L'homme est-il un loup pour l'homme ?
Publié le 11/06/2013
Extrait du document
«
sont les meilleurs de recourir, par le droit d'une légitime défense, à la force et à la
tromperie, qui sont les vertus de la guerre ...
»
Quelles sont les vertus propres à cette situation? Les vertus de la guerre,
justement, c'est -à-dire les qualités qui font la supériorité du guerrier : la force, la
ruse, la tromperie, la rapacité.
Dans l'état de nature, ce ne sont pas des vices; il n'y a
rien d'immoral à tromper son ennemi, pas plus que le cam éléon n'est immoral
lorsqu'il se fond dans le décor grâce à son camouflage naturel.
Dire que l'homme est
un loup pour l'homme nous rappelle simplement qu'antérieurement au droit civil, qui
dit à chacun ce qui lui appartient, les hommes jouissent d'un droit naturel en vertu
duquel ils peuvent faire main basse sur toute chose, dès lors qu'ils ont la puissance
suffisante pour le faire.
En vertu du droit naturel (en fait une absence de droit), tous
les moyens sont bons pour parvenir à ses fins, qui est de conse rver sa vie et de veiller
à sa sécurité.
Selon que les autres hommes favorisent ce projet ou le menacent, ils
seront mes alliés, toujours provisoires, ou mes ennemis, qu'il s'agit à tout prix
d'empêcher de me nuire.
Les hommes sont donc des loups pour leur s semblables dans cette condition
très particulière qu'est l'état de nature.
Mais Hobbes va s'appuyer sur ces dispositions
belliqueuses comme sur un levier pour faire basculer l'état de nature, intenable
d'insécurité et de dangers, dans un État digne de ce nom, doté d'une instance centrale
de pouvoir qui tienne en respect tous les citoyens, et qui fixe à chacun les droits qui
sont les siens.
Hobbes ne s'en tient donc pas à constater que l'homme est un loup
pour l'homme, comme s'il méditait sur la nature réd hibitoirement cruelle ou
agressive de l'être humain.
C'est justement parce que le contexte extérieur de l'état de
nature conditionne l'homme à la guerre destructrice de sa propre espèce qu'il faut
changer ces conditions initiales de vie et instituer un Eta t de droit qui concentrera le
pouvoir entre ses mains.
C'est seulement dans un tel État que les hommes pourront entretenir entre eux
de tout autres relations, pacifiques et faites d'aide mutuelle, qui sont aussi conformes
à la nature de l'homme vivant dans une société policée, que les rapports hostiles et
guerriers sont conformes à l'état de nature.
L'homme n'est pas davantage un loup
pour l'homme qu'un dieu : «Et certainement il est également vrai, et qu'un homme
est un dieu à un autre homme, et qu'un homm e est aussi un loup à un autre homme.
» (Épître dédicatoire, Le Citoyen ).
Dans le même ordre d'idées, Spinoza, philosophe contemporain de Hobbes
(1632 -1677), développait dans son Éthique (parue en 1677 après la mort de l'auteur)
une thèse identique : les hommes dans l'état de nature sont comme des loups les uns
pour les autres, et vivent encore ainsi les hommes qui sont soumis aux passions.
Mais
l'homme qui vit sous la conduite de la rais on sait que rien n'est plus utile à l'homme
que l'homme ( Éthique, livre IV, proposition 18, scolie ).
Quand donc les philosophes disent que l'homme est un loup pour l'homme, ce
n'est pas pour glorifier la violence et les rapports de force dans la société.
C ela ne doit
pas s'entendre comme la vérité de la nature humaine.
C'est tout au contraire pour
démontrer que l'ordre social a pour finalité de résorber la violence naturelle, et qu'il
est institué pour que les hommes se comportent entre eux d'une manière pl einement
humaine, pleinement conforme à leur nature rationnelle.
II.
Est -il bon, est -il méchant?.
»
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