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Pierre le Grand par Roger Portal Professeur à la Sorbonne Des grands souverains dont les règnes paraissent marquer, dans la suite des temps, une étape décisive, Pierre Ier n'est sans doute pas le plus glorieux, mais assurément le plus singulier, le plus original.

Publié le 05/04/2015

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Pierre le Grand par Roger Portal Professeur à la Sorbonne Des grands souverains dont les règnes paraissent marquer, dans la suite des temps, une étape décisive, Pierre Ier n'est sans doute pas le plus glorieux, mais assurément le plus singulier, le plus original. Ce géant barbare, à peine dégrossi par une éducation hors les murs du Kremlin, animé d'un besoin constant d'action et de mouvement, soumis à des exigences impérieuses et multiformes du corps, mais doué d'une vive intelligence et pénétré des devoirs de sa charge, s'est voué au service de l'État ; héritant un royaume arriéré, contesté, considéré encore à l'aube du XVIIIe siècle par les Occidentaux comme à demi asiatique, il le transforme, lui impose les bases administratives, militaires, financières, économiques, d'un État moderne, lui assure une authentique indépendance et le soude à l'Europe. Né en 1672, souverain théorique en 1682, gouvernant effectivement à partir de 1689, Pierre Ier est mort en 1725, après une trentaine d'années règne extraordinairement rempli d'événements, de guerres victorieuses et aussi d'échecs, et de décisions légales si nombreuses qu'elles forment plusieurs lourds volumes du Polnoe Sobranie Zakonov (Recueil complet des lois). Cette création foisonnante, où les textes mort-nés ne manquent pas, ne doit cependant pas faire oublier que Pierre le Grand a recueilli un héritage, qu'il a souvent repris des projets anciens, que la Russie de la fin du XVIIe siècle, par son évolution spontanée, apportait au tsar une base sur laquelle pouvaient se manifester ses surprenantes qualités d'homme d'action, de réalisateur. Aussi bien le personnage est au centre d'une double controverse qui, née déjà pendant son règne, a nourri depuis deux siècles une volumineuse bibliographie où se succèdent, se recoupent et s'opposent les jugements les plus contradictoires concernant l'importance de son rôle dans l'histoire de la Russie, et les caractères de son oeuvre. Pierre le Grand a-t-il été une " figure de proue ", un de ces " héros " qui font l'histoire et secouent les chaînes du passé ? Et s'il est vrai que son action a été décisive, n'a-t-il pas, en rapprochant par ses institutions la Russie de l'Occident - cette " occidentalisation " fût-elle partielle - renié des valeurs traditionnelles et originales qui méritaient de vivre et de se développer ? Pouvoir politique, économie, structure sociale, religion contribuent à singulariser la Russie qui n'est sortie de son isolement européen qu'à partir du XVIe siècle et, au XVIIe siècle encore, apparaît bien fruste dans l'ombre du brillant État polonais. Mais tout va changer sous le règne de Pierre le Grand. La Russie, par ses victoires sur la Suède, ouvre une fenêtre sur la Baltique, devient une puissance maritime et institue un début de protectorat sur son voisin polonais ; elle se donne une industrie métallurgique, multiplie ses manufactures et développe son commerce direct avec l'Occident. Elle améliore son administration, forme des cadres bureaucratiques, fait de la noblesse un instrument plus soumis au pouvoir et, par la suppression du Patriarcat, élimine la seule puissance morale qui pouvait s'opposer au tsar. Elle crée une armée moderne, une flotte, une nouvelle capitale au nom symbolique : Pétersbourg. Par la fondation d'une Académie, à la veille de la mort de Pierre, elle montre que désormais elle entre dans le concert des États européens policés et cultivés. En face d'une telle mutation, l'historien doit reconnaître qu'il ne s'agit pas là seulement d'une floraison spontanée d'institutions, d'une étape devenue nécessaire dans le cours d'une évolution conditionnée par des conditions générales nouvelles. Il y a fallu l'intervention d'un homme, accélérateur de l'histoire, pour réaliser de telles transformations. Tout est singulier, d'ailleurs, dans la vie, l'action, le comportement du tsar " réformateur ". Ayant reçu jusqu'à dix ans l'instruction habituelle des fils de souverain où se mêlaient la lecture des Évangiles et les récits glorifiant le passé de la Russie, voici que le coup d'État de sa soeur Sophie Alexeevna en 1682 l'écarte du Kremlin et en fait un enfant ordinaire lâché dans la banlieue de Moscou, peu surveillé, fréquentant les enfants de son âge, de toute catégorie Russes et étrangers, et formant a...
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