre en invoquant l'expérience.Mais en se ralliant à cet agnosticisme philosophique on n'a pas éliminé les questions que pose le mode de connaîtreretenu comme seul valable; or, « la nature de la connaissance scientifique est un problème encore philosophique ».(J.

PIAGET, Épistémologie génétique, I, p.

12.) La philosophie reste au moins connaissance de la connaissance,c'est-à-dire épistémologie.Le savant qui n'est que savant perçoit, réfléchit et raisonne sans s'interroger sur la nature des outils mentaux quiinterviennent dans la recherche : tout son intérêt se porte sur l'objet à connaître.

L'intérêt du philosophe est biendifférent : orienté vers les synthèses totalisantes, il ne sépare pas l'objet connu du sujet connaissant qui ne seprésentent jamais l'un sans l'autre.

Dès lors la question se pose de savoir ce que c'est que connaître et quelle est,dans le donné cognitif, la part du sujet et celle de l'objet.

Les processus de la connaissance scientifique, axée surl'objet, ne sauraient fournir la réponse.

Comme il s'agit de processus mentaux, il faut recourir à l'analyse réflexive parlaquelle l'esprit s'interroge sur ces propres opérations, s'enfermant ainsi dans la subjectivité considérée par lascience étrangère à son domaine propre. Mais cette analyse ne suffit pas, car les structures mentales du philosophe qui s'examine lui-même peuvent provenird'expériences antérieures et par conséquent dépendre des objets et non du sujet.

Il faudrait donc observer lephénomène de la connaissance à son origine, à l'instant du premier contact du sujet avec le réel.

Malheureusement,il est chimérique de prétendre remonter à ce point zéro de la connaissance.

L'épistémologie génétique, à laquelleJean PIAGET a consacré de longues recherches, cherche à déterminer comment s'accroissent les connaissances etnon comment s'effectue le premier acte de connaissance.

Aussi restons-nous en face d'une dualité que la sciencene saurait réduire : des structures subjectives, mais qui n'apparaissent que grâce à l'apport de données objectives;des objets d'expérience, mais qui ne sont objets, c'est-à-dire donnés au sujet, que dans les structures subjectives.Sans doute, on peut bien prendre parti et admettre soit la réalité de structures innées, soit au contraire l'origineexpérimentale de toutes les structures mentales.

Mais ce sont là théories philosophiques et non hypothèsesscientifiques susceptibles d'être rigoureusement contrôlées par les faits. C.

— Comme critique. Cette dualité du sujet et de l'objet pose le problème de la valeur de la connaissance ou problème critique que nouspouvons formuler ainsi : notre représentation du réel correspond-elle à ce qu'elle prétend représenter ? Nouspercevons des couleurs, des sons, différents degrés de chaleur ou de froid : ces propriétés des choses existent-elles effectivement dans choses, et si elles n'y existent pas, peut-on néanmoins être assuré de l'existence deschoses elles-mêmes ? La raison nous persuade bien que notre système sensoriel ne saurait être affecté par lenéant, et que, par suite, il y a quelque chose; mais que valent les principes absolus, qui interviennent dans leraisonnement, en particulier le principe de causalité qui est le ressort de la recherche scientifique ?Quand an s'interroge ainsi sur la valeur de la science, on se situe hors du domaine de la science : on fait de laphilosophie.

Sans doute certains savants ont résolu ces problèmes : Henri POICARE, par exemple, à la dernière pagede La valeur de la science, formule ainsi sa réponse à la question de l'existence de choses en soi : « Tout ce quin'est pas la pensée est le pur néant; puisque nous ne pouvons penser que la pensée et que tous les mots dont nousdisposons pour parler des choses ne peuvent exprimer que des pensées; dire qu'il y a autre chose que de la pensée,c'est donc une affirmation qui ne peut avoir de sens.

» Nous avons là la thèse et l'argument essentiel des idéalistes.Mais pour les, formuler, POINCARÉ ne s'en tenait pas au mode de connaître scientifique; il recourait à l'analyseréflexive des philosophes à qui il devait d'ailleurs la théorie qu'il faisait sienne ainsi que les termes par lesquels ill'exprime. D.

— Comme guide de vie. La phrase que nous venons de citer se trouve dans un paragraphe intitulé « La science pour la science » et qui apour objectif essentiel la conception que se fait POINCARÉ du sens de la vie : « Toute action doit avoir un but, dit-il.

Nous devons souffrir, nous devons travailler, nous devons payer notre place au spectacle, mais c'est pour voir;ou tout au moins pour que d'autres voient un jour.

»Les affirmations de ce genre, c'est trop évident, ne relèvent pas de la connaissance scientifique.

Le savant — enl'occurrence, le sociologue —observe les faits — dans le cas présent, les différentes conceptions que les hommes sefont de la vie ou qui se trouvent impliquées dans leur conduite.

Il se défend d'opter pour l'une ou l'autre, car unetelle option ne relève pas de la science qui constate ce qui est sans pouvoir se prononcer sur ce qui doit être.Établirait-il qu'une certaine conception a pour elle l'immense majorité des hommes, il devrait s'en tenir à cette. »

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