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Mais quoi, tourmenter ses cheveux était sa seule joie.

Publié le 15/12/2013

Extrait du document

joie
Mais quoi, tourmenter ses cheveux était sa seule joie. Il fallait un peu de joie pour supporter le malheur, pour continuer à ivre, il le savait maintenant, n'importe quelle sorte de joie, même infime, même idiote. Et puis, quand il peignait ses heveux, quand il les bouclait, quand il en arrachait, il était moins seul. 'était un entretien avec ses cheveux. Il avait des rapports avec ses cheveux. Ses cheveux lui tenaient compagnie. ssis et torturant ses cheveux, compagnons de son malheur, il remâchait les bonheurs perdus. Le moming tea qu'il lui pportait au lit, le dimanche. Il entrait avec la tasse, tout content. Bonjour, chouquette. Bien dormi, la chouquette, bien eposée? Voilà le bon thé pour la chouquette! Elle était tellement endormie qu'elle ouvrait d'abord un oeil seulement, un eu ahurie, et il l'adorait quand elle le regardait rien qu'avec un oeil. Chérie, chérie. Et puis elle se redressait, ouvrait 'autre oeil, prenait la tasse à deux mains, maladroite de sommeil, les cheveux en l'air comme un clown, un clown ellement joli. Voilà le bon thé pour la chouquette, murmura-t-il. h chic elle disait en prenant la tasse, oh merci elle disait, et elle se penchait sur la tasse, et lui son coeur enchaîné à ce isage pendant qu'elle buvait. Il l'observait pour savoir si elle trouvait bon le thé qu'il avait préparé, et il attendait les ppréciations. Bon, elle disait après la deuxième ou troisième gorgée, bon ce thé, elle disait avec sa voix du réveil, une oix de petite fille. Alors lui, fier d'avoir fait du bon thé, fier du petit bonheur qu'il lui donnait, qu'il surveillait sur son isage pendant qu'elle buvait à moitié endormie, un peu bébé, et lui la main prête à retenir la tasse si la tasse penchait rop. Oh chic, après je vais redormir, elle disait. Oh chic, après je vais redormir, murmura-t-il. 82 uand elle avait fini, elle lui rendait la tasse. Je vais me refourrer, elle disait, et elle se tournait vers le mur, elle se mettait ur le côté, elle ramenait la couverture sous le menton, elle se pelotonnait, c'était bon de la voir se pelotonner. Reposeoi, chérie, dors tranquillement, je t'apporterai ton petit déjeuner plus tard, dans une heure, veux-tu? Elle disait oui, la ouche contre l'oreiller. Quelquefois elle disait ouais, tellement elle avait envie de dormir, et elle se pelotonnait encore lus. Ça lui faisait du bien à lui de la voir se pelotonner comme ça, de la voir si confortable. Avant de s'en aller, il se enchait pour regarder encore le visage, et il la bordait dans le dos pour la faire encore plus confortable. Une fois, quand l lui avait apporté le morning tea, elle lui avait dit qu'il était un bon mari. Alors pourquoi, mon Dieu, pourquoi? mur-mura-t-il, et il tortura les poils du bas-ventre, essaya d'en arracher. près le morning tea, quand elle avait pris son bain, c'était le petit déjeuner qu'il lui apportait au lit, heureux de la servir, t tant pis pour les regards de Mam-mie rencontrée dans l'escalier. out bien servi sur le plateau, toasts, beurre, confiture. Les tartines qu'elle pouvait se faire, et lui content de la voir ettre beaucoup de beurre, à cause des vitamines. Il la regardait manger, il aimait la regarder manger, la regarder se ortifier. uelquefois, il lui faisait une farce en entrant, il lui annonçait que l'âne du jardinier était très malade ou bien que ariette s'était cassé la jambe. Pour le plaisir de lui dire tout de suite après que c'était pas vrai, pour la voir sourire, pour ui donner du bonheur. près le petit déjeuner, elle allumait une cigarette, et toujours la fumée lui piquait les yeux. La jolie grimace qu'elle faisait. t puis on causait en amis, mari et femme, on parlait de tout Quand elle lui racontait de sa chouette apprivoisée, de sa hatte, comme elle 83 'animait. Si gentille alors, s'arrêtant de raconter pour voir s'il admirait. Ou bien elle lui lisait des histoires de bêtes fidèles. lle s'enthousiasmait, si pure, elle s'arrêtait de lire pour voir s'il appréciait l'histoire, pour voir s'il participait, pour le rendre à témoin du dévouement de l'éléphant. Lui, il exagérait son intérêt pour lui faire plaisir. Quelquefois, elle lui acontait de son enfance, que lorsqu'elle était toute petite elle disait panthères pour dire pommes de terre. Tout ça, tout a, on causait, on était des amis au petit déjeuner. Il était son mari, elle était sa femme, c'était beau, c'était la vérité de la ie. Reviens, veux-tu, car ma souffrance est infinie, chantonna-t-il doucement, toujours assis sur le siège en imitation cajou, le pantalon défait, les fesses nues, les mains jointes en prière. on Dieu, il aimait tellement lui téléphoner du Palais, lui dire bonjour, pour rien, pour entendre sa voix, pour savoir ce u'elle faisait en ce moment. Et quand Vévé lui faisait une crasse, vite il lui téléphonait de venir le voir au bureau, et rien ue de savoir qu'elle serait là bientôt, il reprenait courage. ambes écartées sur le tabouret, l'ours en peluche le considérait, placide. Deux couillons en face l'un de l'autre. échante, méchante. À quoi ça l'avançait de dire méchante? Ça ne la faisait pas revenir. Ça ne l'empêchait pas de. Un aible, un pauvre type, voilà ce qu'il était, et rien d'autre. ien fait, puni d'être faible. Sans se lever, il tira la chaîne, frissonna, les fesses mouillées par les éclaboussements, passa e nouveau le peigne dans ses cheveux, les rabattit sur le front, les ramena en arrière. Les forts, les dictateurs ne ourmentaient pas leurs cheveux, ne restaient pas des heures assis sur un siège de cabinet. Lui, c'était tout ce qu'il savait faire. Abandonnant son peigne, il sortit le chargeur. Six balles. La première tout en haut, on la voyait entière-784 ment. Si petite et pourtant, hein, dis chérie? Le chargeur remis en place, il ôta le cran d'arrêt, tira la pièce mobile, lâcha le mécanisme. Voilà, ça y était, la première balle était logée. À la cuisine, le fil de fer bien tendu, tellement droit, agréable à voir. Il avait bien réussi à le tendre, il aimait le regarder chaque fois qu'il allait à la cuisine, c'était une réussite. Il y tenait, et voilà, il fallait le quitter maintenant. Oui, ça y était, la première était dans le canon. Bien dormi, la chou-quette? Non, bien joui, plutôt. Assez, on s'en foutait de cette femme. Après tout, elle aussi allait au water. La solution, oui, c'était le dehors, la vie réelle, les autres. Sortir, oui, aller dans une boîte de nuit, aller au Donon, la boîte chic. D'abord prendre un bain, puis le smoking, puis le taxi, et le Donon. Le smoking neuf, celui du dîner au Ritz. Le bain, vite. Il sourit pour avoir de l'optimisme. Il se leva, remonta son pantalon, frappa du pied pour avoir de la vitalité. Oui, le bain. Le bain, c'est le salut. ans le bain, il sentit terriblement son malheur. Tout seul dans cette eau, et se faire propre pour rien, pour personne. C'était pour elle qu'il se lavait autrefois. Tout seul dans de l'eau, alors que les deux étaient en train de dormir, l'un contre l'autre. Ou peut-être qu'ils ne dormaient pas, peut-être qu'ils, juste en ce moment. Oui, et pourtant un visage si pur, si enfantin lorsqu'une histoire de bête fidèle l'enthousiasmait. Est-ce qu'ils prenaient des précautions ? Mais son malheur, il le sentit bien plus lorsque, après s'être machinalement savonné les cheveux, il plongea la tête sous l'eau pour les rincer et qu'il y resta plusieurs secondes, oreilles bouchées, comme il avait l'habitude. Dieu, qu'il était seul dans cette eau, dans ce silence. Il étouffait de malheur sous l'eau, tout seul, entouré d'eau, les yeux ouverts. Il sortit la ête pour respirer, s'immergea de nouveau pour être au fond de l'eau, au fond du malheur. 785 En smoking, le pantalon à ganse de soie abaissé sur ses genoux, les fesses nues et une fois de plus trônant sur le siège en mitation acajou, il était penché sur la première photo qu'il avait prise d'elle, pendant les fiançailles. Juste avant le déclic, lle lui avait dit qu'elle le regarderait en pensant qu'elle l'aimait. La gorge durcie et les yeux secs, le collier de barbe remblant et les mains froides, il contempla le beau visage qui lui disait son amour, qui le lui dirait chaque fois qu'il le egarderait. Téléphoner à Kanakis, le supplier de venir? Ça ne se faisait pas, c'était trop tard, onze heures du soir, de quoi est-ce qu'il aurait l'air? Et puis à Kanakis, ça lui était bien égal, son malheur. Après un enterrement, tout le monde allait bouffer. --Le Donon, oui. Mais rentrer et ne pas la trouver? À qui dire au revoir le matin, à qui bonne nuit, le soir? Le soir, quand ils s'étaient quittés, de sa chambre, à travers le mur, il lui criait, pour être encore avec elle, même de loin, il lui criait de nouveau bonne nuit. Plusieurs fois il lui criait bonne nuit. Dors bien, chérie, bonne nuit, bonne nuit, dors bien, à demain. C'était des cris d'amour, tout ça. Quand il y avait une belle musique à la radio, vite il l'appelait, il ne pouvait rien écouter de beau si lle n'était pas avec lui pour partager. De nouveau, il se leva. 'embrouillant dans son pantalon de smoking tombé aux chevilles, il alla devant la glace du lavabo, s'y considéra, s'y fit un ourire. Voilà, c'était ça le désespoir, se sourire tout seul dans une glace. Qu'est-ce que je dois faire? demanda-t-il à la glace. l'école, les leçons apprises avec tant de soin, jusqu'à onze heures, jusqu'à minuit. Couche-toi, Didi, il est tard, disait ammic. Mais il voulait être le premier à la composition de récitation, et il rallumait lorsqu'elle était partie, et le matin il e levait à cinq 86 eures pour repasser la composition. À quoi bon? Sa joie de commencer des cahiers neufs à la rentrée, en octobre. Avec quel soin il inscrivait les titres, avec quel amour. À quoi bon? Herstal, Belgique. Une fois, au morning tea, elle lui avait cligné de l'oeil pour rien, par amitié, pour lui dire qu'on 'entendait bien. Dans la glace, il se cligna de l'oeil. Ses paupières étaient vivantes, lui obéissaient. ne fois encore assis sur le siège, il ôta le cran d'arrêt du browning, le remit, passa ses doigts dans ses cheveux en sueur, onsidéra ses doigts, les essuya à la veste du pyjama. Il avait peur. Des gouttes coulaient le long du collier de barbe, enaient se rejoindre sous le menton. Il avait peur. De nouveau, il ôta le cran d'arrêt. Même pour mourir, il fallait faire un este de vie, presser la détente. L'index qui pressait la détente, qui bougeait encore une fois afin de ne plus jamais ouger. Oui, voilà, le tout était que l'index voulût presser. ais lui, non, il était jeune, il avait toute la vie devant lui. onseiller bientôt, puis directeur de section. Demain, dicter le rapport. Se lever maintenant, téléphoner pour un taxi, et uis le Donon. Oui, le Donon. ais d'abord le mettre un peu contre la tempe, juste pour voir comment c'était quand on s'y décidait. Mais lui, non, pas i bête, il était jeune, il avait toute la vie devant lui. Lui, c'était seulement pour voir. Seulement faire le geste, pour se rendre compte, pour voir comment on faisait. Oui, c'était comme ça qu'on faisait, le canon contre la tempe. Mais lui, non, son index ne voudrait pas. Lui, c'était seulement pour voir. Lui, non, non, très peu pour lui, pas si bête. Bien dormi, bien eposée? Une fois, elle lui avait cligné de l'oeil. lle lui cligna de l'oeil, et son index voulut. Couche-toi maintenant, il est tard, chuchota une voix à son oreille tandis que entement il se prosternait. Le front sur le tabouret, entre les pattes de l'ourson, il entra dans la chambre chaude de son nfance. INQUIÈME PARTIE
joie

« faire. Abandonnant sonpeigne, ilsortit lechargeur.

Sixballes.

Lapremière toutenhaut, onlavoyait entière-784 ment.

Sipetite etpourtant, hein,dischérie? Lechargeur remisenplace, ilôta lecran d'arrêt, tiralapièce mobile, lâchale mécanisme.

Voilà,çayétait, lapremière balleétaitlogée.

Àla cuisine, lefil de fer bien tendu, tellement droit,agréable à voir. Il avait bienréussi àle tendre, ilaimait leregarder chaquefoisqu'il allait àla cuisine, c'étaituneréussite.

Ilytenait, et voilà, ilfallait lequitter maintenant.

Oui,çayétait, lapremière étaitdans lecanon.

Biendormi, lachou-quette? Non,bien joui, plutôt. Assez, ons'en foutait decette femme.

Aprèstout,elleaussi allaitauwater. La solution, oui,c'était ledehors, lavie réelle, lesautres. Sortir, oui,aller dans uneboîte denuit, allerauDonon, laboîte chic.D'abord prendre unbain, puislesmoking, puisle taxi, etleDonon.

Lesmoking neuf,celuidudîner auRitz.

Lebain, vite. Il sourit pouravoir del'optimisme.

Ilse leva, remonta sonpantalon, frappadupied pour avoir delavitalité. — Oui, lebain.

Lebain, c'estlesalut. Dans lebain, ilsentit terriblement sonmalheur.

Toutseuldans cette eau,etse faire propre pourrien,pour personne. C'était pourellequ'il selavait autrefois.

Toutseuldans del'eau, alorsquelesdeux étaient entrain dedormir, l'uncontre l'autre.

Oupeut-être qu'ilsnedormaient pas,peut-être qu'ils,justeencemoment.

Oui,etpourtant unvisage sipur, si enfantin lorsqu'une histoiredebête fidèle l'enthousiasmait.

Est-cequ'ilsprenaient desprécautions ? Mais sonmalheur, ille sentit bienpluslorsque, aprèss'être machinalement savonnélescheveux, ilplongea latête sous l'eau pourlesrincer etqu'il yresta plusieurs secondes, oreillesbouchées, commeilavait l'habitude.

Dieu,qu'ilétait seul dans cette eau,dans cesilence.

Ilétouffait demalheur sousl'eau, toutseul, entouré d'eau,lesyeux ouverts.

Ilsortit la tête pour respirer, s'immergea denouveau pourêtreaufond del'eau, aufond dumalheur. 785 En smoking, lepantalon àganse desoie abaissé surses genoux, lesfesses nuesetune foisdeplus trônant surlesiège en imitation acajou,ilétait penché surlapremière photoqu'ilavait prise d'elle, pendant lesfiançailles.

Justeavant ledéclic, elle luiavait ditqu'elle leregarderait enpensant qu'ellel'aimait.

Lagorge durcie etles yeux secs, lecollier debarbe tremblant etles mains froides, ilcontempla lebeau visage quiluidisait sonamour, quilelui dirait chaque foisqu'il le regarderait.

TéléphoneràKanakis, lesupplier devenir? Çane sefaisait pas,c'était troptard, onze heures dusoir, dequoi est-ce qu'ilaurait l'air?Etpuis àKanakis, çalui était bienégal, sonmalheur.

Aprèsunenterrement, toutlemonde allait bouffer. —Le Donon, oui. Mais rentrer etne pas latrouver? Àqui dire aurevoir lematin, àqui bonne nuit,lesoir? Lesoir, quand ilss'étaient quittés, desachambre, àtravers lemur, illui criait, pourêtreencore avecelle,même deloin, illui criait denouveau bonne nuit.Plusieurs foisillui criait bonne nuit.Dors bien, chérie, bonnenuit,bonne nuit,dorsbien, àdemain.

C'étaitdes cris d'amour, toutça.Quand ilyavait unebelle musique àla radio, viteill'appelait, ilne pouvait rienécouter debeau si elle n'était pasavec luipour partager.

Denouveau, ilse leva. S'embrouillant danssonpantalon desmoking tombéauxchevilles, ilalla devant laglace dulavabo, s'yconsidéra, s'yfitun sourire.

Voilà,c'était çaledésespoir, sesourire toutseuldans uneglace. —Qu'est-ce quejedois faire? demanda-t-il àla glace. À l'école, lesleçons apprises avectantdesoin, jusqu'à onzeheures, jusqu'àminuit.Couche-toi, Didi,ilest tard, disait Mammic.

Maisilvoulait êtrelepremier àla composition derécitation, etilrallumait lorsqu'elle étaitpartie, etlematin il se levait àcinq 786 heures pourrepasser lacomposition.

Àquoi bon? Sajoie decommencer descahiers neufsàla rentrée, enoctobre.

Avec quel soinilinscrivait lestitres, avecquelamour.

Àquoi bon? Herstal, Belgique.

Unefois, aumorning tea,elleluiavait cligné del'œil pour rien,paramitié, pourluidire qu'on s'entendait bien.Danslaglace, ilse cligna del'œil.

Sespaupières étaientvivantes, luiobéissaient. Une foisencore assissurlesiège, ilôta lecran d'arrêt dubrowning, leremit, passasesdoigts danssescheveux ensueur, considéra sesdoigts, lesessuya àla veste dupyjama.

Ilavait peur.

Desgouttes coulaient lelong ducollier debarbe, venaient serejoindre souslementon.

Ilavait peur.

Denouveau, ilôta lecran d'arrêt.

Mêmepourmourir, ilfallait faireun geste devie, presser ladétente.

L'indexquipressait ladétente, quibougeait encoreunefoisafin deneplus jamais bouger.

Oui,voilà, letout était quel'index voulûtpresser. Mais lui,non, ilétait jeune, ilavait toute lavie devant lui. Conseiller bientôt,puisdirecteur desection.

Demain, dicterlerapport.

Selever maintenant, téléphonerpouruntaxi, et puis leDonon.

Oui,leDonon. Mais d'abord lemettre unpeu contre latempe, justepourvoircomment c'étaitquand ons'y décidait.

Maislui,non, pas si bête, ilétait jeune, ilavait toute lavie devant lui.Lui, c'était seulement pourvoir.Seulement fairelegeste, pourse. »

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