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L'ATMOSPHÈRE INTELLECTUELLE A l'EPOQUE DE L'ENCYCLOPEDIE DE DIDEROT

Publié le 16/06/2011

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On a constamment exagéré non pas, si l'on veut, l'intérêt, mais du moins la portée des oeuvres proprement philosophiques de Diderot. Les plus significatives sont restées inédites. Les autres, si l'on met à part l'Encyclopédie dont nous reparlerons, sont plus ou moins noyées dans la masse des ouvrages philosophiques parus ou qui circulaient en copies manuscrites entre 1715 et 5789. Bien qu'il n'existe pas de bibliographie rigoureusement complète de la plupart de ces ouvrages philosophiques, le nombre des éditions en est (à quelques unités près) la preuve incontestable. Les Pensées philosophiques ont huit éditions ; les Pensées sur l'Interprétation de la nature, deux ; la Lettre sur les aveugles, trois. A quoi il faut ajouter, pour chacun de ces ouvrages, deux éditions dans les OEuvres complètes de 1772 et 1773. Au total, dix-neuf éditions. Or les différents ouvrages antichrétiens de d'Holbach ont quatre-vingt-dix éditions.

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« anglais dont les oeuvres ne sont pas inconnues en France ; et plus particulièrement dans tous ces ouvragesmanuscrits qui circulent en abondance, de Meslier, de Cuppée, de Boulainvilliers, de la Serre, de Fréret oud'anonymes.

Diderot pouvait y puiser presque au hasard pour emplir son arsenal de combat.Mais qui ruine la religion ruine la morale, puisque dans toute religion, et aussi bien dans le christianisme, la moraleest fondée tout entière sur des commandements de Dieu, sur des dogmes.

On peut ne pas se soucier de laconséquence et dire simplement : voilà qui est vrai, voilà qui est faux.

Diderot lui s'en soucie ; il veut une morale etsolidement fondée.

Mais il n'est pas le seul et les fondements sur lesquels il bâtit ont été préparés avant lui etservent, autour de lui, par bien d'autres.

La morale du sentiment est, vers 175o, presque une banalité.

On laretrouve aussi bien chez des chrétiens sincères qui ne l'opposent pas à leur religion mais qui l'organisent, plus oumoins, comme si elle était indépendante de tout dogme religieux.

Leurs œuvres sont souvent célè7ires et plusrépandues que les Pensées philosophiques ou la Lettre sur les aveugles : tels le Traité du vrai mérite de l'homme deLemaître de Claville (1734 - dix-huit éditions jusqu'en 1761) et la Théorie des sentiments agréables de Levesque dePouilly (1747 -six éditions jusqu'en 1774).

D'autres sont franchement « laïques » et tendent manifestement à sepasser de toute religion révélée.

Tels cet Essai sur le mérite et la vertu de Shaftesbury, que Diderot traduit, ou lesDiscours en vers sur l'homme de Voltaire.

Tels surtout les Moeurs de F.-V.

Toussaint (1748), qui sont condamnéespar l'autorité, et dont les déclarations explicites ignorent la morale chrétienne pour organiser une morale fondée surla seule raison.

L'un des principes essentiels de cette morale raisonnable ou « naturelle » est que toute morale estnécessairement sociale.

La nature pousse chacun d'entre nous à rechercher son propre bonheur ; et nous n'avonsqu'à suivre son conseil.

Mais il est facile, dès qu'on réfléchit, de voir que le bonheur de chacun est lié au bonheur detous.

L'égoïsme intelligent renonce à l'égoïsme pour ne plus songer qu'à la « bienfaisance ».

C'est la doctrine deDiderot, mais c'est aussi celle de Voltaire, de Toussaint et de bien d'autres.Il y a assurément dans les Pensées philosophiques et surtout dans la Lettre sur les aveugles et les Pensées surl'Interprétation de la nature autre chose que des polémiques contre la religion et sa morale.

Ce sont aussi bien,comme dans la Lettre sur les sourds et muets, des discussions sur la psychologie et les méthodes des sciencesexpérimentales, l'esthétique, etc...

Mais là encore la plupart des idées de Diderot n'ont, du moins pour l'essentiel (età part la même exception), rien d'original.

Méthode des sciences expérimentales : le thème le plus souvent repris parDiderot est que la méthode scolastique est ridicule et que la méthode qui s'efforce de construire des systèmesgénéraux est vouée à la stérilité.

Pas de systèmes valables parmi ceux qui prétendent nous révéler les ultimessecrets de l'univers.

Pas même de systèmes particuliers qui puissent être vrais simplement parce qu'ils sontlogiquement cohérents.

Les sciences ont sans doute besoin d'hypothèses ; mais celles-ci ne deviennent des véritésque lorsqu'elles sont vérifiées par l'observation et l'expérience.

Même la véritable philosophie est celle qui peuts'appuyer sur l'observation et une certaine sorte d'expérience, c'est-à-dire la psychologie fondée sur les faits.

Lesphilosophes doivent se mettre à l'école de Locke.

Or la plupart des savants et, dans tous les cas, tous ceux quicomptent ont, sur là vanité des systèmes, sur la nécessité de la méthode expérimentale, les mêmes idées queDiderot ; et cela, dès la deuxième moitié du XVIIe siècle où le goût des observations précises et des expériences enphysique, en histoire naturelle, devient même le goût des gens du monde.

Dans la première moitié du xviiie siècle,c'est une banalité que d'exposer la ruine des systèmes et les triomphes de la science expérimentale.

L'influence dessavants anglais et hollandais est considérable.

C'est en 1736 que Boureau-Deslandes, dans un Recueil de différentstraités de physique et d'histoire naturelle, adapte un exposé de la méthode expérimentale de Musschenbroek.

En1735 Buffon traduit une Statique des végétaux de l'Anglais Hales et la fait précéder d'un exposé de la méthodeexpérimentale presque aussi complet et aussi précis que l'exposé d'un Stuart Mill au XIXe siècle.

En 1749, on traduit,de l'Anglais B.

Martin, une Grammaire des sciences philosophiques ou analyse abrégée de la philosophie moderne,appuyée sur les expériences, qui est non pas un exposé philosophique mais une sorte de catéchisme élémentaire,par demandes et par réponses, aussi net, aussi moderne, dans sa simplicité, que les exposés de Buffon et deDeslandes.

Le goût des expériences qui n'anticipent jamais sur les faits devient d'ailleurs presque populaire.

C'est en1734 que l'abbé Nollet ouvre un cours de physique expérimentale d'où il bannit à la fois les spéculationsmétaphysiques et les hautes mathématiques.

Le succès fut considérable.

Il a pour auditeurs des personnes «de toutâge, de tout sexe et de toute condition ».

Le duc de Penthièvre assiste à ses cours en 1733.

On l'invite à donner àVersailles des leçons au duc de Chartres ; il en donne pendant dix ans au dauphin.

Enfin, le 16 mai 1753, il inaugurepour l'Université de Paris, au collège de Navarre, une école de physique expérimentale fondée pour lui par le roi.

Il yeut plus de six cents auditeurs.

Ses Leçons de Physique expérimentale (1743), son Art des expériences ou avis auxamateurs de la physique, sur le choix, la construction et l'usage des instruments n'ont pas moins de succès.

En1749 Condillac publie un Traité des systèmes, souvent réimprimé, qui est un traité contre les systèmes.

Contre lessystèmes, pour l'expérience et rien que l'expérience il n'y a pour ainsi dire, dès 1730-1740, qu' « une voix ».C'est là d'ailleurs la doctrine.

Dans la pratique il en va parfois tout autrement.

L'expérience est lente et n'éclairequ'une bien petite partie de l'immense inconnu.

La tentation est forte de la prolonger par une spéculation hardie quinous semble en illuminer les profondeurs.

Nous verrons que Diderot a cédé à la tentation avec délices et qu'il a aiméles « conjectures » plus que les expériences.

Disons tout de suite qu'il n'est pas le seul.

Non seulement entre 1730et 1750, mais encore jusqu'à la Révolution on compterait par dizaines les systèmes du monde, les systèmesgénéraux de physique, de chimie qui se mettent en dépense de méditations et pas du tout d'observations oud'expériences.

Beaucoup ont pour auteurs des inconnus ou des savants de petit mérite.

Mais ce sont les plus grandssavants eux-mêmes qui abandonnent les chemins trop lunts de la science pour s'élancer à tire-d'aile dans les nuéesdes systèmes métaphysiques.

Leur mérite est de n'avoir que rarement brouillé leur oeuvre scientifique par leurmétaphysique.

Mais, comme Diderot, ils ont le besoin d'écrire leur système du monde.

Maupertuis est un très grandsavant ; et il dénonce l'esprit de système.

Mais il veut être aussi bien un « philosophe » pour qui la science n'estque la préparation à une sagesse capable d'éclairer l'Univers.

Il dissertera, dans trois ou quatre ouvrages(notamment son Essai sur la formation des corps organisés ou Système de la nature et son Essai de philosophiemorale), sur la matière et la pensée, la théologie naturelle, les principes et les règles de la morale.

Charles Bonnetest un excellent naturaliste, fort célèbre en son temps.

Mais il n'écrit pas seulement un Traité d'insectologie ou des. »

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