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Parler, est-ce le contraire d'agir ?

Publié le 06/05/2013

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               On entend souvent dire : « ce ne sont que des mots «, « Assez de paroles, des actes «, et un personnage de Queneau : « Tu causes, tu causes, c'est tout ce que tu sais faire «. En même temps pour plagier Musset : « On a bouleversé la terre avec des mots «. Dans les sociétés traditionnelles (Antiquité, dites primitives) le langage est démiurgique, magique, relevant du sacré. Selon la Bible c'est en parlant que Dieu créa le monde (Dieu dit : « Que la lumière soit et la lumière fut «, « Qu'il y ait firmament «, etc...). De même, dans toute culture, les formules d'objurgation (vive remontrance), d'obsécration (prière par laquelle on implore Dieu), d'exécration, jouent un rôle fondamental dans les rites de la magie et de la théurgie (magie faisant appel aux divins célestes et aux esprits surnaturels pour utiliser leurs pouvoirs). Magicien et sorcier connaissent le pouvoir secret des mots et ils savent les prononcer avec une intonation correcte. Enfin, le nomen est omen : le nom est un signe du divin. Ainsi les conceptions mystiques et religieuses voient le langage comme un pouvoir sur la réalité. Il est évident qu’il existe un pouvoir des mots. Mais d’où vient ce pouvoir : le pouvoir des mots vient-il des mots ou du pouvoir ? 

« café.

Par exemple : « Je promets de dire toute la vérité ».

Je ne décris rien mais j'accomplis une action : je fais un serment ni vrai ni faux.

Que j'y sois fidèle on non ne change rien à mon action.

Austin distingue donc deux sortes d 'énoncés : constatif qui décrit un phénomène.

« Le ciel est bleu », « Je suis heureux », « 2 et 2 font 4 ».

Performatif dont l'énonciation énonce une action du locuteur en même temps qu'elle l'accomplit.

« Je jure que...

», « J'exige que...

», « Je parie que...».

Ces énoncés sont toujours à la première personne du singulier de l'indicatif présent, voix active.

Parler, au sens du discours performatif, c'est triplement agir au sens la plus fort.

Parler, n’est -ce pas surtout agir sur l' homme ? La fonction de commandement de la parole est fondamentale.

Le langage des animaux est constitué de signaux ayant pour finalité de déterminer une réaction immédiate du récepteur.

Par exemple : la fuite.

Par ailleurs, l'apparition du langage est liée à celle du travail, ce serait parce que le travail collectif exige une organisation et donc des ordres pour la répartition des tâches et de leur exécution, ne serait- ce que de simples cris permettant de scander et de coordonner une action et un effort col lectif.

Une des fonctions du langage est donc d'agir sur autrui.

Ce que R.

Jacobson (Essais de linguistique générale, 1963) nomme la « fonction conative », elle trouve son expression grammaticale la plus pure dans le vocatif et la forme verbale de l'impéra tif qui, du point de vue syntaxique, morphologique et souvent même phonologique, s'écarte des autres catégories nominatives et verbales.

Parler, c'est agir sur autrui pour le faire réagir.

La parole commande et ordonne mais aussi persuade, par l'éloquence, la rhétorique.

Mais le pouvoir, la puissance du langage n’est- elle pas une perversion de l’acte même de parler, à savoir le dialogue ? Platon critique la puissance de la rhétorique des Sophistes.

« La rhétorique est une ouvrière (dêmiourgos) de persuasion » (Gorgias).

Elle ne tente pas de convaincre les esprits en leur enseignant la vérité, la connaissance vraie de la science (dialectique du philosopher) mais simplement en déterminant chez eux une persuasion de croyance, leur suggérant une opinion.

Fond ée sur la magie des mots, sur le charme, le faux -semblant et l'illusion, sa puissance est universelle, « car il n'est point de sujet sur lequel un homme qui sait la rhétorique ne puisse parler devant la foule d'une manière plus persuasive que l'homme de mé tier, quel qu'il soit » (Ibid.

, 456 c).

C'est pourquoi « elle englobe en elle -même, pour ainsi dire, et tient sous sa domination toutes les puissances » ( Ibid.

, 456 a).

Aussi, conclut Gorgias, « elle est réellement le bien suprême, celle qui donne a qui la possède la liberté pour lui -même et la domination sur les autres dans sa patrie ».

Pour le rhéteur, l'orateur, qui sait manier le pouvoir des mots, parler c'est plus qu'agir sur autrui, c'est le dominer et le manipuler.

Le pouvoir des mots n’est- il pas à l’origine de toute forme de pouvoir ? R.

Barthes a remarqué que l'art de la parole, la rhétorique « est liée originairement à une revendication de propriété [à savoir les procès de Syracuse pour rétablir dans leurs droits les propriétaires expropriés par Gélon et Hiéron, tyrans qui venaient d'être renversés], comme si le langage, en tant qu'objet de la transformation, conduite d'une pratique, s'était déterminé non pas à partir d'une subtile médiation idéologique (comme il a pu arriver à tant de formes d'ar t), mais à partir de la sociabilité la plus nue, affirmée dans sa brutalité fondamentale, celle de la possession terrienne : « on a commencé — chez nous — à réfléchir sur le langage pour défendre son bien ».

( L'ancienne rhétorique, Communication, XVI, 197O , p.

176.) La rhétorique se situe à proximité du monde de la propriété, des marchandises, de l'argent.

Un tel discours, observe H.

Lefebvre, « se vend.

Il sert à vendre.

Il se manipule et permet de manipuler.

Les gens se divisent alors en manipulateurs et en manipulés.

Les rôles peuvent changer, et le manipulateur se laisse manipuler.

Le discours parachève ainsi l'aliénation par l'argent et le monde de la marchandise.

En allant au fond des choses, ce n'est d'ailleurs pas lui qui manipule et. »

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