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LE RÉALISME DE BERKELEY (3e dialogue entre Hylas et Philonous)

Publié le 05/02/2011

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berkeley

Hylas — Les difficultés auxquelles sont sujettes d'autres opinions, sont hors de notre discussion. C'est votre rôle de défendre votre opinion personnelle. Ne peut-il y avoir rien de plus clair que vous voulez changer toutes les choses en idées ? Vous, dis-je, qui ne rougissez pas de m'accuser de scepticisme. C'est si clair qu'on ne peut le nier. Philonous — Vous vous trompez. Je ne veux pas transformer les choses en idées, je veux plutôt transformer les idées en choses ; car les objets immédiats de la perception qui d'après vous sont seulement les apparences des choses, je les tiens pour les choses réelles elles-mêmes. H. — Des choses ! Vous pouvez soutenir ce qui vous plaît ; mais certainement vous ne nous laissez rien que les formes vides des choses, l'extérieur seulement qui frappe les sens. P. — Ce que vous appelez les formes vides et l'extérieur des choses, cela me paraît les choses elles-mêmes. Elles ne sont ni vides, ni incomplètes, sauf si l'on admet avec vous que la matière est une partie essentielle de toutes les choses corporelles. Nous nous accordons donc tous deux sur ce point que nous percevons seulement des formes sensibles : mais nous différons sur cet autre — vous soutenez que ce sont des apparences vaines et pour moi ce sont des êtres réels. Bref vous ne vous fiez pas à vos sens ; moi, je m'y fie. H. — Vous croyez vos sens, dites-vous ; et vous semblez vous féliciter parce que vous êtes d'accord sur ce point avec l'opinion courante. D'après vous donc, les sens découvrent la véritable nature d'une chose. S'il en est ainsi, d'où vient qu'ils ne sont pas d'accord ? Pourquoi la forme, pourquoi les autres qualités sensibles ne restent-elles pas identiques, quand on les perçoit de toutes sortes de manières ? et pourquoi devons-nous employer un micorscope pour mieux découvrir la véritable nature d'un corps, si celle-ci se découvrait à l'œil nu ? P. — A parler strictement, Hylas, nous ne voyons pas le même objet que nous touchons ; et l'objet qu'on perçoit au microscope diffère de celui qu'on percevait à l'œil nu. Mais si l'on avait estimé que chaque variation suffisait à créer une nouvelle espèce ou un nouvel individu, la quantité infinie et la confusion des noms auraient rendu le langage impossible. Aussi pour l'éviter, aussi bien que pour éviter d'autres inconvénients que la moindre réflexion montre avec évidence, on a uni plusieurs idées, saisies par différents sens, ou par le même sens à divers moments ou en diverses circonstances, mais qui, a-t-on remarqué, ont pourtant quelque connexion dans la nature, soit qu'elles coexistent, soit qu'elles se succèdent ; toutes ces idées, on les rattache à un seul nom et on les considère comme une seule chose. D'où il résulte que lorsque j'examine avec mes autres sens une chose que j'ai vue, ce n'est pas pour mieux comprendre l'objet que j'ai perçu par la vue, car l'objet d'un sens n'est pas perçu par les autres sens. Et, quand je regarde à travers un microscope, ce n'est pas que je puisse percevoir plus clairement l'objet que j'ai déjà perçu à l'œil nu ; car l'objet perçu grâce aux verres en est tout à fait différent. (Œuvres Aubier, trad. Leroy)

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