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La tolérance suppose-t-elle que toutes les opinions se valent ?

Publié le 16/07/2009

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La réflexion à entreprendre devra donc faire la part des faux7semblants et celle des implications réelles de la tolérance. Si le terme lui-même est généralement connoté de façon positive, les interprétations qui en sont données apparaissent comme diverses. L'étymologie (tolerantia : disposition durable à supporter) n'éclaire pas complètement la notion, mais permet déjà d'en saisir certaines implications. « Supporter «, c'est admettre l'existence d'un fait qui pourtant me dérange. Dans le champ politique, par analogie, c'est essentiellement l'autorité en place qui peut « tolérer « (accepter sans réprimer) ce qui la conteste ou déroge à un règlement. Par extension, !a notion de tolérance s'appliquera à toute initiative (action déterminée, expression d'une opinion, etc.) marquant une « différence « ou un écart par rapport à une norme posée comme référence. En matière religieuse, par exemple, l'édit de Nantes fut, dans sa conception, un acte de tolérance ; une fois établi, il allait au-delà de la simple tolérance (qui suppose une norme de référence) puisqu'il abolissait le caractère de norme de la religion catholique, et admettait le pluralisme religieux. La liberté de culte ainsi établie rompait avec l'acception primitive de la tolérance, tout en la réalisant dans une forme plus large : d'où un glissement du terme, qui devient très vite solidaire d'une philosophie de la liberté, qu'il n'est plus question de référer à une « autorité tolérante «. On parlera ainsi de l'esprit de tolérance comme on parle de l'esprit de justice, et l'on dissociera nettement la tolérance comme valeur collective, placée en fondement d'une communauté d'hommes libres et égaux se reconnaissant mutuellement le droit d'expression, et la tolérance comme qualité personnelle de celui qui, détenant un pouvoir sur les autres, en use de façon libérale.

« • Développement.

Deuxième partie : en quoi la tolérance peut-elle impliquer le relativisme ? Avant toute chose, une question primordiale : qui tolère quoi ? Est-ce une autorité bien définie, dont un homme, ouun groupe d'hommes, serait dépositaire ? Ou bien est-ce l'ensemble de la communauté humaine, comprise dans lesexigences qui la fondent ? L'étymologie stricte fait pencher vers la première acception, mais la seconde, largementretenue par la philosophie politique, est devenue assez habituelle.

Entre les deux, un glissement d'importance, déjàsignalé dans l'analyse de la notion elle-même.

Qu'un roi ne tolère pas ce qui porte ombrage à la toute-puissance deson pouvoir, qu'une communauté ne tolère pas ce qui met en cause ses conditions de possibilité : voilà deuxsituations très différentes, sauf dans le cas où, le droit coïncidant avec le fait, celui qui gouverne détient nonseulement le pouvoir mais aussi la légitimité.

Les deux cas de figure illustrent assez bien la distance entre la politiqueet le droit ; dans un cas comme dans l'autre, la tolérance reçoit une signification différente selon que l'on se réfèreà une logique idéale (du pouvoir politique, de la justice) ou à l'exercice réel (du gouvernement, des lois positives).Pour Rousseau la logique idéale du Contrat social ne peut tolérer ce qui nuirait à la réciprocité qui la fonde, parexemple un détournement de la puissance publique au profit d'intérêts particuliers.

Pour Machiavel, le prince ne peuttolérer ce qui porterait atteinte à sa crédibilité, et affaiblirait son pouvoir.

Deux points de vue très différents, qui nesont d'ailleurs pas systématiquement opposables : la crédibilité de l'autorité politique n'est pas seulement unimpératif stratégique dans la conservation du pouvoir ; elle est aussi requise dans l'hypothèse où ce pouvoirreprésente légitimement la communauté souveraine.

La différence résiderait plutôt dans le statut des deuxattitudes.

Le « fait de ne pas tolérer », occasionnellement ou durablement, ce qui porte atteinte à une normereconnue comme légitime, n'est pas signe d'intolérance, si l'on entend par là une disposition constitutive qui voue unêtre à condamner tout ce qui ne va pas dans le sens de son intérêt, ou du pouvoir qu'il se confère à lui-même.

Ungouvernant qui fait de la conservation du pouvoir une fin en soi, parce qu'il y a intérêt, développe une intolérancede principe, puisqu'il tend à écarter, sans autre considération, tout ce qui fait obstacle à son projet.

A partir de ladistinction ainsi établie, il est possible d'affirmer que la tolérance, entendue comme valeur s'appliquant aux rapportsmutuels entre les membres d'une communauté, procède d'une problématique dans le cadre de laquelle certaineschoses peuvent être jugées intolérables, et traitées comme telles.

Si le racisme est intolérable, c'est qu'il nuit àl'exigence de tolérance mutuelle propre à une communauté composée d'êtres différents.

Il ne s'agit plus dès lors dela vision traditionnelle d'un pouvoir personnalisé, où la tolérance se réduirait au fait qu'une autorité « laisserait » seproduire des manifestations d'indépendance, étant entendu qu'elle serait tout à fait fondée à les réprimer, ce quidonne à la tolérance le statut contingent d'une décision personnelle, liée à la configuration psychologique dudétenteur du pouvoir.En quoi consiste la véritable tolérance ? Cette question doit être envisagée, comme nous y invite le sujet, enprenant en compte la question de la diversité des opinions.

Une autorité qui ne tolère pas la manifestation d'uneopinion autre que la sienne reconnaît implicitement le pluralisme des opinions.

Mais il s'agit pour elle d'éviter que cepluralisme de fait n'aboutisse à la relativiser (après tout, n'est-elle pas, détentrice que d'une opinion parmi d'autres ?).

Il lui faut donc faire admettre que son opinion est la seule vraie, la seule salutaire, voire la seule autorisée parDieu : toute autre opinion est fausse, dangereuse, et par conséquent condamnable.

Le fameux principe d'autorité,qui fit condamner Copernic et Galilée et exécuter Giordano Bruno, institutionnalise l'intolérance.

Cependant, il fautfaire ici deux remarques : la norme qu'entend imposer l'autorité n'est pas celle de l'intérêt commun, mais un intérêtidéologique particulier (par exemple, celui des théologiens dont Spinoza dénonçait l'obscurantisme) ; et la véritéqu'elle prétend détenir n'est qu'un simulacre de vérité, puisqu'elle craint le libre examen.

Ce que l'autorité intoléranteérige en absolu de façade, en réalité illusoire, c'est son point de vue particulier, donc relatif.La découverte de cette relativité, c'est déjà, pour ceux qui veulent secouer le joug de l'intolérance, une véritablelibération : on s'affranchit du mythe d'une autorité absolue, de droit divin.

La tentation est grande, alors, d'évacuertoute référence à un point de vue absolu, non relativisable : ici se constitue un faux-semblant dont toute l'analysequi précède explique la genèse.

Pour reconnaître à tous un égal droit à l'expression libre des opinions, et ne plus êtretributaire d'une tolérance dont le principe est contingent, car lié au bon vouloir du prince, on croit devoir sedébarrasser de toute idée de hiérarchisation des opinions elles-mêmes : le relativisme naît ainsi d'une légitimeaspiration à la liberté, mais relève d'une confusion entre l'égalité de droit des individus et l'égalité de fait desopinions qu'ils émettent. • Développement.

Troisième partie : le relativisme des opinions est-il une implication réelle de latolérance ? Le passage d'une tolérance arbitraire, suspendue au bon vouloir d'une autorité absolue, à une tolérance principielle,explicitant la mutuelle reconnaissance des individus dans une communauté dont ils se définissent comme membreségaux en droits, marque une mutation décisive.

Mais la confusion dont elle s'accompagne (puisque tous les individusse valent, toutes leurs opinions se valent) demande à être problématisée.

Il convient en effet de distinguerrigoureusement le principe d'autorité et l'exigence de vérité.

Le principe d'autorité stipule qu'une opinion fournit laréférence obligée pour toutes les autres : même s'il en revendique la possession, il ne peut donc légitimement seprésenter comme vérité.

Le croire sur parole serait lourd de conséquences : il s'agit donc, lorsque l'on rejette leprincipe d'autorité, de ne pas rejeter en même temps l'idée de vérité, qui a pu en sembler solidaire, mais seulementdans l'apparence trompeuse d'une mystification idéologique.L'exigence de vérité, au regard de laquelle des opinions peuvent être comparées et évaluées, soumet toute opinion(y compris celle du prince) au questionnement critique.

Le type de « sélection » qu'elle provoque n'a donc rien à voiravec celui qu'institue le principe d'autorité : c'est au regard de ce dernier que toutes les opinions se valent, dansleur extériorité par rapport à la « parole officielle ».

L'exigence de vérité, elle, n'humilie personne, puisque chacun,en l'assumant, est appelé à exercer la capacité de réflexion qui lui est reconnue.

Dans le dialogue, par exemple, les. »

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