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Nadja : Fiche de lecture

Publié le 20/11/2018

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Nadja

 

Ce livre, un des plus accessibles et pourtant des plus émouvants de Breton (1928), a été souvent lu comme un roman. Il ne Test en aucune manière, puisqu’il rapporte des événements authentifiables par les proches de Breton et localise par des photographies le lieu de ces événements. Les phrases mêmes de Nadja et les dessins signés d’elle peuvent être retrouvés dans sa correspondance.

 

Récit, le projet répond à une intention autobiographique. « Qui suis-je? » se demande Breton dès la première ligne d’un prologue. Et, très vite, se profilent les conditions de la réponse : se connaître, c’est se connaître dans la relation; c’est se révéler dans sa généralité, c’est anticiper sur ses virtualités. A cela nous aident les « faits-glissades », événements marquants d’une vie qui se manifeste par de « pétrifiantes coïncidences », et dont on se retrouve souvent le « témoin hagard » : Breton en évoque quelques-uns de sa vie, entre 1918 et le mois d’août 1927, où il écrit le récit de Nadja. Puis il entreprend le récit d’un « fait-précipice », de même nature que les « faits-glissades » mais autrement plus bouleversant qu’eux : c’est la rencontre de Nadja, jeune femme errante, à l’esprit parfois errant, et d’une lucidité toute magique sur le monde. Les quelques mois durant lesquels ils se retrouvent sans cesse sont émaillés de telles « merveilles » que l’esprit peut difficilement les assumer. Quelques mois plus tard, on vient apprendre à Breton que Nadja a été internée : l’irréversible de cette situation confère un climat de fatalité à toute la fin de la seconde partie, où Breton médite sur le rôle de la psychiatrie et du dénuement économique dans ces cas ambigus de jointure entre folie et non-folie.

 

Autobiographie de Breton : à ceci près qu’au lieu de tenter de déjouer les illusions propres à ce genre (comme le font Sartre dans les Mots, ou Michel Leiris dans l’Âge d'homme), Breton les assume autrement. L’illusion rétrospective transforme les rapports de succession en rapports de causalité et présente comme suite logique ce qui fut juxtaposition chronologique; l’illusion « ontologique » préjuge l’existence d’un passé en soi. Or, l’art de Breton est de poser la théorie de ces illusions; de confirmer la première, dans certains cas, en lui donnant le statut de « hasard objectif », et de dissiper la seconde

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« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)BRETON: NADJA (Fiche de lecture) 1896-1966 Toute la vie d'André Breton se confond avec celle du mouvement surréaliste, dont il fut le fondateur, l'animateur, le théoricien, sans doute le principalreprésentant littéraire, et qui ne lui survécut que trois ans.Jeune étudiant en médecine, Breton, parallèlement à un fort intérêt pour la poésie, et notamment pour Baudelaire et M allarmé, se passionne pour lesphénomènes liés à l'hystérie et les travaux de Freud sur l'inconscient.

Cette confrontation d'influences, la rencontre de Paul V aléry, de Jacques Vaché,d'Apollinaire, puis de Tristan T zara, fondateur du mouvement Dada, tout vient concourir à faire éclore chez Breton la pensée surréaliste.Dès 1919, il publie ses premiers poèmes, fonde, avec Louis A ragon et P hilippe Soupault, la revue Littérature, qui verra la publication du premier texte surréaliste, Les Champs magnétiques (Breton / Soupault).

Tout d'abord fervent sympathisant de Dada, Breton, qui se passionne de plus en plus pour les possibilités de création «automatique» de l'inconscient, souhaite dépasser la négation radicale prônée par le mouvement Dada et fonde le surréalisme, quisera théorisé, dès 1924, dans le premier Manifeste du surréalisme.

Dès lors, et jusqu'à sa mort, Breton sera la «figure de proue» du mouvement dont il défendra l'orthodoxie avec passion; il fera preuve d'une intolérance à la mesure de cette passion : Tristan T zara, Antonin A rtaud, Paul Éluard, Louis A ragon,notamment, furent en butte à son intransigeance.

Grand voyageur à l'activité inlassable, figure hautement charismatique, Breton a su, au fil des ans, donnerune ampleur quasi mondiale au mouvement, et attirer dans sa sphère quelques-uns des plus grands peintres et écrivains du siècle.Son passage au Parti communiste français, puis sa rupture avec celui-ci au profit d'idées plus libertaires, sa rencontre avec Trotsky en exil au Mexique sontautant d'étapes d'une interrogation rigoureuse sur la compatibilité entre La Révolution surréaliste et Le Surréalisme au service de la Révolution (titres de revues qu'il fonda 'et dirigea).

C ette préoccupation constante devait lui permettre de définir encore plus précisément les spécificités, l'esprit du mouvement, qu'ilne cessa d'illustrer dans son abondante production littéraire.

Lorsqu'il meurt, en 1966, ses adversaires mêmes ne peuvent que rendre hommage à cettehaute figure du siècle. 1 .

LA SURRÉALITÉ L'oeuvre théorique, poétique et «romanesque» de Breton, menée de pair avec son activité de chef de file du mouvement surréaliste, est d'une incroyableabondance.

Ce que vise Breton, à travers cette oeuvre c'est la «surréalité», définie comme «une sorte de réalité absolue [...] résolution de ces deux états enapparence si contradictoires : le rêve et la réalité» (premier Manifeste — 1924). Cette visée suppose une libération du langage, en grande partie héritée de Dada, la rupture avec la logique communément admise, le droit de cité accordéaux images engendrées par l'inconscient.

Il faut savoir être ouvert au mystère, ainsi qu'aux prestiges et aux illuminations de l'amour.Nadja (prononcer Nadia, à la polonaise, selon le vœu exprès de Breton), récit publié en 1928 et revu en 1963 par l'auteur, s'ouvre sur une question essentielle, dont les développements immédiats témoignent d'une des préoccupations constantes de Breton et des surréalistes : la réceptivité au «hasardobjectif», ce réseau de correspondances mystérieuses qui se dessine parfois au milieu des réalités de la vie. «Qui suis-je ? Si par exception je m'en rapportais à un adage : en effet, pourquoi tout ne reviendrait-il pas à savoir qui je "hante" ? Je dois avouer quece dernier mot m'égare, tendant à établir entre certains êtres et moi des rapports plus singuliers, moins évitables, plus troublants que je ne pensais.[...] il me donne à entendre que ce que je tiens pour les manifestations objectives de mon existence (...) n'est que ce qui passe, dans les limites decette vie, d'une activité dont le champ véritable m'est tout à fait inconnu.» La brève histoire de l'écrivain avec Nadja, sorte de «fantôme» en effet, femme énigmatique «toujours inspirée et inspirante», illustre magistralement cepropos liminaire, que Breton tout d'abord développe et élargit dans un volumineux chapitre, jalonné d'anecdotes choisies dans ses souvenirs.2.

UN SOBRE RÉCITLa trame de l'histoire est simple: elle se présente comme la relation, sous forme de journal, des moments vécus entre Breton et Nadja, depuis lesurgissement inattendu de celle-ci dans la vie de l'auteur, jusqu'à sa tout aussi brutale disparition.

(Un chapitre conclusif rendra compte des réflexions deBreton lorsqu'il apprend que Nadja est internée dans un hôpital psychiatrique.) La narration évite l'introspection psychologique tout autant que ladescription des lieux et des objets déjà mise «hors la loi» dans le premier Manifeste du surréalisme.

L'auteur leur substitue ici des photos, qui émaillent le livre.D'une extrême sobriété de vocabulaire et de style, totalement dénué de lyrisme, ce récit, composé de phrases courtes et neutres, échappe pourtant à lasécheresse du compte rendu.

Il laisse au contraire au lecteur l'impression d'avoir assisté de l'intérieur à une expérience tout à la fois touchante et«magique».

C 'est que, derrière la presque fruste relation des épisodes de l'histoire, transparaît un univers bouleversant et mystérieux, qui est celui de Nadja: un univers proprement surréaliste, fait d'évocations, de rêve, d'une interprétation constamment poétique de la réalité.

Qui est Nadja ? Quel lien l'unit à Breton ? Autant de questions qui renvoient à l'interrogation initiale du livre («Qui suis-je ?») aussi bien qu' à celle-ci, tirée du dernier chapitre :«Qui vive ? Est-ce vous, Nadja ? Est-ce moi seul ? Est-ce moi-même ?»3.

L'ESPRIT SURRÉALISTE EN OEUVRENadja se présente comme une rencontre inclassable, non comme une femme qui pourrait s'intégrer à la vie réelle de l'auteur.

Elle est, d'une certaine façon,l'esprit surréaliste en œuvre, jailli de la mise en présence brutale d'éléments apparemment paradoxaux.

Elle confronte sans cesse Breton à l'inattendu, ausurprenant.

Un jour vêtue comme une pauvresse, le lendemain avec la plus grande élégance, oscillant d'une gaieté séductrice à l'angoisse et à l'effroi,tantôt véridique et tantôt menteuse, cette bohème, qui vit d'expédients — et pour un moment, par exemple, des libéralités de Breton — fait alterner les récitscrus, vulgaires, de sa vie de «cocotte» et le langage «inspiré» d'une prophétesse antique.Toutes les manifestations de la réalité, tous les objets sont passés au crible de son regard, de sa sensibilité interprétative :«Un masque conique, en moelle de sureau rouge et roseaux de Nouvelle Bretagne, l'a fait s'écrier : "Tiens ! Chimène !" [...] Un autre fétiche, dont je me suisdéfait était pour elle le dieu de la médisance ; un autre, de l'He de Pâques, qui est le premier objet sauvage que j'aie possédé, lui disait "Je t'aime, jet'aime".»Petit à petit, Breton se lasse de la présence de Nadja, qui le chagrine en se complaisant dans les anecdotes humiliantes de son existence, l'exaspère parson total mépris des codes simples de la vie.

C'est que Nadja est en dehors de toute règle, de toute norme.

Lorsque Breton apprend, plus tard, soninternement en hôpital psychiatrique, il plaide «non coupable» : «[...] je n'ai jamais supposé qu'elle pût perdre ou eût déjà perdu la faveur de cet instinct de conservation [...] qui fait qu'après tout mes amis et moi, nous nous tenons bien.» Car pour le surréaliste qu'est Breton, il n'y a.pas de frontières entre la folie et la non-folie, hors celles instaurées par le «diktat» social.

Et c'est sur laréaffirmation de la primauté de l'imaginaire sur les normes établies que se clôt, magistralement, le récit.. »

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