Devoir de Philosophie

Le doute est-il utile à la connaissance et nuisible à l'action ?

Publié le 25/02/2004

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Douter, c'est d'abord examiner la vérité d'une pensée, en supposant qu'elle pourrait être fausse. Est- ce pour autant un échec de la pensée ? Certes vous pourriez, pour rendre compte de l'échec que constitue le doute pour la pensée, montrer en quoi le doute peut conduire d'une part à l'incertitude, donc au silence de la raison, mais aussi à l'inaction. Mais ces deux limites ne valent que si on demande à la pensée de trouver la vérité coûte que coûte et si on demande à la pensée d'éclairer nos actes. Or la philosophie est une pensée qui, si elle cherche le vrai et pose des question, n'obtient pas nécessairement une réponse. Et pourtant le philosophe continue de penser De même, dans nos actes, il y a toujours une part d'incertitude et de risque qui ne sont pas nécessairement le signe d'un échec, mais la reconnaissance de la complexité du monde dans lequel on agit. Ainsi Descartes a montré, pendant tout le temps où il doutait de la science et de ses connaissances, qu'il était nécessaire d'établir une morale par provision, morale qui nous permet encore d'agir quand bien même nous n'avons plus aucune certitude. Autrement dit, si le doute peut m'aider à trouver le vrai, le rapport au monde qui est le mien n'est pas qu'un rapport théorique : j'ai beau douter du savoir, je dois agir et cette urgence de l'action rend impossible une incertitude. Pourquoi ?
 

« « Parce qu'alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensais qu'il fallait [...] que jerejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il neresterait point après cela quelque chose [...] qui fut entièrement indubitable. » Le doute de Descartes est provisoire et a pour but de trouver une certitude entière & irrécusable. Or il est sûr que les sens nous trompent parfois.

Les illusions d'optique en témoignent assez.

Je dois doncrejeter comme faux & illusoire tout ce que les sens me fournissent.

Le principe est aussi facile à comprendreque difficile à admettre, car comment saurais-je alors que le monde existe, que les autres m'entourent, quej'ai un corps ? En toute rigueur, je dois temporairement considérer tout cela comme faux. A ceux qui prétendent que cette attitude est pure folie, Descartes réplique par l'argument du rêve.

Pendant que je rêve, je suis persuadé que ce que je vois et sens est vrai & réel, et pourtant ce n'est qu'illusion.

Lesentiment que j'ai pendant la veille que tout ce qui m'entoure est vrai & réel n'est donc pas une preuvesuffisante de la réalité du monde, puisque ce sentiment est tout aussi fort durant mes rêves.

Par suite je dois,si je cherche la vérité : « feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus vraies que l'illusion des songes ». Mais le doute de Descartes va bien plus loin dans la mesure où il rejette aussi les évidences intellectuelles, les vérités mathématiques.

« Je rejetai comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant pour démonstrations.

» Nous voilà perdu dans ce que Descartes appelle « l'océan du doute ».

Je dois feindre que tout ce qui m'entoure n'est qu'illusion, que mon corps n'existe pas, et que tout ce que je pense, imagine, sens, meremémore est faux.

Ce doute est radical, total, exorbitant.

Quelque chose peut-il résister ? Vais-je me noyerdans cet océan ? Où trouver « le roc ou l'argile » sur quoi tout reconstruire ? On mesure ici les exigences de rigueur et de radicalité de notre auteur, et à quel point il a pris acte de la suspicion que la révolutiongaliléenne avait jetée sur les sens (qui nous ont assuré que le soleil tournait autour de la Terre) et sur ce quela science avait cru pouvoir démontrer. « Mais aussitôt après je pris garde que, cependant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallaitnécessairement que moi, qui pensais, fusse quelque chose.

Et remarquant que cette vérité : je pense donc jesuis, était si ferme et si assurée, que les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pascapables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de laphilosophie que je cherchais.

» Il y a un fait qui échappe au doute ; mon existence comme pensée.

Que ce que je pense soit vrai ou faux, jepense.

Et si je pense, je suis.

Le néant ne peut pas penser.

La première certitude que j'ai est donc celle demon existence, mais comme pure pensée, puisque, en toute rigueur, je n'ai pas encore de preuve del'existence de mon corps.

Quand bien même je nierais que le monde existe, que mon corps existe, que jepuisse penser correctement, je ne pourrais remettre en cause ce fait : je pense, et par suite, je suis.

Lavolonté sceptique de douter de tout, l'idée qu'aucune vérité n'est accessible à l'homme, se brise sur ce fait :je pense.

Voilà le roc, voilà l'argile.

Voilà le point ferme grâce auquel j'échappe à la noyade dans l'océan dudoute, par lequel je retrouverai la terre ferme de la science vraie. La difficulté provient de l'interprétation à donner à ce « je ».

Il n'est pas l'individu concret.

Ce n'est pas Descartes , homme du XVII ième siècle, c'est tout individu pensant qui peut dire « je pense donc je suis », pour peu qu'il refasse, pour lui-même, l'expérience entreprise. Ce « je » est, par définition, désincarné ; tout ce que je peux affirmer, à ce moment, de l'itinéraire cartésien, c'est mon existence comme pensée, puisque, répétons-le, je dois encore, temporairement, nier l'existence ducorps. Pour agir, il faut que je me tienne fermement à une décisionParce qu'il faut bien vivre, agir, avant d'avoir établi des règles de conduite absolument certaines, Descartesse donne pour principe de ne jamais revenir sur sa décision, même s'il n'est pas sûr que ce soit la bonne.

Toutcomme un voyageur égaré dans une forêt, mieux vaut suivre une direction que de douter et finalementtourner en rond. "[...] obéir aux lois et aux coutumes de mon pays, retenant constamment la religion en laquelleDieu m'a fait la grâce d'être instruit dès mon enfance, et me gouvernant, en toute autre chose,suivant les opinions les plus modérées, et les plus éloignées de l'excès, qui fussentcommunément reçues en pratique par les mieux sensés avec lesquels j'aurais à vivre.

[...] Etentre plusieurs opinions également reçues, je ne choisissais que les plus modérées : tant àcause que ce sont toujours les plus commodes pour la pratique, et vraisemblablement lesmeilleures, tout excès ayant coutume d'être mauvais; comme aussi afin de me détourner moinsdu vrai chemin, en cas que je faillisse, que si, ayant choisi l'un des extrêmes, c'eût été l'autrequ'il eût fallu suivre.[...] être le plus ferme et le plus résolu dans mes actions que je pourrais, et ne suivre pas moinsconstamment les opinions les plus douteuses, lorsque je m'y serais une fois déterminé, que si. »

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