« Photo-souvenir » ? Qu'entend signifier E. MORIN par ces « deux termes accolés » ?

« • Moins dans la mesure où son exactitude ne peut être aussi objective qu'elle le laisserait croire car elle estobligatoirement orientée, à la fois par l'exécutant (intentions, choix...), par le photographe lui-même (qui joue uncertain rôle inconsciemment ou non devant objectif et prend la pose), par le fait qu'une seconde est fixée audétriment de toutes les autres (et une seule attitude, celle saisie alors). • La fidélité parfaite est ainsi plus apparente que complètement exacte. • Elle est donc aussi interprétation et va jusqu'à l'œuvre d'art (véritables compositions.

Ex.

: Man Ray, 1980.

Dadaet ses collages et montages photographiques). • Or, en notre société, dominée par une structure de techniques anonymes, l'homme éprouve de plus en plus lebesoin de s'exprimer, de créer.

Si peu que ce soit, de façon indépendante, de satisfaire son esprit inventif. Il va alors choisir (forme de création) de fixer tel ou tel être ou objet et de lui donner, de toute éternité, uneprésence à jamais fixée, telle qu'il l'avait vue ou désiré la voir. • La photographie, au maniement relativement simple, donne à l'homme le sentiment exaltant de se croire maître dereproduire le réel, d'éterniser l'instant, de faire renaître ce qui est devenu absent. • Moyen de réaliser bien des vieux rêves humains : - création, même à bon marché.

Reproductions photographiques sont les peintures qu'on n'a pu fixer sur toile car onn'en a pas le talent ; - langage informulé, celui inclus dans l'image qui fait ressurgir le passé sans effort à tout moment présent ou futur,abolition d'une forme du temps. • Ce sont : photos de ce qu'on avait vu; témoignage de sa propre vie; de tranches heureuses; attaché à mémoireaffective. • Photo/souvenirs de voyage = total de petites confessions (sens de Rousseau), de petits « monuments » (sensétymologique latin : « tout ce qui rappelle un souvenir »). • On en obtient une forme d'affirmation de soi devant et aux yeux d'autrui : «voyez on a bien vu le Parthénon...

onest photographié à côté...

» • C'est ainsi la consolation d'une quête toujours incomplète (imperfection étriquée et superficialité totale des « tours» touristiques). • C'est alors l'utilisation assez grossière de certaines facilités mécaniques (celles de l'appareil photographique), maisc'est surtout un réconfort : trace du passage, des efforts pour avoir vu...; un mensonge aussi, en partie, car si onfixe un point précis sur la pellicule, c'est pour qu'on puisse mieux dire et finir par croire qu'on a tout vu... • Mais mensonge est songe.

Photo devient élément de cette partie fictive faite de chimères non accomplies, propreà toutes ces évasions (comme tous ces voyages touristiques), pâle reflet, reproduction médiocre de cette quête duSaint-Graal dont tous rêvent, mais que seul le très pur (symboliquement) ou très grand mène à bien : celui quiréfléchit, qui vit vraiment avec les habitants, partage les coutumes par ex., dans le cas ci-dessus... • La photo devient donc un trompe-l'œil, mais en cela elle est pourtant élément de rêve. • Elle berce (mémoire affective) les bonheurs vécus et qui redeviennent alors bonheurs vivants (se doublant de latranche de temps qui s'est écoulée dans l'intervalle), quand ils sont revus sur pellicules. • Plus purs encore, sans doute, sont les souvenirs attachés aux êtres, la photo qui rend vivants, actuels telmouvement, tel sourire qui correspondaient à tel épisode précis redevenu en la seconde présente ce qu'il fut en uneseconde passée...

: - photos à travers sa propre existence; se retrouver à tous les âges; véritable valeur magique ; - photos familiales ; comme la re-création de la cellule fermée, protectrice qu'est la famille ; - photos des êtres chers disparus.

Cf.

même office que portraits et peintures, mais multiplié par facilités techniquesabordables par le plus moyen d'entre nous.

Photos permettent de les et de se retrouver. • D'où attendrissement, sensibilité (un peu proche souvent de sensiblerie) car photo ne fixe pas seulement les traits,mais les expressions, donc le caractère, l'âme. • Valeur révélatrice des photos.

Cf.

leur utilisation comme document historique.. »