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«Les écrivains français ont toujours eu le goût des Écoles. Toujours ils ont aimé à se regrouper autour d'un terme abstrait : classicisme, romantisme, réalisme, naturalisme, symbolisme, existentialisme. A la vérité, les frontières de ces concepts sont confuses. Les grands écrivains ne sont jamais les prisonniers d'une doctrine, même lorsqu'ils en sont les parrains. Leur puissance de création fait éclater les cadres.» Vous commenterez ces lignes d'André Maurois.

Publié le 07/02/2011

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2 La puissance des créateurs «fait éclater les cadres». Pouvons-nous du moins espérer trouver au cœur d'une École un ou deux grands noms qui représentent celle-ci dans toute sa pureté ? Si la liste des disciples est un peu incertaine, trouve-t-on du moins des maîtres reconnus ? En apparence cela semble évident ; à voir les choses de plus près, on s'aperçoit qu'il n'y a presque jamais de chef d'École littéraire reconnu. Boileau ne fut pas ce chef d'orchestre qu'imagina un temps la critique, et son Art poétique (1674) est postérieur à la plupart des grandes œuvres classiques. Ni un Chateaubriand (qui considérait les romantiques comme des barbares) ni même un Hugo, oratoire, volontiers moral et moralisant, au surplus solidement équilibré dans son génie un peu massif, ne peuvent être considérés comme les chefs indiscutés du romantisme.

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« précédente, même si elle a donné des œuvres valables, n'a pas trouvé l'essence de l'Art, le grand secret du Beau.

Ilserait intéressant ici de développer l'histoire d'un genre particulier à propos des révolutions doctrinales qu'il asuccessivement traversées, par exemple la poésie : que reproche Ronsard à ses prédécesseurs ? d'avoir une idéetrop basse de l'art poétique, une idée toute formelle et toute profane ; pour lui, la poésie est inspiration divine ettravail acharné.

Que reprochent les romantiques aux classiques ? de méconnaître les droits de la vie et du sentimentau profit de la rhétorique.

Que reproche Baudelaire aux romantiques ? de mêler à la poésie pure trop de passions,trop d'idées, trop de leçons morales.

Ainsi chacune de ces Écoles ne nie peut-être pas la valeur de tout ce qui laprécède, mais elle attaque surtout la conception, selon elle incomplète ou fausse, que ses prédécesseurs se font dela poésie.

Il va de soi, bien entendu, qu'aucun de ces écrivains ne détenait la définition même de l'Art.

Mais il estnon moins certain qu'en cherchant à saisir dans toute sa pureté ce qui caractérise l'Art ou un genre, d'éminentsservices étaient rendus à la littérature et des réussites particulièrement «pures» étaient possibles.

Par exemple,Mallarmé, héritant de l'effort de ses prédécesseurs, dégage la poésie dans toute sa pureté, éliminant de celle-citout ce que la prose pourrait aussi bien dire.

Sans qu'on puisse parler véritablement de progrès (il ne s'agit pas derelancer ici la querelle des Anciens et des Modernes), il est néanmoins incontestable que la succession des Écolespoétiques n'a pas été purement stérile, parce qu'elle n'a pas totalement tourné en rond. II Les limites de la notion d'Ecole chez les grands créateurs (Cependant une discussion s'impose, dont Maurois nous fournit les éléments.) 1 «Les frontières de ces concepts sont confuses.» Malgré le renouvellement apporté par chaque École à la notiond'art, il est souvent difficile de délimiter nettement les Écoles les unes par rapport aux autres, et cela de deuxfaçons : dans la succession chronologique d'une part, dans leurs effectifs d'autre part.

Même les Écoles les mieuxconstituées comme telles ont des limites dans le temps assez indéterminées : l'École classique est généralementappelée École de 1660, mais aujourd'hui on considère que cette date ne répond pas à grand-chose et que si, vers1660, un certain esprit nouveau s'est imposé, aucun groupe précis ne s'est constitué.

De même, il est très difficilede lier l'avènement du romantisme à un écrit ou à un fait quelconque : le Génie du Christianisme (1802), Del'Allemagne (Mme de Staël, 1810), les Méditations (Lamartine, 1820), la fondation du Globe (1824), Racine etShakespeare (Stendhal, 1823), la Préface de Cromwell et la constitution du Cénacle (1827), que choisir ? Il estencore plus difficile de fixer la date à laquelle prend fin une École.

On a longtemps fait mourir le classicisme en 1715avec Louis XIV, actuellement on proposerait plutôt les environs de 1685 avec l'avènement de ce que l'on peutappeler l'esprit «moderne» ; de même, le romantisme meurt, dit-on parfois, en 1843 avec la chute des Burgraves,mais on peut aussi bien considérer qu'en 1830 il est mort en tant qu'École proprement dite et ne survit plus quecomme tendance.

Pourtant un romantisme politique se prolongera jusqu'en 1848, année qui verra à la fois sontriomphe et son échec.

Même si l'on s'en tient à une date donnée, il est très difficile de déterminer les membres etles adversaires d'une École.

Qui fut vraiment et purement classique ? A ne vouloir y faire entrer que des purs,Voltaire refuse le titre de classique à presque tout le monde (voir son Temple du Goût) et de fait ni un La Fontaine,ni un Bossuet, ni un Molière n'offrent tous les caractères du classicisme voltairien.

Bien plus, un Boileau lui sembleparfois familier ou burlesque et par conséquent Voltaire n'admettra pas toutes les œuvres du grand critiqueclassique dans le classicisme ! Pour les Écoles plus récentes, la confusion des frontières est encore plus grande :Flaubert s'est toujours méfié en ce qui le concernait de l'étiquette de réaliste, Bergson déclarait qu'il avait enhorreur le bergsonisme ; Sartre et Simone de Beauvoir ne se proclamèrent existentialistes qu'un temps, et de nosjours qui pourrait-on vraiment enregistrer sans d'infinies discussions sous la bannière du structuralisme ? Seuls peut-être les surréalistes, parce qu'ils constituèrent plus un groupe qu'une École, sont assez faciles à répertorier.

Maisl'épithète de surréaliste est devenue, elle, d'une extension à peu près infinie.

Ainsi rien n'échappe plus à l'histoireque les frontières d'une École littéraire. 2 La puissance des créateurs «fait éclater les cadres».

Pouvons-nous du moins espérer trouver au cœur d'une Écoleun ou deux grands noms qui représentent celle-ci dans toute sa pureté ? Si la liste des disciples est un peuincertaine, trouve-t-on du moins des maîtres reconnus ? En apparence cela semble évident ; à voir les choses deplus près, on s'aperçoit qu'il n'y a presque jamais de chef d'École littéraire reconnu.

Boileau ne fut pas ce chefd'orchestre qu'imagina un temps la critique, et son Art poétique (1674) est postérieur à la plupart des grandesœuvres classiques.

Ni un Chateaubriand (qui considérait les romantiques comme des barbares) ni même un Hugo,oratoire, volontiers moral et moralisant, au surplus solidement équilibré dans son génie un peu massif, ne peuventêtre considérés comme les chefs indiscutés du romantisme.

Quel est le chef du Parnasse ? Ce ne peut être ni Th.Gautier, ancien romantique qui oriente son romantisme vers l'art pur, ni Leconte de Lisle dont les Poèmes antiques(1852) sont antérieurs au recueil intitulé Le Parnasse contemporain (1866), ni Baudelaire, parnassien d'apparence etde circonstance.

Quant au symbolisme, ni Verlaine ni Mallarmé ni Rimbaud n'ont utilisé de ce terme et il fautattendre le Manifeste de Moréas en 1886 pour voir fonder une École dont les plus grands noms avaient alors achevéleur œuvre.

Seule exception notable, André Breton resta toujours par sa forte personnalité le chef de l'Écolesurréaliste dont il fut l'âme jusqu'à sa mort ; cependant ses excommunications brutales et sans appel vidèrent peu àpeu le groupe des noms les plus marquants : Aragon, Éluard, Artaud s'écartèrent les uns après les autres du groupesurréaliste qui, après la guerre de 1939-1945, ne fut plus qu'une École d'importance secondaire. 3 «Les grands écrivains ne sont jamais les prisonniers d'une doctrine».

Y a-t-il même un seul grand auteur pour êtreresté toute sa vie fidèle à une doctrine unique ? A priori cela semble difficile.

En effet tant que la doctrine était uneréaction vivante, elle était utile à l'écrivain ; on remarquera notamment que beaucoup de révolutions littéraires sefont au nom de la vie : les classiques déclarent qu'ils ne veulent plus quitter la nature d'un pas ; les romantiquespensent qu'il est temps de revenir à la vie sous tous ses aspects, sublimes et grotesques ; les surréalistes estiment. »

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