Devoir de Philosophie

Plaisir de nuir ou de bien faire

Publié le 05/04/2013

Extrait du document

      Il existe selon Leibniz  trois types de maux : le mal physique, à savoir la souffrance qui affecte une créature intelligente et sensible ; le mal moral, à savoir la faute ; et enfin le mal métaphysique, à savoir l’imperfection d’une créature intelligente et sensible. Mais l’expression « plaisir de nuire « de notre sujet nous demande de restreindre nos investigations au mal moral, à savoir à l’intention et à l’effectuation fautive. Prendre plaisir à nuire est publiquement inavouable, mais il nous arrive pourtant, si les circonstances sont favorables, de nous vanter en privé de nuire ou d’avoir nui à autrui, comme on le voit par exemple dans la moquerie. Le plaisir de nuire ne semble pas séparable du plaisir de bien faire, et inversement malheureusement : premier problème. D’autre part, le plaisir de nuire, comme le plaisir de bien faire, peut être à la fois réel et imaginaire, autant pour les nuisances que nous pensons subir, que pour celles que nous pensons commettre : tel élit son sauveur ou pire se prend pour un sauveur, qui vient seulement combler par cette action charitable, reçue ou donnée, un manque affectif bien réel, mais propice aux délires de son imagination : second problème. En bref, le plaisir de nuire, comme le plaisir de bien faire, semble relatif et non pas absolu.     Première ligne de force de ce sujet introspectif : le plaisir de nuire ne semble pas pouvoir exister tout seul, mais semble au contraire devoir entretenir un lien de dépendance constant avec le plaisir de bien faire, sans lequel il ne serait pas envisageable. Le mal se drape des oripeaux du bien et ne se suffit pas à lui-même ; il n’existe que sous la dépendance ontologique du bien, qu’il nie pourtant. L’immoralité ne peut s’empêcher de se référer constamment à la moralité : après tout, le diable n’est-il pas un ange déchu ?   Le plaisir de nuire ne s’exerce pas tout seul. Le bourreau jouit de nuire à ses victimes, sous le regard impliqué de ses complices. Le roman épistolaire de Laclos Les liaisons dangereuses, où la complicité de Valmont et de Madame de Merteuil est la clé de voûte de la prédation sexuelle de Valmont, illustre parfaitement ce fonctionnement humain plus ordinaire qu’on ne le croit. Bourreaux, complices, victimes : telle semble être la répartition des rôles dans la plupart des relations humaines. Il n’existe pas de bourreau sans complice ni victime. Et l’histoire des peuples, comme celle des individus, veut que cette répartition cruelle des rôles reste réversible, les victimes d’un jour pouvant devenir les complices, voire les bourreaux du lendemain. Le plaisir de nuire est l’expression de rapports de force évolutifs, puisqu’il arrive que la vulnérabilité change de camp. Le plaisir de nuire ne peut en tout état de cause s’appliquer qu’à certains, aux victimes expiatoires, sous le regard des autres, les complices.   Le plaisir de nuire, c’est aussi le plaisir de se faire du bien à soi-même en « s’essuyant sur autrui «. L’égoïsme signifie le plaisir de bien faire pour soi ou pour les siens aux dépens d’autrui. A la différence du bourreau, l’égoïste ne jouit pas de la nuisance qu’il occasionne chez autrui, car il ne la voit même pas et n’en tient en tout cas pas compte. Si tout égocentrique n’est pas égoïste, tout égoïste est en revanche platement égocentrique. Pour l’égoïste, le plaisir de bien faire pour soi et pour les siens passe avant toute autre considération, y compris le plaisir de nuire. A contrario du bourreau, qui ne cherche des complices que dans l’intention ultime de trouver des victimes, l’égoïste a d’abord pour visée son propre bien, quitte à nuire à autrui. La nuisance n’est qu’un moyen pour lui de parvenir à ses fins, qui sont son bien propre. Si bien que l’égoïste est un habile stratège et ne jure que par ce qui peut lui être utile. Ce faisant, il se reconnaît comme trop faible pour arriver à ses fins sans exploiter contre eux-mêmes les forces des autres. Mais l’égoïsme est tournant : on peut être égoïste à une époque de sa vie et altruiste à une autre ; et inversement, selon les rapports de force et d’intimidation que l’on parvient à instaurer ou bien que l’on subit avec autrui.   Le plaisir de bien faire consiste souvent à se donner bonne conscience, ce qui suppose qu’on a auparavant eu plaisir à nuire et qu’on en a avec le recul contracté une mauvaise conscience. On rattrape par un petit geste symbolique le préjudice que l’on a procuré à autrui. Le plaisir de bien faire est donc ambigu : on l’exerce à la fois pour soi et pour autrui. Car on se fait plaisir à faire le bien : c’est la fameuse Bonne Action. Cela pose le problème de la charité ou plus g&eacu...

Liens utiles