Devoir de Philosophie

Les passions nous empêchent-elles de faire notre devoir ?

Publié le 13/11/2005

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Or la recherche du bonheur à travers la satisfaction d'une passion ne peut mener à une stabilité. En effet, en perdant son objet, le passionné est plongé dans les plus profondes afflictions.

* L'investissement affectif exclusif du passionné est lié à un processus de déformation crée par son imagination. Il attribue à l'objet de sa passion plus de valeur qu'il n'a en réalité. Dans la recherche du temps perdu de Proust, le narrateur décrit sa passion pour la Berma, une grande actrice. Mais lorsqu'il assiste à sa première représentation, il est déçu par la grossièreté de la salle et le peu de grandeur du jeu de l'artiste.

* Non seulement la recherche du bonheur dans la satisfaction des passions est une illusion, mais elle contredit en plus le sens d'obligation catégorique du devoir. Qu'un commerçant rende la monnaie n'est pas suffisant pour que son acte ait été fait par devoir. Il peut le faire parce qu'il a peur d'un châtiment lequel s'oppose à sa cupidité. Mais il aura pleinement accompli son devoir que s'il le fait animé d'une bonne volonté laquelle ajoute à l'action conforme au devoir une intention qui reconnaît son obligation catégorique.

*  L'intitulé du sujet propose de confronter deux notions : les passions et le devoir.

Une première difficulté apparaît dans le fait que le devoir est une notion au programme tandis que la passion ne l'est plus.

Cette difficulté est néanmoins atténuée par la présence certaine de cette notion dans quelques textes philosophiques de votre manuel tellement elle nourrit la réflexion. D'où une seconde raison pour tempérer cette difficulté : l'intérêt que les passions suscitent.

* Pour faire que cette intérêt soit philosophique, il faut situer les passions dans un réseau conceptuel.

Proposons deux niveaux.

 

-Du point de vue de notre nature sensible et sociable, la passion doit être mise en relation avec le besoin et le désir.

-Cette nature doit ensuite être confrontée à notre raison morale.

 

Ces deux points de vue vont permettre de développer et d'organiser avec cohérence les deux aspects apparemment contraires de la passion. Dans son étymologie (patior, souffrir, supporter), le terme « passions « renvoie à la passivité de l'individu. La passion du jeu domine un homme qui devient prisonnier des casinos. L'amour soumet l'amoureux aux tourments de la jalousie. Pourtant, dans notre société, la passion est jugée favorablement. Elle est même un réflexe identitaire. Dis-moi ta passion et je te dirais qui tu es. Un être sans passion n'est pas loin de la dépression. L'idéologie de la passion est liée au culte de la performance et de la réussite.

Elle est ce qui permet à chacun de se dépasser, de donner le meilleur de lui-même. Le passionné de musique n'est-il pas celui qui crée les oeuvres les plus belles ? Un passionné de mathématiques n'est-il pas promis à la carrière la plus exemplaire ?

* Une fois ces distinctions clairement établies, il faut définir la seconde notion du sujet : le devoir.

Dans son origine étymologique, le devoir renvoie au latin « debere « qui signifie « avoir quelque chose en le tenant de quelqu'un «. Si on développe la signification de l'étymologie, on doit associer le devoir à la dette. « avoir quelque chose en le tenant de quelqu'un «, c'est lui être redevable.

Le devoir implique donc une injonction extérieure (autrui, la loi, la société). Mais quelle est la finalité de cette injonction ? Est-ce la recherche du bonheur ou l'obéissance catégorique ?

 

« mécanisme d'aliénation.

* L'objet d'une passion est sujet à un investissement affectif exclusif.

Rien hormis l'objet du passionné n'a d'intérêtpour lui.

De même que dans la passion amoureuse, le joueur passionné puise presque tout son plaisir de la table dejeu.

Or la recherche du bonheur à travers la satisfaction d'une passion ne peut mener à une stabilité.En effet, en perdant son objet, le passionné est plongé dans les plus profondes afflictions.* L'investissement affectif exclusif du passionné est lié à un processus de déformation crée par son imagination.Il attribue à l'objet de sa passion plus de valeur qu'il n'a en réalité.

Dans la recherche du temps perdu de Proust, lenarrateur décrit sa passion pour la Berma, une grande actrice.

Mais lorsqu'il assiste à sa première représentation, ilest déçu par la grossièreté de la salle et le peu de grandeur du jeu de l'artiste.* Non seulement la recherche du bonheur dans la satisfaction des passions est une illusion, mais elle contredit enplus le sens d'obligation catégorique du devoir.

Qu'un commerçant rende la monnaie n'est pas suffisant pour que sonacte ait été fait par devoir.

Il peut le faire parce qu'il a peur d'un châtiment lequel s'oppose à sa cupidité.

Mais ilaura pleinement accompli son devoir que s'il le fait animé d'une bonne volonté laquelle ajoute à l'action conforme audevoir une intention qui reconnaît son obligation catégorique.* En quoi les passions empêchent l'individu d'agir par devoir ? Cet empêchement est-il absolu ? 3) Les passions empêchent l'individu d'agir par devoir, mais favorisent son accomplissement à l'échelle del'humanité.

* Le devoir oblige catégoriquement parce qu'il est un commandement de la raison.Ce commandement s'adresse universellement à tout être raisonnable, oblige en tout temps, pour tout acte etimpose le respect d'autrui.

En conséquence, il exige d'agir indépendamment de tout intérêt particulier.

Car cesintérêts ou passions ne sont pas les mêmes pour tous, sont instables et visent à instrumentaliser autrui.C'est la raison pour laquelle Kant affirme que « la passion est une gangrène pour la raison pratique .

» (Kant , Anthropologie du point de vue pragmatique ). * Néanmoins l'opposition entre le devoir et les passions n'impliquent pas que l'intention d'un homme contredisenécessairement le commandement de la raison.

Si la passion est bien une maladie, tout être raisonnable est libre dene pas la subir.

Dès lors, ce qui empêche le devoir n'est pas seulement les passions, mais aussi la liberté du sujetmoral.

C'est un mensonge d'affirmer que les passions sont plus fortes que ma volonté.

Descartes soutient l'idée qu'iln'y a pas d'âme si faible qui n'ait un pouvoir absolu sur ses passions.

( Les passions de l'âme ) * Il convient enfin de relativiser cette analyse en prenant en compte le point de vue, non plus de l'individu, mais del'humanité.

En effet, des passions comme l'amour-propre ou l'ambition poussent chacun à être le rival des autres.Chaque homme, voulant dépasser autrui, cherche à se dépasser lui-même et développe ainsi ses talents.

Cetteremarque peut être le point de départ d'une philosophie, comme celle de Kant, qui voit dans l'Histoire, le mécanismede « l'insociable sociabilité » faire des conflits passionnels un moyen pour contraindre les hommes à agir par devoir.(Kant, Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique ). L'insociable sociabilité de l'homme «J'entends ici par antagonisme l'insociable sociabilité des hommes, c'est-à-dire leur inclination à entrer en société, inclination qui est cependant doubléepar une répulsion générale à le faire, menaçant constamment de désagrégercette société.» Kant, Idée d'une histoire universelle au point de vuecosmopolitique (1784). • Kant dit bien la tension interne qui règne dans le tempérament humain et,du coup, dans la société.

D'un côté, les hommes tendent à s'associer, del'autre, ils y répugnent.

L'homme est ambivalent, et la société est traversée àla fois par des forces qui la maintiennent, et des forces qui la mettent endanger.• Cependant, l'effet de ces forces est, lui aussi, ambivalent.

Car Kant voitdans cet égoïsme naturel des hommes, dans leur vanité et leur désir dedomination, un aiguillon qui les pousse à développer leurs talents.

Sans cela,la société baignerait «dans une concorde, une satisfaction et un amourmutuel parfaits», qui serait, en fait, moins profitable à l'espèce que cetteémulation.

L'égoïsme a donc paradoxalement aussi son rôle à jouer dans ledéveloppement de la société. « L'homme a un penchant à s'associer, car dans un tel état, il se sent plus qu'homme par le développement de ses dispositions naturelles.

Mais il manifeste aussi une grande propension à sedétacher (s'isoler), car il trouve en même temps en lui le caractère d'insociabilité qui le pousse à vouloir tout dirigerdans son sens ; et de, ce fait, il s'attend à rencontrer des résistances de tous côtés, de même qu'il se sait par lui-même enclin à résister aux autres.

C'est cette résistance qui éveille toutes les forces de l'homme, le porte àsurmonter son inclination à la paresse, et, sous l'impulsion de l'ambition, de l'instinct de domination ou de cupidité, àse frayer une place parmi ses compagnons qu'il supporte de mauvais gré, mais dont il ne peut se passer.

L'homme aalors parcouru les premiers pas, qui de la grossièreté le mènent à la culture dont le fondement véritable est la valeursociale de l'homme […] .

Sans ces qualités d'insociabilité, peu sympathiques certes par elles-mêmes, source de larésistance que chacun doit nécessairement rencontrer à ses prétentions égoïstes, tous les talents resteraient àjamais enfouis en germes, au milieu d'une existence de bergers d'Arcadie, dans une concorde, une satisfaction et un. »

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