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L'existence de Dieu : une nécessité morale E. KANT

Publié le 26/01/2020

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dieu

Kant réfute toutes les preuves métaphysiques de l'existence de Dieu : après lui, on ne pourra plus les admettre comme convaincantes. En revanche, il affirme la nécessité morale de postuler l'existence de Dieu. Ainsi la perspective se renverse, et le problème de Dieu se trouve posé sur des bases renouvelées.

Le bonheur est l’état dans le monde d’un être raisonnable, à qui, dans tout le cours de son existence, tout arrive suivant son souhait et sa volonté ; il repose donc sur l’accord de la nature avec le but tout entier qu’il poursuit, et aussi avec le principe essentiel de détermination de sa volonté. Or la loi morale, comme une loi de la liberté, ordonne par des principes déterminants qui doivent être tout à fait indépendants de la nature et de l’accord de cette dernière avec notre faculté de désirer (comme mobiles). Mais l’être raisonnable, qui agit dans le monde, n’est pas cependant en même temps cause du monde et de la nature elle-même. Donc, dans la loi morale, il n’y a pas le moindre principe pour une connexion nécessaire entre la moralité et le bonheur qui lui est proportionné, chez un être appartenant comme partie au monde et par conséquent en dépendant, qui justement pour cela, ne peut, par sa volonté, être cause de cette nature et ne peut, quant à son bonheur, la mettre par ses propres forces complètement d’accord avec ses principes pratiques. Cependant dans le problème pratique de la raison pure, c’est-à-dire dans la poursuite nécessaire du souverain bien, on postule une telle connexion comme nécessaire : nous devons chercher à réaliser le souverain bien (qui doit donc être possible). Ainsi on postule aussi l’existence d’une cause de toute la nature, distincte de la nature et contenant le principe de cette connexion, c’est-à-dire de l’harmonie exacte du bonheur et de la moralité. Mais cette cause suprême doit renfermer le principe de l'accord de la nature, non seulement avec une loi de la volonté des êtres raisonnables, mais aussi avec la représentation de cette loi en tant que ceux-ci en font le principe suprême de détermination de leur volonté ; partant non seulement avec les mœurs d’après la forme, mais aussi avec leur moralité comme principe déterminant, c’est-à-dire avec leur intention morale. Le souverain bien n’est donc possible dans le • monde qu’en tant qu’on admet une cause suprême de la nature qui a une causalité conforme à l’intention morale. Or un être qui est capable d’agir d’après la représentation de lois est une intelligence (un être raisonnable), et la causalité d’un tel être, d’après cette représentation des lois, est sa volonté. Donc la cause suprême de la nature, en tant qu’elle doit être supposée pour le souverain bien, est un être qui, par l'entendement et la volonté, est la cause, partant l’auteur de la nature, c’est-à-dire Dieu. Par conséquent le postulat de la possibilité du souverain bien dérivé (du meilleur monde) est en même temps le postulat de la réalité d’un souverain bien primitif, à savoir de l’existence de Dieu. Or, c’était un devoir pour nous de réaliser le souverain bien, partant non seulement un droit, mais aussi une nécessité liée comme besoin avec le devoir, de supposer la possibilité de ce souverain bien, qui, puisqu’il n’est possible que sous la condition de l’existence de Dieu, lie inséparablement la supposition de cette existence avec le devoir, c’est-à-dire qu’il est moralement nécessaire d’admettre l’existence de Dieu.

Emmanuel Kant, Critique de la Raison pratique (1788), trad. F. Picavert, coll. « Bibliothèque de philosophie contemporaine », éd. PUF, 1965, pp. 134-135.

1. Cf. Bernard Sève, La Question philosophique de l'existence de Dieu, éd. PUF, 1994, pp. 38-48.

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